Après Banksy, c’est au tour de l’artiste chinois Ai Weiwei, renommé pour ses tentatives toujours osées d’alerter l’opinion sur des faits de société, de prendre la défense des demandeurs d’asile. Une action choc en plein cœur de Berlin qui ne pouvait pas passer inaperçue.
Ai Weiwei est un rare militant chinois des Droits de l’Homme et artiste engagé qui a su gagner sa notoriété au niveau mondial avec un style osé et sincère. Déterminé et surtout imprévisible, l’homme n’hésite pas à utiliser les médias par des actions coup de poing afin de faire la promotion de ses convictions humanistes. Très touché par le drame syrien et les déplacements de populations qui s’en suivirent, Ai Weiwei a été jusqu’à se rendre en personne sur l’île grecque de Lesbos afin de témoigner, via les réseaux sociaux, de l’horreur de la situation. Face à l’inhumanité de certains décisionnaires, l’artiste s’est notamment fait photographier dans la position du petit Aylan décédé sur une plage de Lesbos et dont la photographie avait fait le tour du monde.
Mais les récentes décisions politiques européennes, qui tendent à se radicaliser vers plus de sécuritarisme, vont choquer le dissident. Ainsi, en janvier dernier, l’artiste se faisait déjà remarquer sur le sujet de la crise syrienne en annulant deux expositions très attendue. Un choix radical en signe de protestation envers la décision du gouvernement danois de confisquer les biens personnels des réfugiés. « J’ai été extrêmement choqué en apprenant hier que le gouvernement danois a décidé de saisir les biens privés des réfugiés. Conséquence de cette décision sans vergogne, je me retire de votre exposition « Une nouvelle dynastie: Créé en Chine » pour protester contre cette décision » avait-il déclaré sur les réseaux sociaux.
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Alors que Manuel Valls vient de déclarer vouloir fermer la porte de la France aux réfugiés, s’engageant dans une politique plus à droite que jamais, et après de multiples décisions sécuritaires dont un renforcement de l’État d’urgence et une modification de la Constitution à des fins sécuritaires, Ai Weiwei lance un nouvel appel aux décideurs et citoyens européens. Il nous invite à bien considérer la question des Droits de l’Homme si chère aux traditions du vieux continent et tant défendues dans les discours politiques occidentaux quand il s’agit de justifier certaines stratégies géopolitiques. Pour se faire, l’artiste de 58 ans a choisi de « redécorer » un bâtiment historique majeur de la capitale allemande.
C’est le Konzerthaus de Berlin, une salle de spectacle érigée en 1821, qui fut choisie par l’artiste pour exposer son œuvre quasi-improvisée, alors que se tenait un gala spécial en l’honneur du Cinema pour la Paix avec pour objectif de promouvoir l’humanisme dans le 7eme art. Sa nouvelle installation expose plus de 14 000 gilets de sauvetage autour des piliers du fameux bâtiment, le tout ponctué d’un bateau gonflable affichant le message #safepassage (chemin sécurisé). Les vestes de survie usagées, dévoilées dimanche dernier, appartiennent aux nombreux réfugiés qui tentent de traverser la méditerranée fuyant la guerre ou les expulsions. En 2015, près de 3000 d’entre eux sont morts, hommes femmes et enfants, lors de la traversée particulièrement risquée. Nombre de ces vestes sont retrouvées le long des plages grecques.
Photographie : Oliver Lang
Weiwei ne s’est pas contenté de récupérer ces vestes. Il a passé plus d’un an à documenter la situation des réfugiés à travers des centaines de clichés, créant un mémorial « online » unique d’une situation de crise tout aussi exceptionnelle. La démonstration publique cherche évidemment à attirer l’attention sur les souffrances que subissent les réfugiés autant physiquement, que psychologiquement en quittant familles, propriétés et pays. À ces sévices, s’ajoute la violence institutionnelle (sous-statut, rigidité, limitation des droits,..) et psychosociale (stigmatisations, racisme, jugements,..). Depuis janvier 2016, 400 personnes ont déjà perdu la vie lors de ce périple. Weiwei tente de faire comprendre, à qui voudra bien ouvrir les yeux, qu’il ne faut plus rien avoir à perdre pour risquer sa vie et celle de ses enfants dans une pareille traversée.
Photographie : page facebook de Ai Weiwei
Photographie : Oliver Lang
Photographie : Oliver Lang
Photographie : Oliver Lang
Source : 20minutes.fr / lefigaro.fr / mymodernmet.com