Concernés par le bien-être animal et les questions éthiques autour du commerce et de la possession de poissons, de multiples amateurs d’aquarium n’ont pour autant pas renoncé à leur passion. Comment ? Certains ont simplement décidé d’aménager leur bac uniquement avec des plantes aquatiques et des objets décoratifs. Découverte du bac Hollandais.
Pour un nombre croissant d’individus, en particulier les personnes véganes, il est devenu intolérable de garder des êtres sensibles prisonniers de quatre parois de verre. Toutefois, pour un effet apaisant et esthétique, certains d’entre eux apprécient de concevoir un aquarium uniquement avec des éléments ornementaux et des végétaux aquatiques, à l’instar de celles en pot que l’on retrouve dans la plupart des foyers.
Une sensibilité mésestimée
Pendant très longtemps, la sensibilité et l’intelligence des poissons et des animaux aquatiques en général ont largement été sous-estimées. Dans le langage populaire, on parle même d’une « mémoire de poisson rouge » alimentant le mythe que ces animaux n’auraient que quelques secondes de souvenirs.
Une croyance pourtant infondée, démentie par les études, puisque ces créatures ont en réalité besoin de se rappeler certaines choses, essentielles à leur survie.
Toujours est-il que l’empathie envers les poissons a depuis longtemps été bien inférieure à celle pour les bêtes plus proches de nous comme les mammifères. Ainsi, sur les 2050 milliards d’animaux abattus par l’être humain chaque année, pas moins de 96 % étaient issus de la faune aquatique. Et pourtant, même s’ils ne sont pas capables d’émettre des cris comme de nombreuses espèces terrestres, diverses études ont bien démontré qu’ils ressentaient la souffrance.
Le bonheur est dans la liberté
Or, la vie en captivité pour une espèce sauvage n’a rien d’un paradis. Si certains s’imaginent les protéger de leurs prédateurs naturels, ils les privent surtout de leur liberté. Une existence plus courte au sein de son habitat d’origine sera toujours plus profitable que des années de souffrance en enfermement.
De fait, dans un aquarium, un poisson est exposé à un nombre incalculable de risques qui peuvent nuire à son bien être : température inappropriée, manque d’espace, mauvais régime alimentaire, absence d’atmosphère convenable, comportements agressifs entre poissons causés par le stress, bruits dans la maison, présence de l’être humain, etc.
Des besoins presque impossibles à satisfaire
En définitive, il est extrêmement compliqué d’offrir à l’animal toutes les choses dont il a réellement besoin. Il ne faut pas non plus confondre la capacité de celui-ci à survivre dans un milieu et le fait de s’y trouver à l’aise. La privation d’interaction avec un environnement varié ne pourra par exemple jamais être palliée dans un bac.
« La palme de la torture revient sans aucun doute au traditionnel bocal rond »
La palme de la torture revient sans aucun doute au traditionnel bocal rond que certains tentent d’ailleurs de faire interdire. En plus d’un espace beaucoup trop petit qui engendre une eau polluée et une difficulté à se mouvoir, ce genre de contenant déforme la vision des poissons ce qui leur provoque un stress intense.
Des méthodes de capture parfois très discutables
Par ailleurs, beaucoup de poissons vendus dans le commerce (soulignant notre rapport à l’animal comme un produit de consommation) proviennent d’un milieu naturel d’où ils ont été prélevés.
En plus de l’épreuve supplémentaire engendrée par le passage d’une zone sauvage à la captivité, ce sont aussi les méthodes de capture qui peuvent fortement être interrogées. Comme l’explique Animal Ethics, on utilise parfois une mixture de cyanure de sodium pour paralyser les animaux et les saisir facilement.
Aux Philippines, entre 70 et 90 % des poissons sont ainsi arrachés à leur environnement de cette manière. Or, en plus de faire souffrir l’animal concerné – ce qui entraîne même la mort dans 75 % des cas –, ce produit pollue et cause des dégâts sur toute la faune locale. Et parmi les survivants, beaucoup d’autres ne réchapperont pas au transport et au stress engendré par tout le processus de « livraison ».
Objectification des animaux
En outre, bien qu’il existe des poissons sourcés ou élevés en captivité, reste qu’en gardant enfermés des animaux dans un aquarium ou dans une cage, on leur retire non seulement leur liberté, mais on va parfois jusqu’à nier leur essence d’être sentient. C’est particulièrement vrai pour les poissons qui ne sont alors plus réellement perçus comme des êtres vivants, mais plutôt comme des objets décoratifs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les plus « populaires » dans les bacs sont les plus colorés, comme le célèbre poisson rouge.
Pour certains, les observer peut même avoir un effet thérapeutique, ce qui permet paradoxalement de lutter contre le stress. Néanmoins, dans cette optique, il convient de mettre en doute notre rapport unilateral à ces animaux qui sont exploités à notre profit et à leur total détriment.
Bien sûr, on pourrait alors se demander dans quelle mesure adopter un chien ou un chat serait moins problématique ? Et en effet, la vie de ces animaux n’est pas toujours idéale. Toutefois, ils sont au moins domestiqués et trouvent donc un intérêt relatif à vivre aux côtés des humains, contrairement aux poissons. Hormis les cas marginaux d’aquariums professionnels à visée de préservation ou scientifique, très encadrés, la majorité des bacs, aussi bienveillants soient leur propriétaires, ne sont pas bénéfiques à ces animaux aquatiques.
Pour rappel, les aquariums privés sont encore très répandus en France. Une enquête du Guichet du Savoir, citant les données de 2016, indique que 10,1 % des foyers possédaient au moins un poisson. Cela représente au moins 2,9 millions d’aquariums privés. Soit une réalité populaire qui ne s’arrêt pas à quelqus passionnés responsables.
Vers une révolution de l’aquariophilie ?
Face à ce constat, faut-il renoncer au caractère apaisant et esthétique des aquariums pour autant ? Pas forcément. De plus en plus d’individus se lancent en effet dans la conception de bacs sans poisson.
Ici, les stars du bassin ne sont plus des animaux condamnés à tourner en rond, mais des végétaux aquatiques. Comme certains ont des plantes en pot, d’autres en cultivent dans l’eau. Il reste aussi possible d’ajouter des décors minéraux pour créer un véritable paysage sous-marin.
Un système quasiment indépendant
Si l’on sait s’y prendre, un aquarium sans poisson offre également l’avantage de demander beaucoup moins d’entretien et d’investissement financier. Il sera tout de même nécessaire de vérifier la qualité de l’eau, tailler quelques fois les plantes et les fertiliser. Mais la plupart du temps, avec quelques bons conseils, il sera bien plus simple à surveiller qu’un aquarium avec poissons.
Ces aquariums verdoyants, que l’on associe souvent à l’aquascaping (le fait d’allier art et nature aquatique), sont aussi régulièrement liés aux « bacs hollandais », un style bien particulier d’aquarium, très largement basé sur les végétaux et parfois dépourvu de poissons.
Une multitude de possibilités
Quoi qu’il en soit, avec cette façon de faire, où l’esthétique n’est plus basée sur des animaux, mais bien sur des plantes et des pièces ornementales, naturelles ou artificielles, les possibilités sont presque infinies et les styles très nombreux. Certains vont même jusqu’à construire de véritables décors dignes d’un film à l’instar des maquettes ou des dioramas.
Bien constitué, un aquarium peut donc représenter un très bel ouvrage dont l’univers aquatique reste bénéfique, y compris en se passant de poissons et autres animaux qui seront beaucoup plus à leur place dans leur écosystème.
– Simon Verdière
Image : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Iwagumi_Scape.jpg















