Au sud de Tours, à Monts, une usine laitière pourrait s’agrandir jusqu’à concentrer 2 200 animaux. Collectifs citoyens, associations et Confédération paysanne, représentant les petits fermiers, s’organisent pour contrer ce projet jugé démesuré.

Nouvelle ferme-usine en projet

Après la ferme des mille vaches, exploitation industrielle qui rencontre une grande opposition, voici l’usine laitière des 2200 animaux. Ce projet se passe sur la commune de Monts, à moins d’une vingtaine de kilomètres au sud de Tours. Au programme, une « future concentration sur la commune de près de 2 200 animaux, dans la même usine à lait, c’est-à-dire 420 vaches laitières, 210 taurillons, 260 génisses, 1 300 chèvres ! » explique Hervé Bedouet, agriculteur laitier et membre de la Confédération paysanne d’Indre-et-Loire.

Selon la Confédération paysanne, la fin des quotas laitiers, attendue pour avril 2015, aura pour effet de favoriser l’émergence d’exploitations géantes au détriment des petits élevages. Une hausse de la quantité, une baisse des prix et de la qualité pour une production toujours plus intensive. De fait, cette véritable usine à lait, qui se rapproche de ce qu’on peut trouver en Allemagne ou aux USA, semble confirmer leurs prévisions.

Pour le moment, une enquête publique est en cours et la préfecture n’a pas encore donné son autorisation. Le commissaire enquêteur a rendu un avis favorable pour l’extension de la coopérative, mais a émis des réserves sur l’aspect environnemental, notamment au niveau des captages d’eau. En effet, ce type de production de masse alimente dangereusement les causes des problèmes environnementaux à un moment décisif de l’histoire où la production locale à taille humaine semble plus équilibrée. En attendant, la coopérative et les pouvoirs publics essayent de garder l’affaire discrète, afin de ne pas provoquer de mobilisation nationale contre ce projet. Selon Luc Coubes, membre fondateur d’une Amap et militant de Nouvelle Donne, les pouvoirs publics voudraient éviter à tout prix l’installation d’une ZAD (Zone A Défendre) sur le terrain.

Rassemblement devant la mairie de Monts le 30/10/2014 – source : http://indre-et-loire.confederationpaysanne.fr/

Les opposants s’organisent

De leur coté, les opposants s’organisent. Habitants, Confédération paysanne, associations locales et partis de gauche (EELV, Nouvelle Donne et Parti de Gauche) ont monté le collectif Des fermes, pas des usines pour tenter de se faire entendre par la mairie et la préfecture. Parmi les inquiétudes de la Confédération paysanne : « L’alimentation de l’élevage dépend donc d’achats extérieurs à l’exploitation. Mais il n’y a aucune information sur la qualité des compléments alimentaires achetés. S’agit-il de tourteaux de colza français ? Non-OGM ou OGM ? Ou de tourteaux de soja OGM importés du Brésil et des États-Unis ? Quel est l’impact sur la santé des animaux et sur la qualité des produits comme le lait et la viande ? »

Jean-Marie Bigot, riverain et retraité opposant au projet, explique que la principale crainte des habitants concerne l’épandage des 10 000 mètres cubes de lisier produits annuellement, avec toute la pollution aux nitrates et au phosphore que cela pourrait générer. Les grandes régions d’élevages intensifs, telle que la Bretagne, connaissent bien ce problème. Cours d’eau, sols, nappes phréatiques et littoraux y sont régulièrement pollués par les élevages industriels.

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Autre sujet de discorde, qui revient lui aussi régulièrement avec les élevages intensifs : les subventions publiques. Le GAEC (Groupement Agricole d’Exploitation en Commun, à l’origine du projet) a ainsi touché 107 174 euros entre 2012 et 2013, bien plus que les petites exploitations de la région. « Les aides ne sont pas plafonnées et sont proportionnelles à la taille des exploitations. Les laiteries risquent de se concentrer sur les grosses qui font du volume et de ne plus vouloir collecter les fermes de taille plus “humaine” », explique la Confédération paysanne, qui se bat contre l’agriculture intensive. Conséquences de ces aides proportionnelles : les paysans ont tout intérêt à faire grandir et à intensifier leurs exploitations, au risque de s’endetter et de faire baisser la qualité produite. Au risque aussi de mettre la clé sous la porte ou de se suicider, comme on le voit fréquemment depuis plusieurs décennies.

Alors, « l’usine des 2200 animaux » sera-t-elle la prochaine ZAD ? Une chose est sûre : elle symbolise tout ce que l’agriculture peut faire de pire et s’oppose de fait à la nécessaire transition agroécologique.


Lire l’article sur politis.fr / Crédit photo : F. Mechekour

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