Des chercheurs de l’Inra ont publié les résultats édifiants d’un an de recherches sur l’effet cocktail des pesticides testés sur des souris. Publiée fin juin, en pleine Coupe du Monde, l’étude ne fera que très peu de vagues dans l’opinion. Elle représente pourtant une avancée majeure dans la compréhension des effets de différents types de pesticides, même à faible dose, sur l’organisme à travers l’alimentation.

Les pesticides présents dans nos assiettes nuisent-ils à notre santé ? Pour nombre d’écologistes, la question ne se pose même pas. Pourtant, il manque toujours d’éléments scientifiques probants pour le démontrer clairement et ainsi faire pression sur les institutions afin d’accélérer la transition. Observées individuellement, les études arrivent le plus souvent à démontrer qu’une molécule d’un pesticide n’a peu ou pas d’effets significatifs sur le métabolisme à faible dose, à l’image du fameux glyphosate. Mais qu’en est-il quand on est exposé régulièrement à de nombreux pesticides même à faible dose ?

« Les études expérimentales sont souvent menées avec un seul pesticide, à des doses élevées » explique l’INRA. Leurs chercheurs, en collaboration avec l’Inserm, viennent bousculer ces éléments. Les scientifiques ont nourri des souris à l’aide d’aliments contenant un cocktail de pesticides communs dans l’agriculture mais à faible dose (boscalide, captane, thyophanate, zirame, chlorpyrifos et thiaclopride). Leur approche coupe donc avec cette tradition. Les résultats interpellants ont été publiés dans la revue Environmental Health Perspectives. Pour la première fois in vivo, leur étude observe des perturbations métaboliques, avec la particularité d’être spécifiques au sexe.

Cette étude est particulière à plus d’un titre. Tout d’abord, elle s’étend sur une période longue d’un an. Les six pesticides sélectionnés par les chercheurs sont également les plus utilisés dans la culture des pommes en France et en Europe, soit dans l’environnement du consommateur moyen. Enfin, les aliments des rongeurs contenaient des quantités de pesticides proportionnelles à la dose journalière admissible pour l’homme (DJA). Il est à savoir que la DJA est définie par les agences de sécurité sanitaire comme étant « la dose pouvant être consommée tout au long de la vie via l’alimentation ou l’eau potable sans exercer d’effet nocif sur la santé ». On parle donc d’une dose de pesticide en principe inoffensive.

Ainsi, on observe que les mâles exposés à ce cocktail de pesticides prennent anormalement du poids et développent des symptômes de l’obésité dont le diabète ou la stéatose (accumulation de graisses dans le foie). Les femelles sont quant à elles protégées de ces effets. Cependant, elles présentent d’autres perturbations métaboliques de l’activité du microbiote intestinal. « La capacité de détoxification est différente selon le sexe, elle passerait par le foie chez les mâles et par l’intestin chez les femelles » explique une chercheuse de l’INRA. Ainsi, les capacités de détoxification des pesticides seraient spécifiques à chaque sexe.

L’étude démontre donc clairement un lien significatif entre l’exposition à un cocktail de pesticides à faible dose et le développement de maladies métaboliques chez l’animal. Le communiqué de l’INRA insiste : « Ces résultats renforcent la plausibilité du lien entre exposition aux pesticides et santé, et confortent les résultats obtenus dans les études épidémiologiques suggérant un lien entre l’exposition aux pesticides et l’incidence des maladies métaboliques telles que le diabète de type 2 ou la stéatose hépatique. » Voilà qui devrait ouvrir de nouvelles pistes de recherche avec d’autres pesticides communs dans la consommation humaine.

Plus de 1000 types de pesticides sont utilisés à travers le monde dans le cadre de la production alimentaire industrielle, avec des propriétés et des effets toxicologiques différents. On retrouve dans les fruits industriels (non bio) vendus en France jusqu’à 15 pesticides différents dans un seul fruit. Une enquête de UFC-Que Choisir avait permis de retrouver jusqu’à 85 traces de ces substances dans un ensemble de fruits étudiés. Un cocktail largement plus varié que celui de l’étude de l’INRA, sans même prendre en compte les autres traces de pesticides dans les boissons, la viande et le reste.

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Déjà en 2013, l’Inserm publiait une synthèse (PDF) d’études basée sur trente ans de travaux épidémiologiques et toxicologiques démontrant un lien fort entre l’exposition professionnelle aux pesticides et l’apparition de la maladie de Parkinson, d’un lymphome non hodgkinien, d’un cancer de la prostate ou d’un myélome multiple. Cependant, en matière de contamination par l’alimentation, d’autres études doivent encore être menées, notamment chez l’humain, pour confirmer définitivement cette forte intuition.


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Communiqué de l’INRA : presse.inra.fr

Étude : Metabolic Effects of a Chronic Dietary Exposure to a Low-Dose Pesticide Cocktail in Mice: Sexual Dimorphism and Role of the Constitutive Androstane Receptor. Environmental Health Perspectives. 25 juin 2018. Doi : https://doi.org/10.1289/EHP2877

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