Au Canada, Monsanto pourrait bien être impliqué dans un nouveau scandale scientifique. 700 documents récupérés par Gary Ruskin et dévoilés par CBC News témoignent de l’influence que l’entreprise a dans le monde de la recherche, jusqu’au cœur d’une université renommée. À l’heure où il est essentiel de faire évoluer les pratiques pour lutter contre le changement climatique, les liens entre le secteur privé et le monde de la recherche universitaire ont de quoi inquiéter.

Des échanges réguliers entre Monsanto et Peter Phillips

Les 700 documents qu’a pu se procurer Gary Ruskin, membre de l’ONG Right to Know, et rendus publics par CBC News, montrent que Peter Philips, enseignant à la University of Saskatchewan au Canada, entretiendrait des contacts réguliers avec la multinationale Monsanto (rachetée par Bayer en 2017). Des relations privilégiées, dont Monsanto s’est servie pour conseiller le professeur sur sa stratégie médias et dont elle a bénéficié pour régler des problèmes avec des agences gouvernementales.

Selon les informations contenues dans les mêmes documents, Monsanto à directement influencé le travail du chercheur. Certains articles de la University of Saskatchewan ont été modifiés à la demande de Monsanto, sans qu’aucune mention ne soit faite de cette intervention. Tout aussi interpellant, certains éléments portent à croire que le géant de l’agroalimentaire a pu superviser la liste des intervenants ainsi que les sujets traités à l’occasion de symposium, des rencontres consacrées à la recherche.

Image : RT.com / Marche Mondiale contre Monsanto

Un sujet délicat pour les universitaires

À quelques jours de la Marche Mondiale contre Monsanto, les réactions du monde universitaire à ces révélations n’ont pas tardé, mais elles ne vont pas toutes dans le même sens. Alors que certains défendent une recherche qui se ferait en partenariat avec des acteurs issus du monde économique, d’autres considèrent qu’il faut au contraire préserver l’indépendance des laboratoires universitaires. Mais comment garantir en pratique cette indépendance que de simples chercheurs peuvent entretenir des contacts directs avec une multinationale aux intérêts économiques bien déterminés ?

Certains vont jusqu’à affirmer que les liens entre le chercheur et la multinationale ne poseraient pas de problème. Ainsi, Jeremy Rayner, professeur de la Johnson Shoyama Graduate School of Public Policy défend l’intéressé. Il précise que dans son propre établissement « on encourage les chercheurs à intégrer leur connaissance dans le secteur de l’action publique » (c’est à dire, des entreprises). Aussi, il considère pour sa part qu’il était inévitable que le chercheur ait des contacts avec Monsanto, puisque la firme intervient dans son domaine de recherche. Dans le même temps, il rappelle qu’il n’existe pas d’éléments démontrant des liens financiers entre l’entreprise et Peter Phillips. Reste à voir si ces 700 documents constituent une correspondance normale entre un chercheur universitaire et une boite privée ?

Images : Melvyn Calderon/Greenpeace HO/A.P.

Tous les membres du secteur académique ne voient pas la situation du même œil. Ainsi, selon plusieurs universités, ces révélations mettent une nouvelle fois en lumière l’influence grandissante du secteur privé sur les universités canadiennes, une réalité qui pose de plus en plus problème, et interroge à propos de la neutralité de la Science à long terme. « Je suis horrifié, parce qu’il semble que la situation s’aggrave », dénonce Howard Woodhouse, professeur à la University of Saskatchewan et auteur d’un livre à propos de la liberté des académiciens et l’influence du secteur privé sur la recherche. « Il y a un vrai problème ici » insiste-t-il.

On rappellera que Monsanto a été symboliquement condamné par le tribunal citoyen de la Haye pour ses atteintes répétées à la liberté de recherche scientifique. « La conduite de Monsanto est entièrement non compatible avec la liberté de recherche scientifique, elle-même liée à la liberté d’expression et au droit à l’information. Une telle atteinte est aggravée étant donnés les risques sanitaires et environnementaux des produits Monsanto« , estimait le juge Schrybman.

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Gary Ruskin, lanceur d’alerte, estime quant à lui que « Monsanto s’appuie sur ces universitaires pour diffuser son message au public et aux régulateurs » afin de faire pencher les lois en sa faveur. Ceci permet à la multinationale de se créer une légitimité dans l’espace public. Une forme de lobbying au cœur de la recherche. Sans conteste, à l’heure ou les citoyen.ne.s réclament plus de transparence, la situation à de quoi faire grincer les dents. Cependant, l’université dans laquelle enseigne Peter Phillips l’a d’ores et déjà « acquitté de tout acte répréhensible ». Circulez, il n’y a rien à voir !


Sources : novethic.fr / radio-canada.ca / cbc.ca

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