Le documentaire « Wallmapu » raconte l’épopée de Jean-Hugues Gooris, jeune vidéaste aventurier belge, qui s’en va rencontrer les éternels résistants que sont les Mapuches, « le Peuple de la terre » au Chili. Dans sa quête, il se retrouve également frappé par la pandémie, confiné dans une vallée perdue aux confins de la Patagonie… Au delà de l’aventure – non sans risques – Jean-Hugues y trouvera un véritable engagement social et environnemental…
Ce n’est pas la première fois que Jean-Hugues prend son sac à dos (et son packraft) pour aller à la rencontre de peuples dont les espaces naturels vitaux sont en danger de disparition. Au début de l’année 2020, il décide de mettre le cap au Chili. Son projet est de parcourir seul le Wallmapu, le territoire ancestral des peuples premiers mapuches et de les rencontrer pour filmer leur combat contre les grandes entreprises qui s’accaparent leurs terres.
Durant cette aventure à l’issue incertaine, il va vivre en se fiant uniquement à ses propres moyens, bivouaquant en pleine nature. Avec sa caméra embarquée, il nous emmène avec lui à travers les forêts, la montagne, les rivières. Malgré sa prudence, il n’est pas à l’abri d’imprévus comme ces icebergs qu’il a approchés et dont l’un s’est brisé et retourné à quelques mètres de lui, provoquant de fortes vagues qui auraient pu faire chavirer son packraft dans une eau à quelques degrés : « Qu’est-ce qui m’a pris ! » lâchera-t-il à la caméra encore sous le coup de l’émotion après s’en être tiré de justesse.
Tout au long de son aventure, il nous confiera sans filtre ses émotions, ses pensées, ses doutes et ses espoirs. En particulier, sa déception de ne croiser aucun Mapuche après des jours à parcourir leur territoire. Ce qui le décidera finalement à retourner en ville pour espérer enfin les rencontrer et lier connaissance.
Car depuis alors six mois, la société chilienne est marquée par un climat politique tendu et des manifestations populaires réunissant des millions de Chiliens éclatent pour protester contre la fracture sociale de plus en plus grande entre les plus riches et la classe moyenne. Une lutte à laquelle les Mapuches, fort d’une communauté d’un million de personnes (les estimations varient entre 600 000 et 2 millions), se joignent pour dénoncer les grandes entreprises exploitant leurs terres ancestrales. Certains ont été emprisonnés ou mènent une grève de la faim.
Jean-Hugues choisit de se rendre à Temuco, la ville qui compte la plus forte concentration de membres Mapuches, ceux-ci vivant désormais majoritairement en ville, même si des communautés subsistent sur leurs terres d’origine. A travers les manifestations réprimées par des militaires, canons à eau et gaz lacrymogènes, Jean-Hugues aura l’occasion d’approfondir sa connaissance de la culture mapuche en visitant des musées et de comprendre pourquoi les aborder reste difficile. Mais sa détermination n’en n’est pas pour autant entamée.
Malheureusement pour le documentariste, 2020 c’est aussi l’année du Covid qui se répand en Amérique latine. Il va devoir renoncer momentanément à son projet et s’isoler dans une cabane en pleine montagne vers Curarrehue, avec comme principales activités de s’occuper de poules, d’un potager, de quelques vaches (et d’un chaton qui viendra s’installer chez lui). Cette solitude imposée et imprévue n’arrivera pas à le décourager malgré des moments de doute.
Il se découvrira une connexion plus forte à la terre des Mapuches, révélée par ses virées en forêt, ses ascensions de sommets sauvages et de « l’écoute » du silence. Accueilli et hébergé par une famille de paysans Mapuches, il y restera plusieurs mois à partager leur quotidien, sans pouvoir toutefois les filmer. Si le spectateur peut en être frustré, on se réjouit que Jean-Hugues touche enfin à son but. Les Mapuches, que Jean-Hugues décrit comme « des êtres reliés à la terre », sont réfractaires à la modernité, d’où ce refus de sa caméra qu’il respectera.
Mais cette nature qu’il apprécie n’est plus intacte. Jean-Hugues découvrira que même là, dans ces montagnes et forêts isolées, la terre change, s’assèche, se fatigue, les cultures y sont plus difficiles, le tout à cause de l’Homme qui la détruit. Son isolement frustrant sera heureusement brisé par une rencontre amoureuse qui réveillera son rêve presque éteint. Le couple enchaînera les sorties en montagne et grâce à Vanessa qui vit près des Mapuches, Jean-Hugues se verra enfin ouvrir les portes de l’univers bien gardé de ce peuple secret.
Une Mapuche, Marri Marri Nicadela Piñen, acceptera même de se confier à sa caméra sur sa vie, et plus généralement sur l’identité mapuche, leur mode de vie et culture proche de la nature qu’ils défendent avec acharnement, ayant conscience qu’ils font partie et dépendent de cette « Terre Mère » soit « Nuke Mapu » en mapuche. Protéger la nature pour protéger la vie. Une philosophie de la vie et une sagesse trop souvent oubliées ailleurs…
En une heure, « Wallmapu » parvient à nous raconter un an de la vie de Jean-Hugues à la recherche des Mapuches : ascensions de sommets sauvages, moments de solitude mais aussi quelques rencontres improbables qui lui feront réaliser le rêve à l’origine de son voyage, à savoir la découverte de la culture mapuche et la rencontre de ces femmes et ces hommes luttant pour se réapproprier leur terre et leur liberté.
« Personne n’est propriétaire de la Terre, nous la recevons comme un prêt quand nous naissons et nous devons rendre la nature plus prospère et fertile, quand nous la quittons » proverbe Mapuche
S. Barret
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