Alors que le projet de loi climat est débattu à l’Assemblée nationale et que l’écologie est plus que jamais un sujet d’actualité, 76% des actifs français utilisent leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail. Entre besoin, attachement et considérations écologiques, l’évolution de l’industrie automobile et de sa perception sera déterminante. Sans surprise, les lobbies du secteur se sont donc positionnés du côté du profit, décidés à défendre la survie de leur business. Mais visiblement, ils ne sont pas seuls, certaines personnalités et médias n’hésitant pas à utiliser leur audience à des fins plus que douteuses. Retour sur ces allégations d’un monde en fin de vie.

Contexte : l’article 25 de la loi climat au cœur des crispations.

Le Projet de loi climat et résilience est divisé en différentes parties dont « Se déplacer » qui aborde les questions du transport. Avions, vélos, transports en commun et voitures : nos déplacements représentent en effet un tiers des émission de gaz à effet de serre du pays. Les flux routiers étant responsables à 95% de ces GES, contre moins de 2% pour les chemins de fer. Constitué de 14 articles, l’ensemble législatif qui devait en diminuer l’impact a cependant été freiné par pas moins de 800 amendements, enrayant son objectif initial, déjà peu ambitieux au regard de l’urgence. Evidemment, certaines parties ont plus crispé que d’autres : les amendements ciblant les voitures polluantes ont, forcément, été rejetés en bloc…

L’article 252 prévoyait par exemple l’interdiction à la vente des véhicules émettant plus de 95 g de CO2 par kilomètre d’ici à 2030. Une décision impliquant de se débarrasser des SUV et autres voitures trop polluantes qui circulent à foison dans nos villes. Finalement, les députés ont voté une interdiction de vente pour les véhicules émettant plus de 123 g de CO2 par kilomètre contre… 133 aujourd’hui. Un minimum syndical. Mais un minimum qui n’a pas empêché de réveiller les réactions épidermiques des protecteurs du modèle, pourtant en passe de tous nous emporter :

Du cynisme individualiste pour défendre ses privilèges : les médias au chevet des lobbyistes.

Pascal Praud déclarait en octobre dernier, dans le Mag Cnews : « Si j’avais imaginé, l’été prochain, conduire mon SUV sur les routes du Tour de France en mangeant du Nutella, je suis bon pour Vladivostok » . Que Pascal Praud ait un avis réactionnaire sur la question et qu’il s’accroche égoïstement à un modèle économique irrespirable révèle simplement la triste réalité d’une aliénation dont nous sommes tous plus ou moins victimes, et le long réapprentissage qu’il nous reste à entreprendre pour s’en défaire. Mais qu’il se serve de sa visibilité et figure d’autorité ambiguë pour diffuser et promouvoir certaines idées est plus inquiétant, voire suspect. D’autant plus quand ces dits propos servent un intérêt industriel.

Le pire ? Il n’est pas un cas isolé. En parallèle de l’article 25, l’Assemblée nationale a voté une prime à la conversion élargie, pour toute personne souhaitant se procurer un vélo à assistance électrique, pouvant aller jusqu’à 2500 euros. Mais pour la Revue Automobile, « l’Assemblée Nationale vous demande de troquer votre voiture contre un vélo ! » . Un titre loin des réalités qui participe à creuser le fossé entre automobilistes et écologie, alors même que tous les citoyens, peu importe leur mode de transport, seront, et sont déjà, concernés par les dégâts environnementaux causés par nos habitudes.

En faveur de qui, de quoi, pourrait-on vouloir dresser une partie des usagers contre d’autres ? A priori, par attachement à un certain confort, une certaine praticité qui peut sembler à bien des égards indispensable et donc intouchable. Mais dans les faits, le geste se fait au profit d’un monde déliquescent qu’entretiennent minutieusement ceux qui en tirent bénéfice.

Parmi leurs défenseurs, se tient également Le Point. Selon le site, la loi climat va laminer l’automobile et une inquisition verte poserait ça et là des bombes à retardement. La rhétorique dont se délecte la vente de voiture est à présent de coutume : les écologistes seraient des mercenaires terroristes. Une inversion des rôles qui permet la continuation d’une expansion justement nuisible et violente, au sacrifice de notre milieu de vie.

Et en amont, le travail des lobbys : quel lien avec les médias ?

Le Projet de loi climat et résilience duquel se réjouissent nos politiciens est grandement différent de celui soumis par les citoyens de la Convention pour le climat. Mettre fin aux avantages fiscaux sur le gazole ? Repoussé à une date inconnue. Instaurer des prêts à taux zéro pour l’achat de véhicules peu émetteurs ? Supprimé du projet de loi. Limiter la publicité pour les produits polluants ? Les députés comptent sur l’autorégulation des entreprises… Et ainsi de suite, prétextant le désire d’une écologie douce, là où la course au profit délétère, elle, voit sa brutalité cultivée jour après jour. 

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Selon le rapport « Lobbys contre citoyens : Qui veut la peau de la convention climat ? » publié par l’Observatoire des multinationales, une guérilla anti-écolo a été sans conteste orchestrée par les différentes industries concernées et menacées, qualifiant les propositions « d’écologie radicale et extrémiste » , certains évoquant même un « populisme écolo ». Leur perspective pour faire face aux problématiques longues-termistes de notre habitabilité ? Le « progrès » et la technologie, en sauveurs du dérèglement climatique. Mais le concept du capitalisme vert est surtout un bon moyen de gagner du temps.

En réalité, le développement de l’automobile et de l’aviation, leurs innovations successives, y compris électriques, n’y font rien : le secteur reste au premier rang des pollueurs mondiaux. Pour sauver les apparences, le lobbyisme travaille donc à semer les graines de sa propagande, dans un grand magma de conflits d’intérêts : depuis le gouvernement jusqu’aux médias appartenant à des groupes concentrés de noms également pris dans des affaires industrielles ou en connivences directes avec celles-ci. Vincent Bolloré en tête de peloton. Résultat ? Un plan climat plus que timide et, surtout, un bilan médiatique effrayant : en 2019, les français ont été surexposés aux publicités pour SUV avec 3h50 d’antennes et 18 pages de journal consacrées à ces voitures par jour.

Publicité pour BMW

S’il n’existe aucun journal qui puisse prétendre à une quelconque neutralité, un mythe, tous doivent transparence et honnêteté quant aux raisons qui leur font relayer tel ou tel discours. L’indépendance est en cela primordiale qu’elle permet un espace de débat et d’information au moins détaché des injonctions marchandes. L’indépendance ne garantit pas tout, mais protège des orientations implicitement publicitaires. Pour favoriser ce modèle, plusieurs propositions existent, qu’il est important d’envisager et de questionner pour s’extraire de cette opacité dés-informative.

L’automobile est un cas emblématique du glissement que nous vivons. Sous les appels incessants du capitalisme, beaucoup ont axé leur mode de vie sur une consommation insouciante à une époque de forte croissance qui posait bien moins de questions, une époque où nul ne s’inquiétait des limites de la terre. Cette époque était malheureusement aussi celle de la toute-puissante télévision et de ses médias de référence qu’on ne questionnait pas non plus tant. Il n’est donc pas surprenant de voir ces deux références du passé, voiture et TV, s’associer dans la défense du modèle qui les portait jusqu’ici.

Mais aujourd’hui, les règles ont changé. La planète va mal. Quoiqu’en disent les supports médiatiques et les gouvernements impliqués. Et si ne pas réussir à changer de paradigme du jour en lendemain est bien compréhensible venant d’un citoyen pris en joug par la machine, nier la situation à plus grande échelle, pour justifier cette incapacité, relève du déni manifeste – là où reconnaître le paradoxe de nos consommations participerait à la constructivité des débats et à l’évacuation d’une polarisation inutile. Alors que les initiatives pour un monde meilleur se multiplient, d’autres continuent de s’accrocher à un modèle archaïque, de peur de voir leurs privilèges disparaître. Mais il ne faut pas se méprendre : ces réactionnaires sont prêts à tout pour conserver le confort d’un monde dont ils sont nostalgiques, quitte à accélérer leur propre chute et celle des fameux automobilistes avec.

– Grégoire B.

Sources :

76% des actifs utilisent leur voiture pour se rendre au travail, Caradisiac.
https://www.caradisiac.com/76-des-actifs-utilisent-leur-voiture-pour-se-rendre-au-travail-186481.htm

Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, Assemblée nationale, Titre III – Se déplacer, Chapitre 1, Section 1, Article 25.
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3995_texte-adopte-commission#D_Article_25

Lobbys contre citoyens. Qui veut la peau de la convention climat ? Observatoire des multinationales. https://multinationales.org/lobbys-citoyens-convention-climat

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