Le 25 novembre dernier, c’était la journée dédiée à la sensibilisation contre les violences faites aux femmes. Et cette Journée Internationale pour l’Élimination des Violences faites aux Femmes concerne toutes les femmes à travers à le monde. Bien sûr, selon les pays, les avancées sont différentes mais des efforts restent à fournir partout, sans relativiser la situation d’un pays par rapport à un autre. Et dans le domaine du viol, et en particulier du viol conjugal, l’Inde est un pays qui se distingue par son absence de loi. Un vide juridique qu’un court documentaire « Svp arrêtez-moi » dénonce et qui dérange fortement dans une société encore largement patriarcale.

À l’heure actuelle, sur 195 pays 140 ont criminalisé le viol conjugal dont la France, les USA, la Russie, l’Australie…(NB : sans pour autant que la loi soit appliquée). Et dans la liste des pays qui ne l’ont pas fait, on trouve l’Inde, la Chine, Singapour… À l’échelle mondiale, cela signifie que 2,6 milliards de femmes vivent encore dans des pays où le viol conjugal n’est pas un crime. Où elles peuvent être victimes d’un rapport sexuel forcé dans le cadre de leur ménage sans pouvoir réclamer une quelconque justice.

En blanc, les pays où le viol conjugal n’est pas un crime. Image de la fondation RIT.

En Inde, la fondation RIT, une ONG créée en 2009, se bat pour que le viol conjugal soit enfin reconnu comme un crime. Car dans le pays, le viol est défini comme « un rapport sexuel avec une femme contre son gré, sans son consentement, par la contrainte, une fausse déclaration ou une fraude ou à un moment où elle a été en état d’ébriété ou dupe, ou si sa santé mentale est mauvaise et dans tous les cas si elle a moins de 15 ans » (article 375 du Code pénal). Mais une exception dans ce même article précise que « Les relations sexuelles entre un homme et sa propre femme, la femme n’ayant pas moins de 18 ans, ne constituent pas un viol. »

Le viol conjugal n’est pas simplement « absent » du droit, il est autorisé ! Une impunité qui laisse une porte grande ouverte pour les abus systématiques à une échelle qu’on peine à imaginer. Pour atteindre cet objectif – et de façon plus générale pour promouvoir l’égalité des sexes en Inde – l’ONG collabore avec d’autres associations. Six années de travail conjoint avec l’Union of India ont été nécessaires pour établir une pétition nationale (à retrouver sur le site de la fondation) grâce à laquelle RIT espère faire changer la loi et voir enfin le viol conjugal être reconnu comme un crime. Le jour décisif sera peut-être le 30 janvier 2020 où une audience de la Haute Cour de Delhi devra décider d’interdire ou non le viol conjugal.

Pour appuyer son combat et le faire connaître, la fondation RIT a réalisé un court documentaire coup de poing. Filmé caméra à l’épaule, le spectateur suit sur place l’action de Sameer, journaliste militant pour la fondation RIT et engagé dans la lutte contre le viol conjugal. Il rencontre des figures de l’autorité (avocat, député) qui confirment la non-reconnaissance du viol conjugal en Inde, des moments entrecoupés par de terribles témoignages de victimes à visage caché. Six minutes percutantes pour dresser un constat brutal et accablant du viol conjugal, crime toujours impuni en Inde :

Sameer qui, pour les besoins du documentaire, ira s’accuser volontairement de viol sur la personne de son épouse ressortira libre du commissariat. D’où le titre du documentaire « Please, arrest me ! » Une démonstration qui glace le sang. Le responsable de la police lui ayant calmement signifié qu’il devait régler cette situation en privé, avec sa femme. Une scène suffisante pour comprendre l’absurdité et l’ampleur de la situation en Inde, une situation subie par une Indienne sur trois selon les chiffres officiels.

« Le film a remporté un prix lors d’un festival international mais a du mal à être accepté par la société patriarcale indienne. Cela ne nous surprend pas vraiment car un tiers des hommes en Inde admettent avoir forcés leur femme à commettre des actes sexuels… » la Fondation RIT

Pour conclure, nous n’oublierons pas de signaler que ce n’est pas parce qu’un pays a fait du viol conjugal un crime que le combat est terminé. Bien au contraire, le criminalisation n’arrête rien. C’est le début d’une longue transition vers le respect de la dignité humaine. Prenons l’exemple de la France avec la sociologue Maryse Jaspard qui déclarait en 2017 :

 » (en France) La moitié des viols sont commis dans le cadre d’un couple et 18 % des victimes vivent avec le conjoint agresseur au moment de l’enquête. En dépit de l’adoption de lois anti-viol conjugal en France en 1990, 86 % des 120.000 victimes de violences sexuelles entre 2008 et 2016 ne font pas le déplacement au commissariat ou à la gendarmerie pour signaler les faits qu’elles ont subis (selon le dernier rapport du ministère de l’Intérieur), du fait de la ‘loi du silence’ qui continue d’entourer ces crimes et du parcours du combattant des victimes qui doivent encore convaincre leur interlocuteurs de leur agression… La lutte contre les abus sexuels est une bataille difficile dans tous les pays et la France n’y échappe pas. Mais comme le prouve le mouvement #NousToutes et #BalanceTonPorc, notre force réside dans notre solidarité ! »

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La route reste longue pour que les femmes, indiennes, françaises, ou de toute autre nationalité puissent un jour vivre dans un monde où leurs droits les plus élémentaires et le respect de leur personne ne soient pas bafoués. Une seule solution, ne jamais baisser les bras, continuer le combat envers et contre tout et s’unir, femmes et hommes, pour qu’un tel futur puisse voir le jour.

S. Barret


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