En Argentine, dans la province de Chubut en Patagonie, une communauté ancestrale est en train de subir un répression policière extrêmement violente pour avoir l’audace de défendre les terres sur lesquelles elle est établie depuis toujours. Sauvagement expropriée, la communauté Mapuche tente tant bien que mal de faire face aux gendarmes, envoyés en nombre par l’État afin de défendre les intérêts de la multinationale qui se réclame de la parcelle : Benetton. Voilà plus d’une semaine que de violents affrontements ont éclaté, ravivant un conflit qui dure depuis déjà plusieurs années.

Affrontements sanglants entre police et manifestants

Le 10 janvier dernier, de violents affrontements ont éclaté dans la région de Chubut, en Patagonie argentine, entre gendarmes et membres de la communauté Mapuche. À coups de balles de caoutchouc et de plomb, plusieurs centaines de gendarmes ont réprimé les manifestations et les protestations d’une trentaine membres de cette communauté ancestrale qui se bat maintenant depuis des années pour conserver ses terres. Depuis mars 2015, plusieurs familles de la région s’attèlent à reprendre des terres réquisitionnées par l’homme d’affaires italien Luciano Benetton, fondateur de la marque du même nom et propriétaire depuis les années 90 de près d’un million d’hectares en Patagonie.

Face à la révolte de ces communautés ancestrales réclamant le droit de vivre sur des terres où elles sont établies depuis des siècles, les autorités ont donc usé de la violence en ce début d’année au prétexte de faire respecter le droit de propriété qui s’exprime ici à travers l’accaparement systématique de terres paysannes. Un phénomène également observable ailleurs dans le monde où de riches industriels rachètent, grâce à une connivence avec les autorités, des terres qui appartenaient « de fait » aux communautés locales jusqu’à aujourd’hui. En Patagonie, plusieurs personnes ont été blessées, dont une gravement, et une dizaine de militants furent interpellés. Les témoignages décrivant la violence utilisée dans ces opérations menées par la gendarmerie ont fait surface dans les médias locaux, évoquant une « volonté de tuer » et de nombreuses destructions de biens.

Les affrontements ont éclaté alors qu’une poignée de membres mapuches manifestait en bloquant la voie de « la Trochita », une ligne de train dont l’installation sur les terres du Chubut a largement été critiquée par les peuples autochtones. Et pour cause, cette voie a été installée alors qu’un accord passé stipulait qu’elle passerait par un autre endroit. Un porte-parole mapuche a notamment déclaré à propos de l’incident : « C’est un scandale, le passage à tabac et la répression qu’ont subi les manifestants. Ils étaient une poignée à manifester et une évacuation a été ordonnée, qui a conduit à l’intervention de 300 soldats de la gendarmerie armés jusqu’aux dents. » Contre les balles, les manifestants n’avaient que des pierres pour riposter.

Au cœur du problème : l’expropriation séculaire des peuples aborigènes

Située à cheval entre l’Argentine et le Chili, la Patagonie accueille le peuple Mapuche, connu également sous le nom de « Peuple de la Terre », depuis plus de 10 000 ans. Depuis 500 ans, ce peuple a résisté aux invasions continuelles, aux tentatives d’extermination, et aux expropriations abusives. Aujourd’hui, les Mapuche sont confrontés à une colonisation de type économique : le rachat de leurs terres par de riches Européens et Nord-Américains qui espèrent profiter des bas prix et de l’ouverture de l’économie engagée sous la présidence de Carlos Menem dans les années 1990. De nombreuses célébrités ou hommes d’affaires ont ainsi investi dans d’immenses terrains en dépit des habitants qui y vivent.

C’est notamment le cas des frères italiens Carlo et Luciano Benetton, fondateurs de la célèbre marque de vêtements. Le groupe Benetton est aujourd’hui le plus grand propriétaire foncier d’Argentine, avec pas moins de 900 000 hectares de terre détenus en Patagonie. Ils concentrent ainsi 9% des meilleures terres cultivables du pays, des terres qu’ils exploitent en y installant plusieurs centaines de milliers de moutons qui leur permettent de produire près de 6 000 tonnes de laine par an, soit 10% de la matière première nécessaire à leur production de vêtements.

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Les terres des Mapuche sont donc aujourd’hui largement entre les mains de compagnies étrangères comme Benetton. Ce même processus d’expropriation a par ailleurs donné lieu à l’exode et à la stigmatisation des Mapuche, aujourd’hui considérés comme des « sauvages » par un gouvernement argentin qui a tenté de les soumettre et de les « intégrer » en les utilisant comme main d’œuvre bon marché. Aujourd’hui, et au travers des récents événements, qui sont de vaines tentatives de résister à un envahisseur privé détenteur de capitaux, ils sont parfois même présentés comme des terroristes qui menacent la « paix sociale ».


Sources : Pagina12.com  / ElCiudadano.cl / Notas.org.ar / Metamute.org / Photographies reçues de militants sur place.

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