Sous-estime t-on aujourd’hui le rôle des pères pendant la grossesse de leur compagne et après la naissance de leur enfant ? Parti du constat que le recours aux substances de synthèse et aux gestes médicaux est presque devenu la norme au moment des accouchements, Matthieu Lietaert, co-auteur de l’enquête « The Brussels Business » sur le lobbying européen, a décidé de montrer comment les pères pouvaient aider leur conjointe pendant les semaines qui précèdent cet évènement. À l’occasion de la sortie de son cours en ligne, nous avons discuté avec lui du rôle injustement oublié du père, sujet encore tabou dans nos sociétés dans lesquelles on estime que l’accouchement est avant  tout « une question de femmes ».

Mr Mondialisation : Politologue, co-auteur de l’enquête The Brussels Business, vous vous êtes intéressé ces derniers mois au rôle du père pendant la maternité. Pourquoi un tel changement d’orientation ?

Matthieu Lietaert : Tout est parti de mon vécu, celui d’un futur papa qui s’intéresse à la question, qui est motivé, qui suit plusieurs cours et qui finalement se rend compte qu’il n’est pas prêt le jour de l’accouchement pour épauler sa compagne à passer l’un des jours les plus « hallucinants » de sa vie. Résultat ? Tout le monde se met à courir, les médecins nous tiennent par le bout du nez, la tension monte, et heureusement que nous avons eu du soutien de la part de Johanne Charlebois, une sage-femme libérale incroyable pour nous aider à rétablir la situation. »

Puis, il y a une tendance à la hausse qui m’a interpellé : toujours plus de substances sont administrées pour donner la vie ! Près de 50 % des femmes accouchent avec de l’ocytocine de synthèse – et pas naturelle – l’hormone qui crée les contractions et permet l’accouchement. Selon l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, en France, trois mamans sur quatre ont accouché avec une anesthésie péridurale en 2015. Et une femme sur trois a recours à la césarienne en Europe, souvent pour aller plus vite…

Toute ceci nous indique que la naissance naturelle est à la baisse d’une manière générale. D’où la question de savoir : comment un papa peut intervenir pour aller à l’encontre de cette logique ? Voilà comment est née l’idée de créer un cours en ligne pour partager ce savoir.

Dean White / Flickr

Mr M. : Comment expliquer que cette thématique reste relativement peu abordée aujourd’hui dans la sphère médiatique ?

M.L. : Je pense qu’il y a une première réponse, d’ordre physiologique, qui nous induit en erreur : c’est la maman qui porte le bébé, qui accouche et qui l’allaite. On peut donc plus ou moins comprendre que toute l’attention se soit concentrée sur la personne qui est si proche du bébé. Mais peut-on en rester à une réponse du genre ? Bien évidemment que non, il faut prendre en compte le culturel !

Quant au sujet du rôle pro-actif du papa, mis à part quelques ouvrages très légers et plus humoristiques qu’autre chose sur la question du papa, personne n’en parle. Je précise ici que pour moi, papa, maman ou autre parent, importe peu. Ce qui importe c’est l’amour qu’il y a entre les deux parents, et pas leur genre ; c’est le fait que l’autre parent ait un rôle clé à jouer à côté de la maman qui accouche.

C’est donc une révolution culturelle que nous devons lancer : oui, le parent qui n’a pas accouché peut, et même doit, en faire autant que la maman qui accouche.

maternitéMr M. : Vous disiez à l’instant que la problématique est aussi d’ordre culturel… Pouvez-vous préciser ?

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M. L : En témoignent les différences entre sociétés, à des moments et à des endroits précis. Si le rôle de l’autre parent change, c’est que ce n’est pas inné, mais culturel. Et qui dit ‘culture’, dit en d’autres termes qu’on peut modifier la donne. Dans nos pays, je dirais que les pères parlent très peu du sujet entre eux. Ça c’est culturel. Les mamans échangent beaucoup plus d’infos, de vêtements, de conseils. Ça aussi c’est culturel.

Plusieurs choses sont à prendre en considération. Dès leur plus jeune âge, les enfants sont conditionnés par certaines normes sociales : on donne des poupées aux jeunes filles, des ballons et des armes aux jeunes garçons. On habitue les filles à l’idée qu’elles sont responsables de ce tout ce qui a trait aux enfants.

L’association entre femme et enfant se fait à d’autres niveaux, jusque dans la loi. Dans de nombreux pays européens, l’autre parent n’a que plus au moins 10 jours de congé après la naissance… Il ne jouerait qu’un rôle secondaire. Ce n’est pourtant pas une fatalité : dans certains pays scandinaves, les parents peuvent se partager les congés comme bon leur semble. En Espagne, un mouvement de papas réclame que les deux parents aient un nombre égal de jours de congés, sans pouvoir se les échanger. De cette manière, disent-il, l’autre parent doit prendre un rôle actif. On voit donc très bien que des décisions politiques peuvent influencer la culture ainsi que les individus au sein de la société.

Mr M : Quels gestes et comportements le père peut-il concrètement adopter pour accompagner sa femme pendant sa grossesse, et après ?

Les études en biologie nous ont appris une donnée très intéressante pour contrer les statistiques mentionnées en début d’interview : si la « maman mammifère » est stressée, elle secrète de l’adrénaline et ne peut donc pas secréter d’ocytocine. Or, sans ocytocine, pas de contractions et pas d’accouchement. C’est aussi simple que ça ! Mais la biologie nous apprend aussi que si l’autre parent se met dans les semaines qui précèdent l’accouchement à bien gérer l’environnement du ‘nid’, la future mère va augmenter la sécrétion d’ocytocine et augmenter les probabilités d’un accouchement dans de bonnes conditions : sans ocytocine de synthèse et sans péridurale puisqu’elle va également secréter sa propre endorphine. C’est un premier rôle fondamental !

Le jour-J, l’autre parent doit se convertir en ‘coach’ pour la maman : notamment lui rappeler de respirer en profondeur pour se détendre un maximum lors des contractions et la soutenir comme si elle était un sportif de haut niveau. Tout ceci pour une raison très simple : il faut que la maman lâche prise pour rentrer dans une « transe » véritable avec son enfant.

Enfin, il y a le retour à la maison. L’autre parent doit anticiper ce moment bien avant l’accouchement : tout doit être prêt, le cocon doit être confortable afin que dès les premiers jours, la maman et le petit se sentent couvés. Pendant près de 2 mois, son rôle sera d’en faire trois fois plus que d’habitude car la maman sera en mode repos. Un dicton asiatique dit que si la maman porte l’enfant, l’autre parent porte la maman et l’enfant.

Baby

Mr M. : Enfin, que contient le cours que vous avez mis en ligne et à qui est-il destiné ?

M. L. : J’ai lu des centaines d’heures pour répondre aux questions auxquelles j’ai fait face en tant que jeune papa. Le cours est donc destiné à tous futurs parents. En tant que parents ou futur parents, une part de notre savoir est inné, mais je suis convaincu qu’il y a également un manque de connaissance et de dialogue sur la question dans nos sociétés. Tous ces livres que j’ai lus m’ont offert un complément d’information très utile, que j’ai d’ailleurs pu tester au quotidien. Je pouvais mieux anticiper certaines erreurs évidentes et faciliter la vie de tout le monde à la maison. Puis je me suis demandé comment recycler cette info. C’est l’objectif du cours en ligne ! Il consiste en une trentaine de vidéos pour aider tout futur parent à mieux se préparer et à mieux profiter de cet incroyable moment.


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