Le CETA, traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, vient d’être rejeté par le Sénat. Si l’Assemblée nationale va dans le même sens, l’accord qui s’applique depuis sept ans pourrait être annulé sur tout le continent. Uniquement si Emmanuel Macron accepte officiellement cette décision.
Le traité de libre-échange permet la circulation de marchandises polluantes et toxiques entre le Canada et la France tout en faisant concurrence à la production locale. C’est pendant sa niche parlementaire que le Parti Communiste Français a inscrit au Sénat la question de la ratification du CETA. Dans ce contexte, la quasi-intégralité de l’opposition a voté contre cette entente, confirmant les craintes du gouvernement qui avait jusqu’ici refusé de faire passer le texte au palais du Luxembourg.
Un coup d’arrêt au libre-échange ?
En pleine crise agricole, les traités de libre-échange, qui sont l’une des grandes causes du problème, ne cessent cependant de se multiplier. On avait encore vu très récemment l’UE s’engager avec la Nouvelle-Zélande, le Chili ou même le Kenya.
Et pourtant, malgré la conjoncture, un accord plus ancien entre l’Union européenne et le Canada pourrait bien avoir du plomb dans l’aile. Depuis sept ans, celui-ci s’applique en effet partiellement, en attendant d’être ratifié par les nations de l’UE.
La France va-t-elle tout faire capoter ?
En effet, pour être définitivement adopté, chaque État membre doit l’approuver par voie parlementaire. Or, dix pays ne l’ont toujours pas fait, dont la France. Et malgré tout, le gouvernement actuel y est bien favorable. En 2019, Emmanuel Macron avait d’ailleurs fait voter avec succès le document à l’Assemblée. Et déjà l’époque, le groupe Les Républicains, pourtant traditionnellement en soutien au libre-échange, s’était prononcé contre, sans doute pour contenter son électorat rural et agricole à qui le texte est très néfaste.
Le Sénat étant dominé par LR, le président français n’avait alors pas envoyé le sujet à l’examen au palais du Luxembourg comme l’usage l’exige. Après plusieurs années d’attente, c’est donc à l’initiative des représentants PCF que ce vote a finalement bien eu lieu.
Le texte devrait ensuite normalement retourner devant l’Assemblée nationale en seconde lecture. Or depuis 2019, Emmanuel Macron a perdu la majorité au Palais Bourbon. Et le groupe LR est devenu son principal partenaire pour faire passer des lois. De fait, si le CETA revient face aux députés, il a de fortes chances d’être également rejeté. Et le PCF a déjà annoncé qu’il utiliserait sa niche parlementaire du 30 mai prochain pour le mettre à l’ordre du jour.
Le déni démocratique va-t-il se poursuivre ?
On pouvait s’insurger du fait qu’un traité international s’applique « provisoirement » à 95 % sans avoir été voté par tous les représentants des pays européens. Mieux, il serait même totalement légitime de réclamer des référendums sur ce genre d’alliance.
Mais ici, le piétinement de la démocratie risque d’aller encore plus loin. En effet, même si l’Assemblée et le Sénat français rejetaient le CETA, celui-ci ne tomberait que si le président de la République notifiait officiellement Bruxelles de la décision des chambres nationales. Dans le cas contraire, le texte continuera de s’exercer sur le continent.
Le phénomène s’est d’ailleurs produit en 2020 lorsque le parlement de Chypre avait refusé le traité. À cet instant, le processus entier aurait pu s’effondrer si le gouvernement local avait notifié la Commission européenne de cette décision. Or, il ne l’a jamais fait et l’accord se poursuit encore.
Le destin du CETA repose donc uniquement dans les mains du chef de l’État. Or, il est de notoriété publique que le déni démocratique est l’une des caractéristiques majeures du président. On l’a constaté par exemple lors de la crise des Gilets Jaunes, ou face aux protestations contre la réforme des retraites. L’abandon du CETA avait d’ailleurs été proposé par la Convention citoyenne pour le climat, ce que le fondateur de Renaissance n’avait pas hésité à balayer.
Pourquoi importer des produits de l’autre bout du monde ?
Non content d’avoir été imposé de manière antidémocratique, le CETA représente également un désastre pour l’environnement, mais aussi pour la population, notamment les agriculteurs. Comme tous les traités de libre-échange, il favorise en premier lieu la circulation de marchandises dont nous n’avons pas besoin et qui pourraient tout à fait être fabriquées en France. À l’heure où la question climatique est devenue prépondérante, on peut en effet se demander le sens de tels commerces.
Mais le problème ne s’arrête pas au simple transport des marchandises. Il existe en outre des normes bien inférieures au Canada par rapport à ce que nous pouvons connaître en Europe. Outre-Atlantique, on emploie par exemple encore une quarantaine de pesticides proscrits sur le vieux continent. Le pays dirigé par Justin Trudeau autorise aussi les OGM qui sont massivement utilisés dans la culture de colza, alors qu’ils sont interdits en France.
Pire, le Canada fait toujours usage de farines animales pour alimenter ses bêtes, y compris les bovins. Ainsi dans certains cas, une vache canadienne peut avoir été nourrie avec les restes de ses congénères : sang, graisse, poil, gélatine… Au-delà de l’abomination éthique que représente le fait de transformer des ruminants herbivores en cannibale, on se souvient également que cette pratique avait été à l’origine de la crise de la vache folle dans les années 90.
Une catastrophe environnementale, sociale et sanitaire
L’enjeu sanitaire des échanges permis par le CETA ne sont d’ailleurs pas à négliger puisque les pesticides dangereux ou les bêtes nourries aux farines animales finiront par arriver dans nos assiettes sans même que nous puissions en être informés.
En outre, ces conditions de fabrications dégradées altèrent non seulement la qualité des denrées alimentaires, mais concurrencent également les agriculteurs français qui ne peuvent pas rivaliser puisque respectant des normes plus strictes qui demandent plus d’investissements financiers.
Enfin, en plus des questions de gaz à effet de serre émanant des transports de marchandises, ces échangent favorisent directement une agriculture qui détruit les sols et la biodiversité par le biais des produits phytosanitaires. Des préoccupations qui ont, jusqu’ici, eu l’air de ne guère poser de soucis à Emmanuel Macron.
– Simon Verdière
Photo de couverture : Flickr