L214 : images intenables d’un abattoir industriel de veaux en France

À plusieurs reprises, nous avons par le passé relayé les alertes lancées par l’association L214 concernant la maltraitance des animaux élevés pour notre consommation : élevage de canards pour le foie gras, de cochons et de porcs, de truites, de poules en cage, ou encore de visons à fourrure. Aujourd’hui l’association de protection animale dévoile dans une nouvelle enquête les coulisses d’un des plus importants abattoirs de veaux de France. Attention, images difficiles…

Il s’agit de l’abattoir industriel Sobeval en Dordogne qui appartient au groupe hollandais Van Drie, lequel est leader mondial de la viande de veau. Leur viande est attestée de qualité comme l’illustrent les nombreux labels qu’elle reçoit : Label rouge, Veau de votre région, certifié AB agriculture biologique… Les peaux de veaux quant à elles sont vendues à des marques de luxe comme Hermès, Chanel et Gucci pour finir en sacs à mains, vestes, etc.

À l’abattoir de Sobeval, on pratique tous les types d’abattage : standard, halal ou casher. La viande qui en sort est destinée au marché français. On la retrouvera conditionnée dans les rayons de supermarchés Casino ou dans les cuisines du Jules Verne, le restaurant de la Tour Eiffel. Mais elle s’exporte aussi aux USA, en Égypte pour la viande halal, en Israël pour la viande casher. Une cadence infernale d’abattage, semi-mécanisée, permet de répondre à cette demande nationale et internationale : on y tue en effet 3 400 veaux par semaine, soit 700 par jour, soit 90 par l’heure. C’est 40 secondes pour la mise à mort d’un veau en moyenne ! La mécanique est parfaitement huilée.

En bout de chaîne, la viande de veau, prête à être commercialiser.

Dans cet abattoir certifié, où L214 a réussi à faire entrer discrètement ses caméras, l’association a pu remarquer que l’abattage se fait pourtant en violation de la réglementation en vigueur que ce soit concernant l’abattage standard ou rituel : nombreux sont les veaux à reprendre conscience sur la chaîne d’abattage et à ne pas être étourdis en urgence alors que la législation l’exige. Beaucoup sont blessés par les machines, souffrent inutilement, se vident de leur sang en pleine conscience. Vu le rythme d’abattage mentionné ci-dessus, cet état de fait ne surprend guère et inflige aux animaux un surcroît de souffrance et une négation systématique de leurs droits.

Mais avant de voir leur vie s’achever par un coup de couteau à la gorge, les veaux auront vécu un enfer de plusieurs semaines dans un élevage intensif

Avant l’abattage, l’élevage

Les images de l’enquête prises dans un élevage de veaux sont édifiantes, choquantes et sont hélas représentatives des conditions de vie de ces animaux dans de nombreux autres élevages de la région où le groupe Van Drie les incite à s’installer. Ceci n’a rien d’une exception. Enquêtes après enquêtes, toutes les preuves sont désormais établies que ce modèle est généralisé et prisé par les industriels pour maximiser les profits.

Élevage intensif oblige, les veaux vivent par centaines dans des bâtiments sans fenêtres. Ils sont séparés de leur mère dès la naissance et pendant leurs deux premiers mois de vie, chacun ne disposera pour espace personnel que d’une cage de 80 cm de large pour 150 cm de long, où le veau peut à peine se retourner et se coucher (à condition d’avoir les jambes repliées sous lui) à même un sol dur. Puis les veaux seront engraissés en groupe, dans des enclos au sol bétonné toujours sans paille qui leur aurait garanti un minimum de confort. Naturellement, ils n’auront jamais l’opportunité de sortir et de brouter de l’herbe comme leur nature le demande.

Des stalles de jeunes veaux.

Pour supporter ces conditions de vie infernales, les veaux se voient administrer de nombreux médicaments, dont des antibiotiques. Selon les observations de l’association, certains médicaments sont même périmés… Avant qu’ils atteignent l’âge d’un an, sans avoir pu goûter à une quelconque forme de liberté, souvent sans même avoir vu le soleil, viendra déjà le moment de les abattre pour que leur chair puisse garnir nos assiettes en un temps record. Deux possibilités : soit le veau sera abattu de manière standard, soit de manière à répondre aux rites casher et hallal.

L’abattage rituel

Concernant l’abattage rituel, la plupart des veaux sont tués sans étourdissement. Dans ce cas la loi exige que les animaux soient immobilisés jusqu’à ce qu’ils ne présentent plus « aucun signe de conscience ou de sensibilité » après la saignée. Normalement un contrôle de perte de conscience et de sensibilité doit être effectué systématiquement avant de sortir l’animal du box d’immobilisation. En pratique ce contrôle n’est pas effectué à l’abattoir Sobeval, sans doute pour gagner du temps. Résultat, les veaux sont nombreux à reprendre conscience après avoir été sortis du box d’immobilisation et suspendus à la chaîne d’abattage alors qu’à ces stades ils devraient être morts. De plus, lorsqu’un veau reprend conscience, la réglementation impose un étourdissement d’urgence mais ce n’est quasiment jamais pratiqué.

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Un box d’immobilisation

Et comble de l’horreur, cette scène se déroule sous les yeux du prochain veau candidat à la mort. Car la configuration de la salle est telle que le veau entrant dans un box d’immobilisation peut voir ses congénères finir d’agoniser et de se vider de leur sang avant d’être saigné à son tour, générant un stress supplémentaire insoutenable (il est désormais admis que les mammifères peuvent parfaitement comprendre une scène comme la mise à mort d’un congénère). Sur les images, on peut notamment voir un veau paniqué essayer de s’échapper du box, son instinct de survie lui dictant de fuir. Avant le coup de couteau fatal, le box bascule sur le dos avec le veau solidement entravé. Après la saignée, certains reçoivent un coup de pistolet d’étourdissement d’autres non. Un geste sans doute laissé à l’appréciation du sacrificateur…

Mais, sans que l’on sache pourquoi, il se peut aussi que les veaux ne soient pas immobilisés avant d’être saignés. La saignée se fait donc en position debout, ce qui accroît la souffrance de l’animal. De plus, comme si la situation n’était pas assez douloureuse, certains sacrificateurs effectuent un « mouvement de scie » en égorgeant le veau, mouvement qui là encore augmente la douleur inutilement. Et en point d’orgue, après l’égorgement, l’œsophage étant sectionné, le contenu de l’estomac du veau se répand et va ainsi souiller sa carcasse que l’on peut faire glisser sur un tapis roulant puis suspendre à un crochet, le veau suivant arrive déjà…

Veaux encore en vie sur le crochet d’abattage alors qu’ils devraient être étourdis d’urgence ou déjà morts.

L’abattage standard

Pour parvenir à tenir les hautes cadences d’abattage mentionnées plus haut, l’abattoir Sobeval utilise un pistolet d’étourdissement de type « pneumatique » qui présente l’avantage (pour son manipulateur) de ne pas avoir besoin d’être rechargé entre chaque animal et donc d’abattre plus de veaux, plus vite, pour plus de rentabilité.

Le pistolet est présenté face à l’animal qui devant la taille imposante de l’appareil prend naturellement peur et cherche à le fuir. Pourtant il est obligatoire de bloquer la tête des animaux lorsqu’un tel outil est utilisé pour empêcher l’animal de bouger et pour viser précisément. Mais contrairement à ce que la réglementation exige, à l’abattoir Sobeval la tête des veaux n’est jamais immobilisée au moment de leur étourdissement.

Trois coups de pistolet auront été nécessaires pour étourdir ce veau.

D’où deux conséquences : en premier lieu les étourdissements sont réalisés en violation de la réglementation française. Et en second lieu, de nombreux tirs sont ratés, le veau effrayé bougeant fatalement, il faut alors recommencer. Au final ce sont des souffrances supplémentaires pour les veaux qui ne finissent en plus pas toujours inconscients !

Un veau qui devrait être étourdi essaie de se relever.

Et comme pour l’abattage rituel, le contrôle de l’inconscience et de l’insensibilité n’étant pratiquement jamais opéré, nombreux sont les veaux à reprendre conscience au moment de leur saignée. Ainsi sur l’image ci-dessus un veau tente de se relever à la sortie du box d’immobilisation alors qu’il a été « théoriquement » étourdi…

Le combat de la L214

En réaction aux infractions constatées, la L214 porte plainte contre l’abattoir Sobeval pour cruauté envers des animaux et demande sa fermeture administrative d’urgence. Le contrôle des services vétérinaires (DDPP de Dordogne) dans cet établissement est également pointé du doigt : alors que des agents des services vétérinaires sont présents en permanence dans l’abattoir, on ne relève aucune intervention de leur part pour faire cesser les irrégularités se déroulant sous leurs yeux.

Ensuite, dans le but de réduire la souffrance de animaux, la L214 a contacté Didier Guillaume, le ministre de l’agriculture, pour demander l’instauration de l’étourdissement préalable obligatoire des animaux avant leur abattage comme cela est déjà en vigueur dans plusieurs pays membres de l’UE. Le règlement européen sur la protection des animaux au moment de leur abattage stipulant que les animaux doivent être étourdis avant d’être saignés. Cependant si une dérogation existe pour les abattages rituels, la L214 a tout de même écrit aux autorités religieuses pour leur demander de condamner fermement les pratiques de l’abattoir Sobeval.

Veau traîné au sol. Sans doute mal étourdi par le pistolet, il a du reprendre conscience une fois libéré du box d’immobilisation juste avant d’être saigné et a tenté de s’enfuir.

L’étourdissement est une mesure réclamée de longue date par l’ensemble des associations de défense des animaux ainsi que plusieurs institutions dont la Fédération des vétérinaires d’Europe, l’Autorité européenne de sécurité des aliments et le Conseil économique, social et environnemental. L’opinion publique française y est même favorable à 85% selon une enquête IFOP pour 30 Millions d’amis réalisée cette année. Une pétition est disponible sur le site de la L214, pour que chacun puisse agir à son niveau, tout en refusant d’acheter de la viande issue de l’élevage industriel.

Enfin, dans le contexte des élections municipales à venir, la L214 interpelle les candidats « en leur demandant de se positionner sur un ensemble de mesures permettant d’améliorer les conditions d’élevage et de mise à mort des animaux d’élevage. Il leur est notamment demandé de bannir de toute commande publique les produits issus d’élevages intensifs ainsi que les produits animaux issus des pires pratiques d’abattage, dont l’abattage sans étourdissement, l’étourdissement au CO2 des cochons et la suspension des oiseaux avant étourdissement« .

Affaire à suivre…

S. Barret

« Des élevages intensifs à l’abattage industriel, des milliers de veaux tués à l’abattoir Sobeval n’auront connu que l’enfer. Le pire reste l’abattage sans étourdissement. Halal ou casher, les animaux peuvent agoniser en toute conscience pendant de longues minutes. Il faut mettre un terme à l’abattage sans étourdissement. Mais il ne faut pas se voiler la face, l’abattage standard n’est pas en reste. Là aussi, les cadences et les ratés, qui ne manquent pas d’arriver, causent une souffrance sans nom aux animaux. Il y a urgence à fermer cet abattoir et, au-delà, à s’interroger sur la légitimité à continuer d’abattre des animaux sans nécessité. »

Sébastien Arsac, cofondateur de L214


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