Suite à la crise de la vache folle, l’Union Européenne avait interdit en 2001 de nourrir le bétail avec des farines animales qui contiennent des morceaux d’animaux morts non consommés par l’homme. Selon un texte publié au Journal officiel de l’Union Européenne, cette dernière envisage toutefois de revenir sur sa décision et d’autoriser à nouveau les protéines animales pour les porcs et les poulets. Une autorisation sous conditions contrôlées, pour éviter tout risque sanitaire, assure l’institution. Décryptage.

Dans les années 1990, la crise sanitaire de la vache folle a bouleversé le monde et traumatisé de nombreux consommateurs. Pendant cette période, des vaches ont été nourries avec des farines animales qui contenaient des os broyés de vaches malades, mortes ou euthanasiées. Cette consommation a entraîné la propagation de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) chez les animaux, ainsi que la maladie variante de Creutzfeld-Jacob chez les humains.

Face à ce scandale sanitaire, l’Union Européenne a interdit l’utilisation de farines animales en 2001. Cependant, cette interdiction pourrait être levée, sous certaines conditions. Selon un texte publié dans le Journal officiel de l’Union Européenne le 18 août, il serait à nouveau possible de nourrir les porcs et les poulets avec des farines animales. Ces farines, exclusivement destinées à l’élevage, permettraient de nourrir les porcs avec des restes de poulets, et inversement.

Crédit : Pixabay

Dorénavant, on ne parlera plus de farines animales mais de « protéines animales transformées » (PAT). Cette farine animale, sous forme de poudre ou de granules, contient des parties de poulets ou de porcs que l’homme ne mange pas. Riches en protéines, ces morceaux concernent les museaux, les pattes ou encore les os des animaux, broyés après leurs décès.

« À l’époque, les farines animales, c’était un peu gore. Mais on n’est plus du tout sur le même produit » a affirmé Christiane Lambert, présidente de la Fédération des syndicats agricoles majoritaires européens.

Des règles très strictes pour autoriser les farines animales

La décision d’autoriser à nouveau les farines animales a été prise en suivant les conseils d’agences sanitaires. Ainsi, de nombreuses précautions seraient prises pour éviter tout risque.

« Des conditions strictes devraient s’appliquer lors de la collecte, du transport et de la transformation de ces produits, et des échantillons devraient être régulièrement prélevés et analysés afin d’éviter tout risque » peut-on lire dans le texte européen.

Ainsi, les farines animales proviendront d’animaux sains et non malades, contrairement à ce qui avait été fait à l’époque de la crise de la vache folle. De plus, il n’y aura plus de « cannibalisme » entre les animaux, ce qui signifie que les porcs ne mangeront pas d’autres porcs mais bien des poulets, et inversement pour les volailles. Les modes de production et de distribution des farines animales seront également très contrôlés et ces dernières pourront être utilisées uniquement dans les fermes qui élèvent des porcs et des poulets, pour éviter tout risque d’échange.

« Au niveau de la Wallonie et avec les éleveurs de porcs, on était d’accord de donner la possibilité d’utiliser ces farines animales. Ces garde-fous, ce sont les règles les plus strictes possibles. Grâce à ça, il ne sera pas question de retomber dans des travers du passé. Cette proposition donne toutes les garanties au consommation et au production qu’il n’y aura plus de problème » a affirmé Nicolas Marchal, membre de la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA).

25 pays membres de l’UE en faveur des farines animales

La quasi-totalité des pays membres de l’Union Européenne ont donné leur accord pour lever cette interdiction. Au total, 25 états membres sur 27 ont donné leur feu vert. Seules la France et l’Irlande se sont abstenues. En France, le ministère de l’Agriculture ne s’est pas encore positionné sur le sujet.

« Cela ne va pas se faire comme ça, en claquant des doigts. Des tas de cahiers des charges interdisent les farines animales pour rassurer les consommateurs. Ce n’est pas immuable mais le sujet n’a pas encore été discuté collectivement par les opérateurs » a affirmé Anne Richard, de l’Interprofession française des volailles de chair.

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Crédit : MaxPPP

Mais cette décision est également économique. En effet, les farines animales seraient moins chères que les protéines végétales ce qui en fait l’une des raisons pour lesquelles l’Union Européenne revient sur cette interdiction. Actuellement, de nombreux animaux sont nourris avec des protéines végétales, dont le soja, qui provient du Brésil. Cette importation a une empreinte environnementale très lourde. De plus, le prix du soja importé est de plus en plus cher, ce qui contraint les entreprises à trouver des alternatives. Du moins pour conserver le modèle d’élevage intensif en vigueur dans pas moins de 80% des élevages français. Rien de plus nécessaire, en effet, que de relire cette actualité à la lumière des enjeux climatiques et éthiques impliqués par le secteur. La course à la rentabilité délétère induite par l’industrialisation des élevages invite à replacer cette nouvelle dans son plus large contexte : comme une énième marchandisation de l’animal et un recul supplémentaire dans l’amélioration de notre rapport aux animaux. 

« Nos coûts, à 70%, c’est l’alimentation. Quand on peut chercher des gains, même des petits centimes, on va aller les chercher » a assumé François Valy, président de la section porcine de la FNSEA. Rappelant ainsi que ces décisions sont principalement rythmées par des impératifs économiques, sans que ne soit jamais déconstruit et restructuré le paradigme même de l’élevage et de ses manifestations modernes. C’est pourtant en repensant la fuite en avant de cette « industrie » qu’ont une chance d’être démêlés les pièges financiers dans lesquels sont embourbés les élevages intensifs.

S’il sera désormais possible de nourrir les porcs et les poulets avec cette farine animale, l’interdiction reste toutefois valable pour les vaches, chèvres et moutons.

Lisa Guinot

Sources

Le texte publié au Journal officiel de l’UE

Site du syndicat français de la FNSEA

Site de la Fédération Wallonne de l’agriculture

Site de l’Interprofession française des volailles de chair


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