Suite aux nombreux scandales sanitaires qui secouent l’industrie pharmaceutique, l’association Regards Citoyens s’est donné comme mission de faire la transparence sur les liens économiques existant entre les labos pharmaceutiques et les médecins, palliant le manque d’action des autorités. Une mission de salubrité publique.
Suite au scandale du Mediator (benfluorex), les autorités françaises avaient promis de faire la transparence sur les liens financiers entre le corps médical et l’industrie pharmaceutique. Une promesse qu’elles n’ont pas tenue, suite aux pressions des labos. Cinq ans après le scandale, un décret nommé « Sunshine Act » a bien été promulgué, mais exclut toutes les rémunérations qu’un labo verse à un praticien agissant pour son compte en tant que consultant ou orateur. Seuls les petits financements « directs » sont comptabilités, c’est-à-dire les cadeaux versés pour participer officiellement à un congrès ou un déjeuner.
Un site officiel a été mis en place, « Transparence Santé », peu bavard et au demeurant assez flou : ni les noms des médecins, ni les montants des contrats ne sont rendus publics, ce que dénoncent plusieurs associations de médecins (Formindep et Ordre des médecins) et l’association de consommateurs UFC Que Choisir…La « grande transparence » promise par les ministres de la santé ressemble plus à un très discret éclaircissement.
On ne sait toujours pas qui verse combien à qui afin de prescrire ses médicaments et s’assurer une bonne publicité lors des congrès, avec toutes les dérives qui l’ont connait : sur-prescriptions, choix du traitement le plus cher, choix d’un médicament sans recul sur les effets secondaires ou dont les études de mise sur le marché ont été biaisées, prescription d’une molécule ayant une autre fonction que celle visée (cas du Mediator, anti-diabétique détourné comme coupe-faim), etc. Des dérives qui, in fine, contribuent largement à creuser la dette de la sécurité sociale pour le plus grand profit des labos et peuvent conduire à des catastrophes sanitaires telles que celle du Mediator.
Source : http://www.regardscitoyens.org/sunshine/
C’était sans compter avec l’association Regards Citoyens, qui ne voulait pas rester sur cette tentative avortée. Durant deux ans (entre janvier 2012 et juin 2014), l’association a épluché toutes les données disponibles sur Transparence Santé, qu’elle a combiné avec les données fournis par les ordres professionnels de médecins, infirmiers, sages-femmes et pharmaciens. Le résultat : son site propose en accès libre toutes les données, disponibles sous différents formats, classées par laboratoires, type de prestation, médecin, spécialité, etc.
Sans trop de surprises, on s’aperçoit que les laboratoires Servier sont 2e au classement des labos les plus généreux. Mises en cause dans le scandale du Mediator, qui a fait entre 500 et 2000 morts, les labos Servier sont aussi à l’origine des scandales de l’Isoméride (dexfenfluramine) et du Ponderal (fenfluramine), des cousins du Mediator retirés du marché à la fin des années 1990 en raison d’effets secondaires graves. Tous trois sont à l’origine de valvulopathies cardiaques et d’hypertension artérielle pulmonaire. Connus pour leur autoritarisme, leurs mensonges aux autorités et les menaces et pressions qu’ils exercent sur les médecins, les labos Servier intentent régulièrement des procès en diffamation pour dissuader les victimes, médecins et journalistes de parler.
Espérons que cette bonne initiative de Regards Citoyens permettra d’amener un minimum de transparence et de déontologie dans l’industrie pharmaceutique – gangrenée par les scandales et les conflits d’intérêts depuis plusieurs décennies – pour le bien de la société, des malades et des finances publiques.
Notons que les noms des médecins ont été malheureusement anonymisés : « La CNIL dans un avis du 2 mai 2012 a demandé la modification du décret du ministère de la Santé pour assurer la « confidentialité » des données à caractère personnel publiées. À contrecœur, nous nous plions donc à cette décision, même si nous la contestons : non seulement les données des cadeaux et des contrats ayant trait à la vie professionnelle des praticiens de Santé ne violent pas la vie privée, mais comme l’a démontré le scandale Médiator, les liens d’intérêts entre les labos et les praticiens ont de forts impacts sur la santé de certains patients et le financement de la sécurité sociale. Il est donc d’intérêt général que ces informations soient rendues publiques et puissent être librement réutilisées. », explique l’association.
A consulter également :
Le site de l’Association d’Aide aux Victimes de l’Isoméride et du Mediator
Le site de Formindep (pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes)
Sources : Marianne / Regardscitoyens – Photo : www.la-croix.com / Auteur : Deligne