Alors que nous traversons une crise de l’énergie sans précédent qui a plongé de nombreux ménages dans la précarité énergétique, les géantes compagnies pétrolières ont toutes enregistré des bénéfices records au cours de l’année 2022. C’est notamment le cas de TotalEnergies qui a récemment annoncé un bénéfice net de près de 20 milliards d’euros. À cette occasion, plusieurs associations environnementales et mouvements citoyens dénoncent ces superprofits, et appellent à une juste et réelle transition énergétique qui réponde aux exigences environnementales et aux attentes socio-économiques des plus vulnérables.
Mercredi 8 janvier, TotalEnergies a annoncé avoir enregistré un bénéfice net de 19,1 milliards d’euros pour l’année 2022, soit une hausse de 28% par rapport à l’année précédente. Sans les pertes comptables liées à son désengagement progressif de Russie, pour un montant de près de 15 milliards de dollars, le bénéfice net ajusté du géant pétrolier s’élève à 36,2 milliards de dollars, l’un des plus importants de l’histoire du CAC 40. À cette occasion, TotalEnergies proposera aux actionnaires la distribution d’un dividende au titre de l’exercice 2022 de 3,81€ par action.
Notons que TotalEnergies n’est pas la seule compagnie pétrolière à avoir profité des différentes crises impactant le secteur de l’énergie au cours de l’année 2022. En effet, Shell fait état d’un bénéfice de40 milliards de dollars, contre 31 milliards en 2021. Exxon a dégagé un bénéfice de 55,7 milliards de dollars, contre 23 milliards en 2021. Le groupe pétrolier BP a enregistré un bénéfice record de 27,6 milliards de dollars, contre 12,82 milliards en 2021. Enfin, Chevron a annoncé un bénéfice net de 36,5 milliards de dollars, plus du double de l’année précédente.
Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et la crise climatique, du pouvoir d’achat et de l’énergie, ces bénéfices records relanceront sans aucun doute les débats sur les « superprofits » et le rôle du secteur de l’énergie dans l’exacerbation des crises environnementales et sociales.
Des activités loin des promesses du renouvelable
Depuis 1965, TotalEnergies est l’une des 20 compagnies pétrolières et gazières ayant le plus contribué au changement climatique, et continue aujourd’hui à investir considérablement dans l’exploitation des énergies fossiles malgré ses promesses de transition énergétique durable en vue de sa neutralité carbone d’ici 2050.
Petite piqûre de rappel, TotalEnergies développe actuellement deux titanesques projets d’exploitation pétrolière qui devraient être opérationnels d’ici à 2025 : les constructions de 419 puits de pétrole en Ouganda et d’un pipeline qui traversera la Tanzanie sur pas moins de 1445 km. Ces deux projets, aux conséquences dévastatrices pour les communautés locales et les écosystèmes de la région, pourraient produire jusqu’à 230 000 barils par jour sur une période de 25 à 30 ans.
Selon Lucie Pinson, fondatrice de l’ONG Reclaim Finance qui se bat pour la décarbonation de la finance, 20% des investissements de TotalEnergies sont aujourd’hui dédiés à l’exploration de nouveaux gisements de gaz et de pétrole. Ils devraient conduire à une augmentation de la production de ces hydrocarbures de 18,4% d’ici 2030. Enfin, la compagnie pétrolière prévoit d’investir sur la période 2022-2025, jusqu’à 16 milliards de dollars par an, dont 70% dans les hydrocarbures.
Tel que l’a très justement rappelé l’ONG environnementale Alternatiba Paris, « alors que TotalEnergies œuvre à verdir son image en prétendant investir dans les énergies renouvelables, il profite dans les faits de sa prospérité et de la complaisance des décideurs politiques pour lancer de nouveaux projets d’exploitation des énergies fossiles, climaticides et désastreux sur le plan social. Tant que TotalEnergies n’amorcera pas de vraie transition dans les énergies renouvelables et ne garantira pas de cesser les nouveaux projets fossiles, nous dénoncerons son action criminelle et la complicité du gouvernement ! »
Vers la fin des superprofits ?
Sous l’impulsion de la Commission européenne, le Conseil de l’UE a adopté fin 2022 un plan de solidarité temporaire obligatoire sur les bénéfices des entreprises actives dans le secteur du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage afin de faire baisser les prix de l’énergie. Cette contribution sera calculée sur base des bénéfices imposables qui dépassent de plus de 20% de la moyenne des bénéfices annuels imposables depuis 2018. Elle s’appliquera en plus des impôts et prélèvements réguliers applicables dans les États membres, dans le respect des règles fiscales nationales au cours de l’exercice commençant en 2022 et/ou 2023.
Selon Patrick Pouyanné, PDG du groupe TotalEnergies, la contribution du géant pétrolier sur les superprofits dépasserait les deux milliards d’euros en Europe et au Royaume-Uni. La compagnie précise également qu’elle paiera en France l’impôt sur les sociétés pour ses activités dans l’Hexagone au cours de l’année 2022, et que ses impôts s’élèveront à 33 milliards de dollars pour l’ensemble de ses activités à travers le monde.
Enfin, en réponse à ces bénéfices considérables, TotalEnergies n’exclut pas de proposer dans un futur proche de nouvelles ristournes ciblées à la pompe pour réduire le prix de l’essence. Bien que l’ensemble des remises à la pompe proposées depuis le début de la crise énergétique lui ait déjà coûté 600 millions d’euros, l’attractivité des prix réduits proposés dans les stations du groupe pétrolier pourraient à terme accroître ses profits et ses ventes de pétrole.
Une belle action opportuniste en vue de redorer sa réputation de profiteur de guerre. Cependant, nous attendons aujourd’hui du géant pétrolier qu’il réinvestisse ces bénéfices indécents dans une réelle transition énergétique verte et durable.
– W.D.
Photo de couverture : Patrick Pouyanne, PDG de TotalEnergies. Source : Flickr.