Papouasie–Nouvelle-Guinée : l’accès aux gisements d’or intensifie les guerres tribales

    Le 8 juillet dernier, un guet-apens a faisait au moins 24 morts en Papouasie–Nouvelle-Guinée. Les victimes de ce massacre s’ajoutent à la longue liste des innocents qui ont été tués durant ces dernières semaines. La violence, même si elle a toujours été présente d’une certaine manière dans la région, a explosé à cause de l’injuste répartition des richesses entre les propriétaires des terrains exploités par les multinationales…

    Le village de Karida pleure toujours le décès d’au moins 24 de ses membres, dont 2 femmes enceintes et des enfants. L’attaque s’est déroulée le 8 juillet, et sa rapidité n’a eu d’égal que sa violence : 18 premiers tués en 30 minutes. L’armée est arrivée bien trop tard pour empêcher le drame, et ne pouvait plus que sécuriser la zone et tenter d’arrêter les auteurs de la tuerie. Selon les déclarations officielles à Post-Courrier de Teddy Augwi, inspecteur en chef de la région, l’évènement serait le résultat de représailles pour le meurtre de 6 personnes d’une tribu rivale, quelques jours plus tôt : ils « rentraient d’une cérémonie le samedi 6 juillet […] ils ont été pris dans une embuscade et ont été tués au bord de la route ». Il poursuit « Les proches des personnes décédées se sont vengés en dehors du village de Karida, et selon leur plan ont fait un raid en utilisant des fusils puissants ». Les autres villageois ont fui le village et se sont réfugiés dans les montagnes. Ils s’y trouvaient encore une semaine après, choqués et traumatisés par le déferlement de violence de ces dernières semaines.

    L’explosion des violences tribales

    Alili Urr, interviewé par le journal local The National, a perdu sa mère, sa femme, un enfant et 9 autres proches durant le massacre. Il appelle le gouvernement à aider à relocaliser les 500 villageois déplacés, qui ont aussi besoin de rations alimentaires et d’eau. Un autre survivant, Andrew Alu, a perdu ses 4 enfants dans l’incendie de leur maison. Sa femme est aux soins intensifs. Malgré ça, le chef du village Hokoko Minapa appelle à un apaisement de la situation : « Mon peuple pourrait se venger, mais j’ai dit non. Le gouvernement va faire ça pour nous. Nous allons attendre les actions du gouvernement ».

    La situation est particulièrement inquiétante pour les autorités locales, qui observent impuissants une escalade de la violence. L’administrateur de la région de Hela, William Brando, est sous le choc devant la façon dont des femmes et des enfants ont été tués « ce n’est pas une guerre de tribus, c’est une guérilla ». Il aimerait que la zone soit déclarée comme zone de combat, pour permettre à la police et aux forces de défense d’arrêter les personnes qui perpètrent les massacres. Le ministre de la police Bryan Kramer affirme que le pays ne s’est jamais trouvé face à tant de violence de représailles, et s’inquiète de l’usage d’armes automatiques. En effet, elles apparaissent comme étant de plus en plus utilisées entre les tribus papoues.

    Des multinationales qui mettent le feu aux poudres

    Il faut savoir que les conflits tribaux ont toujours existé en Papouasie–Nouvelle-Guinée. Mais ils ont pris une nouvelle ampleur à cause d’altercations autour du contrôle de l’exploitation des gisements d’or de l’île. Les compagnies minières versent une certaine quantité d’argent aux propriétaires de terrains riches en ressources, pour pouvoir exploiter leur sol. Il arrive que ces propriétaires soient rivaux, et que la distribution des sommes soit sujette à des rixes, d’autant plus que beaucoup d’entre eux se sont appauvris dans la négociation des accords passés entre les multinationales et le gouvernement.

    La Papouasie–Nouvelle-Guinée est un des pays les plus pauvres du Pacifique, mais ses terres convoitées regorgent de ressources naturelles. D’immenses gisements de gaz naturels y ont été découverts, et les grandes compagnies internationales se disputent aussi le pétrole, le cuivre et l’or présents en grandes quantités sur l’île. Lorsque James Marape a été choisi comme Premier ministre en mai dernier, il a promis de faire de ce pays « la nation chrétienne noire la plus riche du monde ». Cependant, devant la dégradation rapide de la situation, il a dû demander à l’une des plus grosses compagnies pétrolière et gazière du monde, ExxonMobil, un des exploitants de la région, d’y construire des infrastructures policières et militaires.

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    Photographie prise le 21 novembre 2018. Des villageois pleurent la mort d’un jeune de 16 ans, tué et démembré par un clan rival.

    L’abolitionnisme mis en danger

    En attendant, James Marape a déclaré sur son compte Facebook que le jour du massacre était « un des jours les plus tristes de [sa] vie ». Il a aussi rappelé que depuis 2012, les requêtes faites pour investir plus de moyens dans la prévention de la violence n’ont pas été entendues : « Comment une province de 400 000 personnes peut fonctionner dans le respect de la loi et de l’ordre avec moins de 60 policiers, et occasionnellement des militaires et des policiers opérationnels qui ne font rien de plus que de l’entretien de pansements ». Même si la Papouasie–Nouvelle-Guinée n’a pas procédé à une exécution depuis au moins 10 ans, les auteurs des crimes ont réactualisé le débat sur la peine de mort. La promulgation de nouvelles lois leur fait encourir aujourd’hui la peine capitale.

    C.G.

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