Alors que la production de plastique continue d’augmenter partout dans le monde, une part importante des nombreux déchets occasionnés envahit les écosystèmes naturels. Les océans sont les plus durement touchés, comme le confirme une nouvelle étude australienne qui s’intéresse spécifiquement à la mégafaune marine. S’appuyant sur des travaux antérieurs, les scientifiques esquissent des lignes directrices à suivre par les décideurs politiques pour diminuer les risques pour les animaux marins. Sans surprise, toutes ces mesures impliquent la réduction drastique de la production et de la consommation de plastique à l’échelle du globe… Un combat de très longue haleine.

Depuis plusieurs décennies, la production de plastique a littéralement explosé. On l’utilise partout, sans cesse, pour n’importe quoi, mais aussi souvent pour rien ! La mauvaise gestion des déchets et les limites du recyclage aboutissent à des catastrophes pour les écosystèmes naturels. D’après une étude allemande publiée en 2018, plus d’un tiers des déchets plastiques produits termineraient leur vie dans la nature, soit 100 millions de tonnes rien que pour l’année 2016. La plupart de ces plastiques ne sont en outre utilisés qu’une seule fois. Cette situation alarmante est la conséquence directe d’une infrastructure de gestion des déchets sous-développée à l’échelle mondiale. Au final, si rien ne change, l’océan contiendra 1 tonne de plastique pour 3 tonnes de poissons d’ici 2025, selon un rapport du WWF. En 2050, certains estiment qu’il y aura plus de plastiques que de poissons dans nos vastes océans.

L’ingestion de plastique comme cause de mortalité

Des plages tropicales d’Asie du Sud-Est jusqu’à la banquise de l’Arctique, en passant par la Fosse des Mariannes et les courants marins du monde entier, la pollution plastique envahit l’ensemble des écosystèmes de la Terre et affecte la grande majorité des êtres vivants qui y vivent. La mégafaune marine est particulièrement touchée par ce fléau, qui s’aggrave au fil du temps. L’une des causes les mieux documentées de leur mortalité est l’enchevêtrement des animaux dans les débris plastique, qui entravent leur mouvement, bloquent leur respiration et leur infligent des blessures parfois mortelles. Ce phénomène désormais courant a été enregistré chez plus de 270 espèces différentes, des mammifères aux oiseaux en passant par les poissons et les mammifères marins.

Un crabe coincé dans un gobelet en plastique.

Mais une autre cause de mortalité majeure est liée à l’ingestion accidentelle par la faune marine de grandes quantités de plastique, que leur système digestif ne peut absorber. Il n’est pas rare que ces animaux meurent des suites de blocages gastro-intestinaux, de perforations et de malnutrition. C’est ce que démontre une nouvelle étude menée par l’agence de recherche australienne CSIRO Oceans and Atmosphere, et publiée dans la revue Conservation Letters. Les scientifiques ont rassemblé des informations sur les causes de la mort de 80 espèces marines, dont les cétacés, les tortues, les oiseaux de mer et les pinnipèdes (phoques, morses ou encore otaries). Les conclusions ne laissent aucune place au doute…

Les sacs plastique, déchets les plus dangereux

En analysant les résultats de 655 études sur les débris marins, les chercheurs australiens se sont attachés à déterminer quels sont les déchets qui induisent les plus fortes mortalités. En première place, on retrouve les plastiques de type film, comme les sacs plastiques, particulièrement létaux pour les cétacés et les tortues de mer. Leur ingestion provoque des obstructions gastriques mortelles chez les reptiles et les mammifères marins, qui les empêchent parfois de nager et de plonger correctement. Ils sont donc contraints de rester à la surface pendant des jours, ce qui augmente le risque d’être percutés par des navires et des bateaux.

Les graphes ci-dessus montrent l’ensemble des déchets retrouvés dans chaque catégorie d’animaux marins. Les déchets qui ont causé la mort sont indiqués en rouge. Source : Conservation Letters

Au-delà du plastique, les débris liés à la pêche, comme les filets, ont également des impacts dévastateurs sur la faune marine, et notamment sur les pinnipèdes. La troisième catégorie de déchets les plus dangereux est constituée par les éléments en latex et matières similaires, comme les ballons de baudruche. Ceux-ci causent des dégâts importants, en particulier chez les oiseaux de mer qui les prennent pour de la nourriture lorsqu’ils flottent à la surface de l’eau. Outre ces trois catégories, les fragments de plastique divers et le caoutchouc font aussi partie des déchets les plus létaux pour la mégafaune marine. Concernant les microplastiques, l’étude indique qu’ils ne constituent pas une menace aussi immédiate, bien que leur abondance soit « probablement sous-estimée ».

L’urgence de réglementations plus strictes

Si des publications décrivent chaque année un nombre croissant d’espèces affectées par l’ingestion de déchets, cette nouvelle étude permet donc d’identifier avec précision quels sont les éléments les plus dangereux pour la mégafaune marine. Ces données se révèlent essentielles afin de définir des priorités pour les politiques visant à limiter l’impact des déchets sur les écosystèmes marins. Les chercheurs recommandent ainsi aux décideurs politiques de se concentrer sur la réduction des déchets par la réglementation, l’interdiction et le remplacement des articles à haut risque de mortalité tels que les sacs et emballages en plastique, les filets et cordes de pêche et les ballons.

D’après les scientifiques, une diminution de la présence de ces déchets dans l’environnement réduirait directement la mortalité de la mégafaune marine. Ils insistent également sur l’importance des campagnes de sensibilisation pour changer les comportements, notamment dans le but de réduire les déchets côtiers. La menace liée aux débris issus de la pêche pourrait également être réduite par une surveillance plus stricte et des pratiques de pêche plus vertueuses. Les chercheurs australiens préconisent ainsi une combinaison entre ces différentes politiques de régulation, qui devrait probablement générer les plus fortes réductions de la mortalité liée au plastique de la mégafaune marine.

Les débris liés à la pêche sont les déchets les plus souvent mortels pour les pinnipèdes (phoques, morse ou encore otaries). – Noaa on Unsplash

Si des avancées sont à noter dans l’interdiction du plastique à usage unique, elles ne concernent que trop peu de pays, mais surtout trop peu de types de plastique. Par ailleurs, les industriels ne ratent pas une occasion de contourner les lois en modifiant l’appellation du plastique jetable en « réutilisable » sans rien changer sur le fond. Les politiques actuellement en vigueur à l’échelle globale manquent ainsi d’ambition, et doivent être étendues le plus rapidement possible. En plus d’adopter des mesures nationales de réduction et de recyclage du plastique, des objectifs internationaux sont à mettre en place. Il apparaît également essentiel d’imposer aux industries la mise en œuvre de filières responsables et transparentes de production et de gestion des déchets.

Toutes ces politiques doivent se baser sur les données scientifiques telles que celles livrées par cette étude, pour lutter contre la menace grandissante que fait peser la pollution plastique sur les écosystèmes marins. Rappelons à toutes fins utiles que les déchets plastiques ne sont pas qu’un problème pour l’environnement. L’humain aussi est directement impacté par ce phénomène grandissant. Une étude menée au Trinity College de Dublin révélait en octobre 2020 que les bébés ingéraient des millions de particules plastiques par jour. En décembre, une autre étude indiquait la découverte de particules de microplastiques en grand nombre dans le placenta de fœtus

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Raphaël D.

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