Les clichés font le tour du monde. Rapportés par les médias argentins, puis internationaux, on peut y voir un touriste sortir un bébé dauphin de l’eau pour le brandir comme un trophée. Des dizaines d’autres vacanciers se précipitent alors sur l’animal, non pas pour le remettre à l’eau, mais pour le toucher et le prendre en photographie. Le dauphin aurait succombé peu après de déshydratation.

« Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue. » Et cette bêtise est très souvent exacerbée lors de certains effets de groupe qui peuvent pousser les individus aux pires actions inhumaines. Cette fameuse citation attribuée à Albert Einstein pourrait parfaitement définir cette triste scène observée hier sur une plage des côtes argentines.

Un jeune mammifère marin s’est visiblement aventuré trop près des touristes de la station balnéaire de Santa Teresita, dans la province de Buenos Aires. Celui-ci aurait été capturé, sans connaissance sur son état de conscience, par un premier touriste qui va l’emmener hors de l’eau et le brandir comme un trophée. Bien que les clichés puissent être interprétés, on peut y voir une masse de curieux se précipiter autour de l’animal pour le toucher ou le prendre en photographie avec leur smartphone.

01dauphin_argentine_touristePhotographie : CEN / Hernan Coria

L’animal à la peau épaisse, dont le métabolisme n’est pas adapté aux fortes températures, aurait rapidement surchauffé avant de perdre la vie, rapportent divers médias dont le Daily Mail. Le dernier cliché tragique, capturé par le même photographe présent sur les lieux tout au long de la scène, montre le corps sans vie du cétacé, gisant abandonné sur le sable.

Selon les observations, il s’agirait d’un dauphin de la Plata ou dauphin Franciscain, une espèce de cétacés qu’on trouve uniquement dans les eaux côtières de l’Argentine, de l’Uruguay et du Brésil. Particulièrement rare, l’espace est listée comme « vulnérable » par le WWF avec à peine 30 000 têtes restantes dans le monde. Sa préservation est particulièrement délicate car l’animal, trop petit, ne s’aventure pas en eaux profondes. Il est souvent capturé par les filets de pèches et nage parfois trop près des plages notamment fréquentées par les touristes. Inadapté pour survivre à l’air libre, l’animal peut succomber rapidement de déshydratation.

04dauphin_argentine_touristePhotographie : CEN / Hernan Coria

Ce triste évènement devrait servir d’occasion pour secouer le public sur la situation urgente et grave que vivent ces dauphins méconnus. Si le bon sens n’était pas suffisant, le WWF local demande à toute personne qui observe un tel animal échoué sur la plage de lui venir en aide et de le remettre à l’eau le plus vite possible. « Il est fondamental que les gens viennent en aide à ces animaux, car chaque dauphin compte désormais » concluent-ils. Mais décrocher le plus beau selfie était visiblement plus important pour les personnes présentes sur les lieux.

Ce qui est interpelant, et laissera tout le monde songeur, c’est que cette triste affaire, symbole d’une mentalité qu’on aimerait voir disparaître dans le secteur du tourisme de masse, ne peut être médiatisée que par les clichés des curieux présents sur les lieux. Rappelons qu’en 2015, une horde de touristes avaient perturbé la ponte annuelle des tortues marines sur les plages du Costa Rica. Des faits interpellants qui doivent encourager les responsables à promouvoir l’écotourisme et protéger les milieux menacés ainsi que ceux qui y vivent.

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UPDATE 21 février – Mort ou pas mort, le grand débat inutile

Comme on peut le constater, TF1, Buzzfeed et d’autres médias ont soudainement retourné leur veste dans cette affaire. Prétexte ? Le dauphin était peut-être déjà mort dans l’eau ! Source ? Les seuls témoignages des touristes présents sur la plage à ce moment là… Oui, ces mêmes personnes qui se prennent en selfie et ont extirpé de l’eau l’animal se font soudainement paroles de vérité et « faits » pour ces médias. Ainsi, à partir de ces témoignages, la scène est soudainement devenue « un hoax » dans les titres de ces médias qui cherchent visiblement à justifier l’injustifiable. Par un tour de magie sémantique, poser avec un cadavre de bébé dauphin fraichement mort devient soudainement beaucoup plus justifiable voire carrément banal.

Il y a cependant un gros bémol. Non seulement il est permis de mettre en doute la parole des personnes sur cette photographie qui ont reçu beaucoup de pressions après l’évènement, mais par ailleurs ceux-ci sont dans l’incapacité scientifique d’émettre un jugement sur l’état de vie ou de mort de l’animal marin à sa simple observation. Sur une vidéo postée sur Youtube, sans savoir à quel moment furent prises les images, on peut voir l’animal au bord de l’eau, la gueule entre-ouverte, se laisser balloter par le courant. Le premier réflex du touriste est de sortir de l’eau l’animal pour le mettre sur le sable. Ainsi, l’état d’inconscience ou la faible mobilité de l’animal est grossièrement jugé comme un état de décès, donc une autorisation à manipuler le corps hors de l’eau. Pourtant, comme l’indique le communiqué de la fondation maritime Mundo Marino, il était impossible de savoir si l’animal était mort avant, au moment de la manipulation ou pendant les selfies, d’autant que l’animal ne porte aucune trace de décomposition sur les premiers clichés. Et pour cause, l’immobilité ne signifie pas forcément la mort chez les mammifères complexes comme le dauphin ou encore l’Homme.

Moralité, pour éviter les raisonnements manichéens qui ont poussé TF1 et BuzzFeed à se positionner à l’extrême inverse de la première version des faits sans aucun esprit critique, il faut rappeler qu’un être immobile ne signifie pas son décès (humains inclus) et que, dans tous les cas de figures possibles, les touristes ne sont pas des vétérinaires et qu’il ne suffit pas d’hurler « c’est bon, il est mort » pour constituer un fait. Extirper de l’eau un dauphin vivant, désorienté ou fraichement mort, n’ayant aucune trace de décomposition, reste dans tous les cas l’expression d’une ignorance sans nom qu’il serait honteux de chercher à justifier par de grands débats inutiles et infondés. Bref, pour nos amis spécistes, si un jour vous voyez un bébé inconscient, réfléchissez à deux fois avant de jouer avec son corps…

02dauphin_argentine_touristePhotographie : CEN / Hernan Coria

4866d512244fe5cPhotographie : CEN / Hernan Coria


Source : dailymail.co.uk / thesun.co.uk

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