Production de fromage et production d’électricité : au premier coup d’œil, le lien n’est pas évident. Et pourtant : en France, à Albertville (Savoie), une unité de valorisation énergétique produit l’équivalent de la consommation en électricité de trois-quart de la population locale (1900 habitants) grâce à des résidus organiques issus de la production de fromage.
La valorisation de déchets organiques par méthanisation n’a rien de nouveau. Cependant, lorsque ce procédé fonctionne grâce au lactosérum, un liquide issu de la production de fromage, tout en aidant les producteurs à gagner en indépendance par rapport aux grands groupes laitiers, cela a de quoi intriguer.
Vous avez dit lactosérum ?
Le lactosérum – plus connu sous l’appellation « petit-lait » – est un sous produit obtenu lors de la fabrication de fromage, au moment où la caséine est séparée des matières grasses. Il se caractérise par sa structure aqueuse ainsi que son apparence translucide et jaunâtre. Le lactosérum représente environ 80% à 90% du volume du lait initialement utilisé.
Généralement, les fabricants de fromage revendent le lactosérum à d’autres entreprises. De par sa teneur en protéines, en lactose et en minéraux il est utilisé dans la production de produits transformés ou comme complément alimentaire pour les animaux d’élevage. L’un des principaux acheteurs est Lacto Serum France du groupe Lactalis et dont l’usine se trouve à Verdun. Cependant, les coûts engendrés par le transport sont élevés et le bilan énergétique est négatif.
La valorisation grâce à la méthanisation se trouve alors être une réelle opportunité inattendue pour le secteur. L’Union des Producteurs de Beaufort a ouvert à l’automne 2015 une nouvelle unité de transformation, en partenariat avec l’entreprise toulousaine Valbio. L’objectif : soutenir la filière locale en mettant en commun le liquide pour en faire de la poudre, du beurre et… de l’électricité ! Selon Yvon Bochet, représentant de l’Union interviewé par France 3 : « On a voulu reprendre notre liberté par rapport aux grands groupes laitiers puisqu’on s’était rendu compte, au fil des années, qu’on était toujours les dindons de la farce ».
Image : www.savoie-lactee.com
Du petit-lait à l’électricité
La méthanisation est un processus naturel de dégradation de matières organiques en anaérobie. Lorsque le processus est contrôlé industriellement, il devient la source d’énergies sous forme de biogaz, eau chaude ou électricité. De cette façon, on valorise un déchet. Le procédé même se fait sans émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, l’énergie ainsi obtenue est substituée à des énergies fossiles.
Plus concrètement, des bactéries sont introduites dans le lactosérum ce qui provoque un début de fermentation et le rejet de méthane. Le méthane est ensuite capturé puis transformé en biogaz et finalement en électricité réinjectée dans le système contre un forfait pour les producteurs. Selon les chiffres avancés sur le site internet de Valbio, la méthode aboutie à la production d’importantes quantités d’énergie, puisque « 1m3 de lactosérum peut être transformé en environ 265 kWh de biogaz ». En fin de cycle, l’usine rejette seulement de l’eau pratiquement pure.
À Albertville, 650 producteurs de lait se sont associés pour le développement de ce projet. L’objectif est de produire 3 millions de kWh par an et de faire des économies en gaz naturel de l’ordre de 50.000 euros en traitant jusqu’à 100.000 litres de petit-lait de manière quotidienne. Par ailleurs, la mise en place du projet doit être accompagnée de la création de 10 emplois. Cependant, après un investissement important de l’ordre de 13 millions d’euros pour acquérir les structures nécessaires à la méthanisation, le projet ne devrait pas pouvoir être amorti avant 5 à 7 années ce qui est très raisonnable.
À ce jour, 23 centrales de ce type existent en France et d’autres initiatives de ce genre sont en cours de réalisation en Europe mais également au Canada. Petit bémol : la filière du lait est une filière dont les impacts sur la planète sont importants. Par ailleurs, du point de vue du bien être animal, les productions industrielles de fromage ne sont généralement pas très bonnes élèves.
Sources : ademe.fr / consoglobe.com / fromage-beaufort.com / lenergieenquestions.fr / 18h39.fr