Ne jetez plus, réparez ! À l’heure où le zéro déchet prend de plus en plus d’ampleur compte tenu de l’urgence climatique, Thomas Penin a lancé cette année Planet Repair, un atelier-magasin d’électroménager à Nantes qui s’inspire du marché des smartphones reconditionnés. Le principe : favoriser la réparation des appareils plutôt que l’achat d’un neuf. Une démarche à la fois écologique et économique, alors que le secteur de l’électroménager génère à lui seul 25 millions de tonnes de déchets dans le monde.

L’agence ENDS Europe a publié en 2019 un rapport sur le sujet, qui indique que le pourcentage d’appareil électronique défectueux remplacé par un appareil neuf est passé de 3,5% en 2004 à 8,3% en 2012. Pire encore, elle montre que 13% des gros appareils électroménagers (lave linge, lave vaisselle etc) ont été remplacés dans les 5 années qui ont suivi leur achat en 2013, alors que ce chiffre était de seulement 7% en 2004. Conclusion : le réflexe de jeter pour du neuf est de plus en plus ancré dans nos habitudes, au lieu de réparer !

En outre, selon une étude de l’Université de Manchester, en Grande-Bretagne, publiée dans la revue Science of the Total Environment, le petit électroménager a lui aussi un lourd impact sur l’environnement. Les fours à micro-ondes, uniquement, seraient déjà, en Europe, à l’origine d’une quantité de CO2 équivalente à 8 millions de voitures. Pourtant, à l’échelle individuelle, nous peinons à saisir l’ampleur de cette pollution cumulée.

Dans ce contexte, on n’imagine pas jeter sa voiture dès qu’elle a un problème sans préalablement se rendre chez le garagiste pour la faire réparer. Et bien pour Thomas Penin, fondateur de Planet Repair à Nantes, il en est de même de son électroménager. Prolonger la durée de vie de ces appareils le plus possible se révèle bénéfique pour réduire l’empreinte sur l’environnement, la pollution des espaces et des écosystèmes par les composants néfastes de ces appareils. Le tout en faisant à long terme d’importantes économies ! L’enquête de l’Université de Manchester révèle que dans un point de collecte, sur 100 fours mis au rebut, 50 étaient pourtant encore en état de marche…

C’est pratique courante de jeter un appareil pour défaut d’apparence, un poc, une rayure…

Réparer plutôt que jeter

Planet Repair est un Atelier-Magasin situé à Nantes, en France. Son principe est simple : quand un appareil tombe en panne, il suffit de le déposer sans rendez-vous à l’atelier ou de le faire acheminer par un transporteur partenaire. Dès lors, le diagnostic et le devis gratuits sont là pour faciliter sa réparation.

« Tout le but de la démarche est de lever les barrages à la réparation. Souvent, le consommateur n’essaye même pas de réparer son appareil défectueux, car il imagine les coûts hors-garantie, l’intervention du technicien etc. Nous, on a levé tout cela pour que réparer devienne un réflexe, ou alors, l’achat de reconditionné, comme c’est de plus en plus le cas pour les téléphones, par exemple. »

Et si l’appareil est irréparable, l’entreprise propose un produit de remplacement d’occasion, garanti 1 an, ou bien un produit neuf choisi pour sa durabilité. A ce titre, Thomas Penon, son fondateur, nous a répondu :

« Les appareils reconditionnés sont des produits réparés d’occasion à qui on donne une seconde vie, ou des « sourcage » (sourcing), c’est-à-dire des produits qui ont subi des chocs au transport, par exemple, et qui de fait n’ont jamais été disponibles à la vente. On va à l’encontre des déchets produits par des magasins qui ne veulent pas prendre des appareils qui ne correspondent pas à leurs standards d’exposition. »

En outre, il met en avant le concept d’achat « neuf durable » : grâce à son expertise, Thomas et son équipe sélectionnent des produits selon les avis consommateurs et d’experts, sur la qualité des pièces qui le composent, de façon à ce qu’il dure le plus longtemps possible. Une démarche qui s’oppose en tout point au concept d’obsolescence programmée.

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Enfin, Planet Repair propose aussi la vente détachée d’occasion : tous les appareils non réparables sont démantelés et servent pour d’autres réparations, ou à la vente au particulier à moindre coût. Ainsi l’entreprise s’inscrit dans une économie circulaire vertueuse, en mettant en avant la valorisation des déchets.

Planet repair fait partie des lauréats 2021 de l’appel à projet « économie circulaire » lancé par l’Agence de la transition écologique (ADEME) et la région Pays de la Loire.

« Recycler c’est bien, mais ce n’est pas suffisant » enquête par Adepem (image : Adepem)

Une volonté de voir les choses changer

Lors de notre entretien, nous demandions à Thomas Penin si son expérience dans le monde du marketing et de la grande distribution (pendant 12 ans il a travaillé en centrale d’achats des magasins U à Nantes, puis au poste d’acheteurs pour des produits essentiellement non alimentaires, jusqu’à devenir responsable multimédia téléphonie, informatique et jeux-vidéos) avait eu des affluences sur les valeurs qui ont inspiré Planet Repair.

« Non, ce n’est pas la « grande distribution » qui a déclenché le projet. Comme toute entreprise, la grande distribution doit faire du chiffre et doit vendre. Mon leitmotiv, ma vision des choses, ce n’est pas « d’arrêter » de consommer, mais de consommer autrement. Ce sont ces choses qui peuvent changer. On parlait de l’exemple de la voiture, mais c’est vrai : quand on tombe en panne, on va chez le garagiste et on cherche à réparer avant de remplacer. C’est cette logique que les gens ont oublié pour le reste. Dans le consommer autrement, le reconditionnement s’inscrit exactement dans cette veine. On ne dit pas aux gens « arrêter d’avoir un téléphone » parce que tout le monde en a besoin aujourd’hui. Par contre il y a la solution « de pouvoir consommer autrement. », c’est-à-dire se tourner vers le reconditionné, plutôt que de promouvoir la production d’un neuf. »

Selon FranceBleu, la consommation d’électricité des appareils électroménagers a été divisée par 2 en 10 ans. Les nouveaux modèles « écologiques » se multiplient et nous pensons que le recyclage suffit. Mais Thomas, qui vient du milieu, nous précise les choses. Oui, le recyclage des électroménagers existe depuis un moment. Mais il nécessite des structures, des usines et des machines à broyage pour extraire les matériaux des appareils et les recycler. Quand on y pense, le recyclage est une solution très énergivore.

« Il ne faut pas oublier qu’on parle de produits qui ne sont pas du tout biodégradables. »

Il est vrai que parfois la solution recyclage peut servir de « solution passe-partout. » C’est en étant conscient de cela que Thomas met en avant la revalorisation ou la réparation des machines.

« C’est un modèle en fait plus vertueux et efficace que le recyclage, qui lui se centre essentiellement sur le broyage. Par la réparation et le modèle circulaire, on fait économie de ressources, d’énergies, mais en plus de cela on créé de l’emploi. »

Photo © PlanetRepair

Conclusion

Dans le futur, Thomas Penin a pour projet que son concept Planet Repair se déploie sous forme de franchise. « Si on veut avoir plus d’impact, il faut développer le modèle. » Avec l’idée de dupliquer son concept, il imagine pouvoir l’étendre à l’avenir en France, et même en Europe. En effet, il n’y a pas de raison que si cela a marché à Nantes, cela ne fonctionne pas les autres zones péri-urbaines des grandes villes, surtout dans la prise de conscience écologique qui modifie de plus en plus les comportements des consommateurs. Pour Thomas, son challenge sera de garder la main mise sur son concept malgré une levée de fond.

Les alternatives à la surconsommation et la surproduction, catastrophes écologiques et humanistes, sont possibles et fleurissent de plus en plus un peu partout. Aussi, le vrai challenge réside dans la volonté de standardiser ces alternatives, afin qu’elles deviennent le modèle de norme. À ce titre, n’est-il pas temps que les pouvoirs publics prennent ici leur responsabilité ? Par exemple, en aidant les centres de réparation à devenir la norme dans notre environnement de consommation ? Car, excepté quelques initiatives citoyennes, le secteur privé semble beaucoup plus enclin à développer l’obsolescence de manière à bosser la croissance de la consommation. Seule une réelle volonté politique peut faire changer cet état de fait.

– Moro

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