Dans l’agriculture moderne, la monoculture – cultiver une seule plante sur de vastes parcelles – est devenue la norme absolue. Pourtant, ce modèle génère de graves problèmes environnementaux, incompatibles avec les défis climatiques actuels.

Popularisée au cours du XXe siècle, la pratique de la monoculture est avant tout un moyen de maximiser les rendements et donc les profits. Et si d’un point de vue financier, elle a sans doute fait ses preuves, elle n’a en revanche pas été pensée pour sa durabilité et sa soutenabilité face à la gestion des terres, de l’eau ou encore de la biodiversité. Pire, elle participe même d’un danger certain sur le futur de l’alimentation humaine. Mr Mondialisation vous présente cinq raisons d’en finir avec ce modèle néfaste et dépassé.

1. Parce que c’est une catastrophe écologique

D’un point de vue environnemental, les monocultures constituent bel et bien une calamité à de multiples égards. Il s’agit en premier lieu d’un danger réel pour la biodiversité. D’abord, parce que par essence, elle limite le nombre d’espèces végétales présentes sur un territoire et avec elle, une faune associée. Un phénomène qui s’applique d’ailleurs particulièrement aux forêts qui sont aujourd’hui souvent gérées comme de vulgaires champs.

Le fait de cultiver uniquement des plantes similaires ensemble, entrave les protections naturelles que peuvent normalement trouver des plantations mêlées. D’autant plus que l’uniformité génétique augmente la vulnérabilité envers les maladies et les parasites, mais aussi face aux aléas climatiques (sécheresses, fortes pluies, vagues de chaleur, tempêtes…). De plus, la standardisation prive les insectes pollinisateurs de plusieurs sources de nourriture en dehors des périodes de floraison, toutes identiques.

Pour compenser ces problèmes, les paysan·nes et agriculteur·rices sont souvent amené·es à recourir massivement à des produits chimiques, ce qui accélère l’érosion de la biodiversité et pollue les milieux aquatiques et les nappes phréatiques.

En outre, le système des monocultures est plus gourmand en ressources, d’abord parce qu’il consomme plus d’espace, ce qui entraîne un besoin supplémentaire en énergie (pétrole, machines lourdes, stockage industriel, etc.), en eau, en engrais et en produits phytosanitaires (64 % des terres du monde sont déjà contaminées à des seuils significatifs). De ce fait, il engendre donc de la déforestation et avec, le déplacement de peuples autochtones pour s’étendre toujours plus. Dans la même veine, les haies, les prairies et les zones naturelles se voient aussi limitées par ce procédé.

« 85 % des terres du monde seraient d’ailleurs en voie de dégradation. »

Enfin, l’érosion des sols (qui peut réduire le rendement de moitié) et la baisse de fertilité sont également un effet secondaire de cette manière de faire. Une conséquence très largement sous-estimée, mais pas moins sérieuse : selon la FAO, 85 % des terres du monde seraient d’ailleurs en voie de dégradation.

1,7 milliard de personnes sont déjà touchées par un déclin de productivité, et ce n’est que le début. Et le plus inquiétant réside sans doute dans le fait que tous ces problèmes écologiques symptômes de l’agriculture industrielle sont tous interconnectés et s’aggravent les uns les autres.

2. Parce qu’elles mettent en danger l’équilibre alimentaire des peuples

Les dangers écologiques cités précédemment mettent déjà, en soi, une épée de Damoclès au-dessus de la tête des citoyen·nes, puisque les rendements peuvent s’effondrer à tout moment. Pire encore, l’économie mondialisée a poussé certains pays à non seulement promouvoir la monoculture, mais aussi à se spécialiser dans un seul type de production.

En étant centré·es sur cet unique objectif tout en ayant massivement recours aux échanges commerciaux certains États placent directement en péril leur souveraineté alimentaire. Importer des aliments qui pourraient être produits localement a un coût environnemental et fragilise l’autonomie des populations, qui risquent la famine en cas de crise. Cette vulnérabilité est particulièrement forte dans les petits États insulaires, souvent spécialisés dans les cultures d’exportation plutôt que dans la production destinée à nourrir leurs habitants

Si l’être humain est capable d’exploiter près de 6000 plantes comestibles, il n’en utilise en réalité qu’à peine 200 pour sa consommation réelle. Plus inquiétant encore, seules neuf d’entre elles représentent 66 % des récoltes dans le monde.

Ce manque de diversité constitue d’abord une menace sanitaire, tant les cultures restent exposées aux maladies et aux ravageurs. Plus fondamentalement, c’est ce modèle agricole lui‑même qui fait figure de danger à long terme, puisqu’il n’est pas soutenable. Le principe des monocultures accroît aussi les risques de pénuries futures et, par ricochet, de famine ou d’insécurité alimentaire.

Je m'abonne à Mr Mondialisation
 

3. Parce qu’elles sont l’expression du capitalisme 

Alors qu’elle va à l’opposé de toute logique environnementale et sanitaire, la pratique de la monoculture répond surtout à une volonté de profit à court terme. Parfait symbole du néolibéralisme et du capitalisme, elle épuise les ressources le plus vite possible pour en tirer un maximum d’argent sans même se soucier d’une orientation à long terme.

Or l’agriculture existe pour répondre à un besoin vital de l’être humain : se nourrir. Elle devrait donc reposer d’abord sur le droit de chacun·e à subsister, plutôt que sur une logique purement marchande. Dans cette perspective, les terres les plus fertiles devraient être reconnues comme un bien commun.

Néanmoins, les monocultures favorisent plutôt son exploitation massive par des compagnies géantes et des fonds d’investissement qui accaparent tout, comme on peut le voir aux États-Unis. Dans le monde, 70 % des terres sont déjà détenues par 1 % des professionnels du secteur. Une véritable machine à précarité pour les petites fermes qui sont forcées à s’endetter pour perpétuer ce modèle et produire suffisamment pour survivre.

De plus, ce système standardisé engendre une dépendance accrue aux semences brevetées et aux intrants chimiques appartenant souvent aux mêmes groupes, à l’image du tristement célèbre Bayer-Monsanto. Il devient alors de plus en plus compliqué de s’extraire de ce type de fonctionnement.

4. Parce qu’elles ne respectent pas le vivant

Le fonctionnement du vivant, en particulier celui de la terre, repose sur des savoirs immémoriaux. Ces savoirs continuent de s’enrichir grâce aux progrès scientifiques. Pourtant, en s’obstinant dans une méthode aussi peu durable que la monoculture, le capitalisme contribue à faire oublier des faits tangibles.

Cette standardisation est devenue la norme pour la plupart des professionnel·les du secteur, comme s’il s’agissait de la seule façon de faire. Or, ce modèle est totalement incompatible avec une exploitation à long terme et met en péril la souveraineté alimentaire mondiale à venir.

Si l’humanité a su coexister harmonieusement avec les espèces qui l’entourent pendant des millénaires, la logique capitaliste imposée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale a rompu avec les lois physiques fondamentales. La monoculture incarne cette soumission violente du vivant à un moule pour lequel il n’est pas fait : une impasse financière lourde de dangers.

5. Parce qu’une autre agriculture est possible — et déjà en marche

On ne pourrait pas se contenter de critiquer le modèle actuel s’il n’existait pas d’alternatives sérieuses aux monocultures. De nombreux·ses paysan·nes et scientifiques ont déjà mis en place des systèmes différents : agroécologiepermaculture, coopératives, circuits courts – tous bien plus résilients face au dérèglement climatique.

« elle [l’agriculture alternative] augmenterait la biodiversité associée de 25 %, la qualité de l’eau de 50 %, celle des sols de 11 % et le contrôle des maladies et des parasites de 63 %. »

Certaines études montrent par ailleurs que ce type d’agriculture ne ferait pas chuter les rendements au contraire elle pourrait même être plus rentable d’un point de vue économique certaines recherches évoquent des bénéfices de plus de 2800 % sur 20 ans. Mieux, elle augmenterait la biodiversité associée de 25 %, la qualité de l’eau de 50 %, celle des sols de 11 % et le contrôle des maladies et des parasites de 63 %.

Il ne s’agit plus d’exploiter la terre comme un simple bien, mais de la préserver comme une alliée vivante, essentielle à notre survie collective. Dans cette perspective, un modèle durable et respectueux pourrait garantir l’autonomie alimentaire de tous les peuples.

Pour y parvenir, il faudra relocaliser les productions afin de garantir l’autonomie de chacun·e, tout en réduisant drastiquement les intrants chimiques. Les polycultures, avec leur résilience et leur résistance naturelles, s’imposent alors comme une solution idéale.

C’est aussi l’occasion d’intensifier les rendements sur des surfaces réduites, préservant ainsi des espaces naturels vitaux pour la biodiversité. De tels systèmes demandent certes plus de temps et de main-d’œuvre, ce qui implique de revaloriser le métier pour attirer davantage de personnes – d’autant que la réduction de la durée du temps de travail s’impose. Une voie vers une société post-capitaliste, plus écologique et démocratique.

Simon Verdière


Source image d’en-tête : Ferme intensive et usage de la dynamique (1911) ©Wikimedia Commons

- Cet article gratuit, indépendant et sans IA existe grâce aux abonnés -
Donation