Un épisode froid aux États-Unis faisant, les climatosceptiques ont profité de l’occasion – et de la confusion entre climat et météo – pour ressortir leur argumentaire éculé contre les principales études scientifiques qui mettent en lumière le changement climatique et la hausse globale des températures. Une occasion d’étudier leurs affirmations de plus près.

« Les vagues de froid montrent que le climat ne change pas » : #FAKE

Alors qu’une partie nord des États-Unis traverse une vague de froid exceptionnelle, avec des températures qui descendent parfois sous les -50 °C, les climatosceptiques de tous bords trouvent une nouvelle occasion rêvée pour défendre leurs positions. Il suffirait de regarder par la fenêtre… Pourtant, les vagues de froid intensif sont également une conséquence de la perturbation globale du climat.

Exemple de sophisme populaire

En Europe et aux États-Unis, certaines vagues de froid (comme celle qui traverse actuellement l’Amérique du Nord) ont pour cause l’augmentation rapide des températures au niveau du pôle nord (augmentation deux fois plus rapide qu’au niveau mondial). Pendant que l’Arctique se réchauffe, les vents de haute altitude (courant-jet), qui dépendent de la différence entre l’air froid de l’Arctique et l’air tropical chaud ralentissent et deviennent plus sinueux. Alors que le vortex polaire se déstabilise, le phénomène favorise des descentes froides sur les continents de l’hémisphère nord, mais également des anomalies de températures positives.

Quelques journées particulièrement froides n’empêchent d’ailleurs pas que les hivers, tout comme les étés, aient tendance à se réchauffe. Ainsi, la France connaît de moins en moins de jours de gel. Sur la période 1951-2000, on note « une diminution du nombre de jours de gel en hiver […] de l’ordre de 3 à 4 jours tous les 10 ans à Toulouse et de 4 à 5 jours à Nancy[…] »,  selon Météo FranceLes vagues de froid ne sont donc absolument pas incompatibles avec une hausse globale des températures moyennes. Toutes les études scientifiques sur ces questions ne laissent d’ailleurs aucun doute là-dessus.

Lorsque le courant-jet s’affaiblit, il forme des ondulations favorables aux épisodes hivernaux froids. Source : NASA

« L’activité solaire et la principale cause des variations des températures » : #FAKE

Selon cet « argument » très courant chez les sceptiques, le soleil serait la principale cause des variations des températures. L’argument est utilisé pour déresponsabiliser les êtres humains et mettre en doute le rôle qu’ils jouent dans le changement climatique en cours. Certains prédisent même des années froides dans les deux prochaines années en raison de l’affaiblissement de l’activité solaire…

Or, si les cycles du soleil jouent un rôle indéniable dans les variations de température, ces cycles n’ont qu’un rôle secondaire et minime dans le réchauffement en cours. Selon la NASA, les radiations solaires seraient tout au plus à l’origine d’une hausse des températures de l’ordre de 10 % au cours du 20e siècle. Si le hoax continue à faire le bonheur des forums, c’est que, dans les années 1990, plusieurs études font le lien entre variations des rayonnements solaires et variations des températures terrestres. Mais depuis, de nouvelles études ont largement battu en brèche ces premières conclusions. Aujourd’hui, il n’existe pas de modèle climatique qui puisse expliquer la hausse des températures actuelle sans y inclure l’effet de serre qui se renforce avec les activités humaines.

« Il n’y a pas de hausse des températures » : #FAKE

Source : capture d’écran sur le site Wikistrike.

Autre rumeur souvent partagée, la supposée absence d’évidence en ce qui concerne la hausse des températures. Des sites – plus ou moins connus – publient régulièrement des articles allant en ce sens, au mépris de toutes les évidences scientifiques accumulées toutes ces années et alimentant ainsi diverses théories du complot.

Par exemple, en 2018, c’est une étude réalisée par Frank Lansner et Jens Olaf Pepke Pedersen et publiée dans la Revue Energy & Environment qui était reprise pour alimenter cette idée. La revue en question est critiquée pour la très faible évaluation par des pairs avant publication. En effet, la valeur d’une publication scientifique dépend grandement de l’observation par une série d’autres scientifiques qui peuvent confirmer (ou pas) la méthodologie et le sérieux de l’étude. Par ailleurs, la revue est connue pour multiplier les études mettant en cause le changement climatique. Mais comment pourrait le savoir un lecteur d’une telle étude si personne ne l’en informe ?

Autre exemple, en 2015, une enquête a révélé que le chercheur américain Willie Soon, principal scientifique animant le scepticisme climatique aux USA, a reçu des fonds importants – plus d’1 million de dollars – de l’industrie pétrolière durant toute sa carrière. Ses travaux sont pourtant toujours brandis en exemple par les sceptiques du monde entier, notamment sur de nombreuses vidéos publiées sur Youtube. Vincent Courtillot, référence du climatoscepticisme à la française, reconnaît recevoir des fonds du pétrolier Total, mais estime que ceci n’influence pas ses travaux…

Quoi qu’on en dise, il existe aujourd’hui un consensus scientifique écrasant en ce qui concerne la question. Les quelques études qui n’établissent pas de hausse des températures sont minoritaires et sur nombre d’entre elles, il existe des doutes importants d’influence par l’industrie pétrolière. Par ailleurs, des résultats différents peuvent s’expliquer pour des raisons de méthodologie ou des erreurs. En 2013, une étude comparative montrait que 97 % des recherches publiées dans lesquelles les auteurs prennent position sur l’origine du réchauffement indiquaient que la hausse des températures est réelle et qu’elle a une cause principalement humaine. De nombreuses autres études statistiques vont dans le même sens. À ce niveau de consensus, le doute n’est plus permis.

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Selon le Giec, la hausse des températures actuelle est d’ores et déjà de l’ordre +1°C par rapport à l’ère préindustrielle et augmente de 0,2°C par décennie.

« Selon la NASA, il n’y a pas de changement climatique » : #FAKE

Très récemment, dans une tribune publiée en ligne sur le média belge « La libre », le polémiste Ludovic Delory, coauteur de Climat : 15 vérités qui dérangent (Éd. Texquis, 2013) et rédacteur en chef de Contrepoints – site d’information en ligne d’inspiration libérale et qui s’est fait une spécialité de publier des articles qui remettent en cause le changement climatique – affirme que la NASA serait bien plus nuancée quant à la réalité du changement climatique. Il écrit : « Lisez les données brutes de la Nasa et ne vous contentez pas des « rapports pour décideurs » du Giec. Vous y trouverez une réalité bien plus nuancée ».

L’allégation basée sur une interprétation toute personnelle et non scientifique cherche à créer le doute en ayant recours à un procédé simple : renvoyer à une autorité scientifique reconnue, qu’importe si l’autorité en question a réellement tenu de tels propos. La méthode est particulièrement malhonnête, car rares sont ceux qui vérifieront ce que dit réellement l’autorité en question.

Ce que dit vraiment la NASA. Source : climate.nasa.gov

Mais que dit vraiment la NASA ? L’agence américaine reprend les principales conclusions du GIEC et indique que « La tendance de réchauffement actuelle est particulièrement significative, puisqu’elle est essentiellement (à une probabilité de 95 %) le résultat des activités humaines depuis la moitié du 20e siècle et a lieu à un rythme sans précédent depuis des décennies voire des millénaires ». Les recherches menées par la NASA concluent également à la fonte spectaculaire de l’Antarctique et suggèrent que le réchauffement des océans pourrait augmenter la fréquence de tempêtes extrêmes. Les données brutes de la NASA sont tout aussi claires : la température moyenne globale a augmenté de 1 °C entre 1880 et aujourd’hui.

Autrement dit, la NASA ne met à aucun moment en doute la réalité du changement climatique.

Une guerre de l’information

Vérifier les informations qui circulent concernant le réchauffement climatique (comme de nombreux sujets faisant polémique) est une démarche longue et laborieuse. Ici, nous venons de vérifier 4 grandes « infox » qui circulent en boucle sur les réseaux sociaux dans l’intérêt d’une certaine vision de l’économie. 4 intox seulement parmi un océan de fakes. Et pourtant, ceci représentante plusieurs heures de travail, de recherches, de vérifications. Nous comprenons donc à quel point il est largement plus facile de distiller une contre-vérité séduisante, que de rechercher la vérité et la dire. Parfois même, mentir peut rapporter gros. Il appartient désormais à chacun de faire preuve de vigilance et d’affûter son esprit critique.


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