Le 8 février 2017, une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) a déposé un dossier à l’Union Européenne, demandant l’interdiction de l’utilisation du glyphosate, herbicide le plus utilisé au monde, et dont les effets sur la santé sont très controversés. Classifié  »cancérogène probable » par l’OMS en 2015, de nombreuses études rendent également compte d’une pollution des sols et de l’air, avec toutes les conséquences qu’on imagine sur l’environnement dont la faune. Les citoyens engagés sont appelés à donner leur avis.

Une Initiative Citoyenne Européenne pour l’interdiction du glyphosate

L’initiative nommée simplement  »Ban glyphosate » que l’on peut retrouver sur le site Stopglyphosate.org a été lancée simultanément dans plusieurs capitales d’Europe le 8 février: à Paris, Bruxelles, Berlin et Madrid. Une quarantaine d’ONG telles que Emove.EU, Greenpeace, Pesticide Action Network Europe, Health and Environment Alliance, Générations Futures, la Confédération paysanne etc. soutiennent cette initiative. L’objectif est de faire interdire l’utilisation de l’herbicide glyphosate, utilisé comme pesticide par Mosanto depuis 1974, et commercialisé sous le nom de Roundup.

Le texte exige « l’interdiction du glyphosate, conformément aux dispositions européennes sur les pesticides, qui interdisent l’usage de substances cancérigènes chez l’homme ». Il appelle l’Union Européenne à prendre des mesures fermes en ce qui concerne l’utilisation des pesticides en Europe, à réformer la procédure d’approbation des pesticides et à fixer des objectifs obligatoires à l’échelle de l’Union Européenne pour réduire l’utilisation des pesticides. Bonne nouvelle, il existe les outils démocratiques pour que ce type de texte s’impose aux décideurs européens, si les citoyens sont assez nombreux à réagir.

L’Initiative Citoyenne Européenne doit recueillir au moins un million de signature en un an, dans sept pays d’Europe, avec un quota minimum pour chaque pays (par exemple 72 000 pour l’Allemagne, 55 000 pour la France, 15 700 pour la Belgique). Si le défi est relevé, la Commission disposera de trois mois pour réagir et justifier de sa décision. Cette procédure, instaurée par le Traité de Lisbonne, permet aux citoyens d’intervenir sur la législation européenne. Mécanisme inédit de démocratie semi-directe, il permet de faire peser sur les directives européennes de manière très concrète. Malheureusement, l’outil reste globalement sous-médiatisé et peu utilisé.

Des études rendent compte d’une pollution des sols et de l’air

Plusieurs études montrent que, bien que dégradable, le glyphosate est très présent dans l’air, les eaux et les sols. Le glyphosate (largement utilisé dans le Roundup de Monsanto) est absorbé par les éléments présents dans les sols dans lequel il est utilisé, c’est-à dire les forêts, les champs de cultures. S’il est réputé peu mobile dans les sols, son usage abusif dans certaines régions et son usage non-agricole et non-contrôlé explique sa présence dans de nombreux cours d’eaux et nappes phréatiques d’Europe. En 2006 une étude menée par l’IFEN montrait que le glyphosate et l’AMPA, produit de sa dégradation, étaient les substances les plus retrouvées dans les cours d’eaux en France. Il est également peu soluble dans l’air, cependant il circule facilement dans les poussières des sols ou sous forme d’aérosol. En 2001, une étude allemande a montré que les poussières et aérosols issus de l’érosion et du travail du sol sont une source significative de glyphosate dans l’air, parfois même à proximité d’habitations ou d’écoles.

On sait aujourd’hui que le glyphosate provoque de nombreux dysfonctionnements des écosystèmes tels que, une mauvaise pollinisation, un développement insuffisant de certaines plantes, des anomalies morphologiques etc. Le glyphosate est dégradable, cependant son utilisation massive dans certains domaines agricoles, ou certaines forêts augmentent le temps de sa dégradation. On notera qu’il n’est jamais utilisé seul car peu efficace sans adjuvant. On lui adjoint généralement des tensioactifs,  produits connus pour provoquer des mortalités cellulaires.

Le long processus de décision en Europe concernant le glyphosate : un débat controversé

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La licence du glyphosate arrivait à expiration à l’été 2016, depuis la Commission européenne a autorisé une prolongation de 18 mois en attendant de prendre une décision fin 2017. Pour prendre cette décision, elle avait demandé l’avis d’expert de l’Agence Européenne pour les Produits Chimiques. Cette dernière a publié un communiqué le 15 mars 2017 dans lequel elle affirme que le glyphosate ne représente pas de risque cancérogène. Mais cette étude ne tient compte que de la molécule glyphosate pure, et non pas des produits commercialisés (avec adjuvants). Elle s’est appuyée sur une relecture des études concernant le glyphosate faites sur les humains et les animaux, et a jugé qu’il n’était pas cancérogène, même si certaines d’entre elles ont prouvé la corrélation entre l’exposition à ce produit et l’augmentation des risques de cancer.

D’autres études avaient déjà exposé le risque cancérogène de la molécule comme c’est le cas de l’étude menée par le Centre International de Recherches contre le Cancer (CICR) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2015  qui juge le glyphosate commercialisé  »cancérogène probable ». Le CICR a montré clairement qu’au moins sept études mettaient en évidence une incidence accrue de certains cancers chez les animaux de laboratoires exposés au glyphosate. À l’inverse, une étude parue en mai 2016 et réalisée par l’OMS et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) avait jugé peu probable que le glyphosate soit cancérogène. L’OMS justifie cette divergence parce que la première étude se basait sur l’utilisation massive de glyphosate, et la deuxième sur une utilisation restreinte. Le doute plane toujours.

@ Nawak Illustration

France : le glyphosate interdit dans les parcs publics

Si la législation européenne autorise ou non la commercialisation des produits, c’est à chaque État d’en accepter l’utilisation sur son territoire. En France, pas moins de 700 000 citoyens seraient contre l’usage du glyphosate. En 2016 le gouvernement français qui votait à Bruxelles pour l’autorisation du renouvellement de la licence du glyphosate s’est abstenu alors que les déclarations de la ministre de l’époque, Ségolène Royal, et de plusieurs députés, affirmaient que la France s’opposerait à la commercialisation du glyphosate dans les médias. En France le glyphosate est toujours largement utilisé dans les espaces agricoles, les forêts et les parcs, il fait partie de l’un des herbicides les plus utilisés en dépit des nombreuses alternatives biologiques. Cependant, depuis janvier 2017, des mesures ont été prises pour réduire l’utilisation de l’herbicide en l’interdisant dans les parcs publics.

Aujourd’hui, plusieurs ONG françaises s’opposent à la commercialisation du glyphosate par principe de précaution. François Veillerette, président de Générations Futures, ONG qui s’est associée à l’initiative citoyenne déclare que  »c’est un objectif de défense de l’environnement et de santé publique majeur ». Celui-ci dénonce « la présence continuelle des lobbys à Bruxelles qui s’opposent à l’interdiction du glyphosate« . En France, les 55 000 votes minimum sont attendus pour que l’initiative citoyenne soit validée dans l’hexagone. Pour participer, il suffit de se rendre sur le site de l’initiative citoyenne pour valider sa voix : stopglyphosate.org.

Image @ Greenpeace

Source : stopglyphosate.org / lemonde.fr / sciencesetavenir.fr

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