Qui voudrait encore le nier : la civilisation thermo-industrielle fait face à une multiplicité de crises – celles de la biodiversité, du climat, de l’énergie – , qui laisse craindre chercheurs et scientifiques d’un déclin proche. Dans son livre Pourquoi tout va s’effondrer (Les liens qui libèrent, 2018), Julien Wosnitza, met ses propres mots sur les thèses défendues par les collapsologues afin de familiariser le grand public avec la discipline.  Ne cédant pas à la tétanie, le jeune homme de 24 ans, qui a plaqué une carrière prometteuse dans la finance pour s’engager auprès de Sea Shepred, en appel à un sursaut citoyen pour que la chute soit le moins brutale possible !

Mr Mondialisation : Bonjour Julien. Vous êtes l’auteur du livre « Pourquoi tout va s’effondrer ». Pouvez-vous vous présenter en quelques mots s’il vous plaît ?

Julien Wosnitza : J’ai 24 ans et un parcours peu commun puisque j’ai fait une école de commerce, travaillé en Banque, puis j’ai décidé de quitter ce monde-là pour m’engager dans des causes qui me tenaient à cœur comme la préservation de nos écosystèmes. J’ai donc participé à quatre campagnes avec Sea Shepherd, au Mexique et dans les Caraïbes, puis écrit ce livre en attendant de repartir en mer.

Mr Mondialisation : Comment en vient-on, à l’âge de 24 ans, à estimer qu’un effondrement de notre civilisation est inévitable dans les prochaines années ?

Julien Wosnitza : Il suffit de regarder autour de nous et de nous renseigner sur la question de la pérennité de notre mode de vie. Ce n’est un secret pour personne que la biodiversité est à l’agonie, que nous allons très prochainement manquer d’énergie (et que celle-ci est indispensable au fait de pouvoir maintenir 7,5 milliards d’humains sur terre), que les « énergies renouvelables » sont de la poudre aux yeux, que la température moyenne du globe augmente, que les politiques n’ont pas le pouvoir de faire changer cela et que la population est dans son ensemble beaucoup trop peu coordonnée pour faire infléchir ces développements.

Après plus de 3 ans de recherches sur tous ces sujets et bien d’autres, j’arrive à la conclusion qu’il n’y a aucune solution à grande échelle et qu’un effondrement est parfaitement inévitable.

Néanmoins, on peut encore limiter la hauteur de la chute.

Mr Mondialisation : Cette perspective est terrifiante pour la plupart des gens. Cela vous fait-il peur ?

Julien Wosnitza : Au début oui ! Je suis passé par beaucoup de phases vis-à-vis de ce constat.

J’ai peur de ce qui peut se passer, de la façon dont les populations vont réagir face aux pénuries et des conséquences que cela va avoir sur ma vie. J’essaye néanmoins de ne pas trop occuper mon esprit avec ces questions angoissantes, mais de me consacrer aux petites solutions locales qui s’ouvrent à nous, car il y en a !

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Là où les nouvelles anxiogènes sont déroutantes, je préfère me tourner vers l’action : développer la permaculture, les initiatives locales, les AMAPs, la protection des animaux, le militantisme…

Mr Mondialisation : Mr Mondialisation : À quel moment de votre parcours marqué par le militantisme êtes-vous passé d’un point de vue écologiste à celui d’un collapsologue ?

Julien Wosnitza : En montant l’échelle de Chefurka, un chercheurs canadien auteurs de livres sur le déni et sur la question de la thermodynamique. Selon lui, lorsqu’ils s’agit de comprendre la crise globale actuelle, nous passons par cinq différents seuils de conscience avant de l’appréhender dans sa globalité :

1 : Il n’y a pas de problème ;
2 : Il y a un problème principal qui, une fois résolu, résoudra tout le reste ;
3 : Il y a plusieurs problèmes différents ;
4 : Ces problèmes différents sont tous interconnectés ;
5 : Ces problèmes englobent absolument tous les aspects de la vie.

Le passage de la marche 3 à 4 vous fait en général passer d’un écologiste cherchant des solutions à un collapsologue.

Da'an Bei dusk departureMr Mondialisation : Parlez-vous de ces questions avec vos amis, votre famille ? Comment réagissent-ils ?

Julien Wosnitza : Oui régulièrement ! C’est d’ailleurs assez bizarre parce que peu importe les aspirations politiques des gens, c’est un thème qui est assez rassembleur. J’ai vu passer mes proche passer par toutes les émotions et postures : déni, peur, colère, dépression, quête de sens, sérénité… Conceptualiser que notre civilisation peut s’effondrer, que les services publics et privés ne fonctionneront plus, que les mécanismes d’approvisionnement de nourriture seront perturbés etc, est un chemin intellectuel assez complexe et qui prend du temps.

Les discussions sont basées sur les faits au début, avant de laisser progressivement place à l’imagination du futur possible et de ce à quoi peut ressembler un effondrement. Cela permet de relativiser notre vie présente et de la mettre plus en accord avec nos valeurs.

Mr Mondialisation : Est-ce que la question de l’effondrement change votre manière d’appréhender le monde d’aujourd’hui et de demain ?

Julien Wosnitza : Oui, de pleins de manières différentes ! Dans ma vie personnelle, j’ai quitté la carrière toute tracée dans la banque qui s’ouvrait à moi à la sortie de mes études. Ce fût un gros changement pour moi-même et une grosse source d’incompréhension pour mes proches. Désormais, je suis beaucoup plus dans une quête de sens plutôt que dans une quête de reconnaissance sociale à travers mon travail, mon statut ou ma consommation.

Il existe dans la culture Japonaise le concept d’Ikigaï, traduisez : « Une raison pour se lever le matin ». Il s’agit de trouver un travail qui vous plaise, qui vous permet de subvenir à vos besoins, pour lequel vous êtes doués et qui a un impact positif sur le monde. Dit comme ça, c’est assez simple, mais je vous assure que trouver son Ikigaï dans notre société capitaliste relève plus du parcours du combattant que de la promenade de santé !

Je le cherche toujours, mais j’espère que mon projet actuel en sera un.

Mr Mondialisation : Justement, est-ce que vous continuez à être engagé au quotidien ?

Julien Wosnitza : Oui, toujours ! Outre ce livre ayant pour but de donner des clés de compréhension de l’effondrement au plus grand nombre, je suis en train de développer un mécanisme de ramassage et compactage du plastique océanique sur un navire trois mâts.

Être lucide quant à l’avenir de notre civilisation ne doit surtout pas nous laisser dans l’inaction mais au contraire nous pousser à limiter la hauteur de chute de cet effondrement ! On préférera tomber du 2ème étage d’un building que du dernier non ?

Julien Wosnitza, Pourquoi tout va s’effondrer, Les Liens qui libèrent, 2018, 9,50 euros. ISBN : 979-10-209-0607-6

Pour consulter nos autres interviews sur le même sujet :
– Vincent Mignerot : « Le déclin de notre civilisation est inéluctable »
– Pablo Servigne : Demain l’effondrement, et après ?

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