« Basta Capital » ! Et si on kidnappait les patrons du CAC40 ?

    Emmanuel Macron décrète l’état d’urgence social et annonce qu’il est devenu impératif d’abandonner le capitalisme au profit de solutions guidées par le bon sens, celui de “l’humain”. Au nom de la solidarité et de l’entraide, il choisit de régulariser tous les sans-papiers, de retirer les troupes françaises des territoires où la France a engagé des conflits pour ses intérêts économiques, et d’annuler la dette du tiers-monde. Pendant ce temps, Alexandre Bompard, patron de Carrefour, répare bénévolement des articles électroménagers, Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH, s’adonne quant à lui à la couture et Vincent Bolloré à la menuiserie. Vous croyez rêver ? Je vous le confirme, vous rêvez. Ce scénario-là c’est celui de Basta Capital, un long métrage réalisé par Pierre Zellner dont la sortie en DVD est prévue le 3 mars 2021. Mr Mondialisation vous en donne un avant-goût.

    Extrait de Basta Capital

    Basta Capital n’est pas l’histoire féerique d’un chef d’État, soudainement éveillé, qui a choisi d’en finir avec un système économique injuste, belliqueux, destructeur de la nature et qui a eu l’audace d’imposer des mesures radicales pour répondre à l’urgence sociale et écologique. Elle n’est ni l’histoire idéalisée de grands PDG qui, par compassion ou repentir, se sont reconvertis en ouvriers de leur propre usine. Basta Capital est plutôt l’histoire d’une opération coup de poing qui va changer la face de la France. Le film met en scène une communauté d’activistes, qui dans un contexte social plus tendu que jamais, vont prendre en otage les patrons du CAC 40 pour forcer Emmanuel Macron à appliquer une politique anti-capitaliste. Ils passeront à l’acte après la mort d’un des leurs, tués par les forces de l’ordre durant une manifestation à Bure.

    Extrait de Basta Capital

    La situation de la France telle que décrite dans le film ne semble pas très éloignée de la réalité tant les bavures policières et les répressions abusives ont été monnaie courante ces derniers temps au pays des droits de l’Homme, avec l’assurance de voir les institutions couvrir coûte que coûte ces excès. Et le décès du militant à Bure n’est pas sans rappeler la triste disparition de Rémi Fraisse à Sivens suite à la violente offensive des gendarmes cette nuit du 25 au 26 octobre 2014, soit près de cinq ans jour pour jour. Dévastés par ce drame et lassés des méthodes de luttes infructueuses, Bart (Jean-Jacques Vanier), Lise (Anne-Laure Gruet), Edgar (Antoine Jouanolou), Inès (Clarisse Lhonni-Botte), Archie (Archibald Smith) et Genjo (Zaire Souchi) vont alors passer à la vitesse supérieure avec ce coup de force qui va obliger le chef de l’État à exécuter leurs revendications de peur de perdre ses premiers de cordée très médiatiques. Prendre le risque de maintenir en captivité les plus grosses têtes des multinationales françaises pendant un an et imposer, tout en restant planqués, un changement total de société, n’est pas une mince affaire. Les militants seront tout au long de leur opération traversés par des questionnements, des réflexions, et parfois des colères violentes. Contrairement à ce que le titre laisse songer, l’approche est beaucoup moins manichéenne qu’on l’imagine.

    Extrait de Basta Capital

    “Je ne propose pas une opinion dogmatique, mais la mise en scène d’un véritable débat d’idées autour de la révolution et des problématiques contemporaines, pour enrichir la réflexion des militants et peut-être également susciter des questionnements à d’autres. J’aspire à ce que ce film mette en lumière des enjeux de fond à une époque où règne la forme, et des propositions tangibles là où domine la communication. Pour en arriver là, le film met sur la table la nécessité et les limites du recours à la violence, face à celle dont fait preuve le capitalisme”, résume le réalisateur de 32 ans qui a lui-même également un parcours de militant. Pierre Zellner a en effet vécu dans la jungle de Calais en 2015 dans les mêmes conditions que les migrants à qui il enseignait le français et eux l’arabe. Cette expérience nourrira sa conviction de l’urgence qu’il y a à construire une société humaniste et c’est ce qui le mènera à l’écriture de Basta Capital (auparavant intitulé “Décapitalisation”), film qu’il a réalisé à la fois grâce à un emprunt, du financement participatif et l’engagement bénévole de celles et ceux qui y ont participé. 

    Extrait de Basta Capital

    On appréciera également le traitement des relations entre les activistes et les patrons kidnappés, tantôt teintées d’humour tantôt sérieuses et dramatiques. Ou encore la naissance d’une forme de conscience sociale chez certains PDG dont la captivité consiste à travailler pendant un an dans les mêmes conditions que les ouvriers qu’ils exploitent. Le tout empreint d’un réalisme du début à la fin, avec notamment les bouleversements sociétaux créés par tant de changements politiques sur une courte période. Bien que le film ne s’aventure pas à le montrer en image, nous découvrons combien la mise en place en France de mesures socio-écologiques radicales va générer des tensions internationales et une contagion de la révolte.

    Extrait de Basta Capital

    L’actualité est encore une fois alignée avec Basta Capital tant les soulèvements populaires sont légions dans le monde aujourd’hui. Du Chili à Hong Kong, en passant par l’Espagne, la France, le Liban et l’Irak, les peuples ont simultanément investis les rues en signe de leur insoumission face à des politiques socio-économiques toujours plus injustes et détachées du laborieux quotidien des citoyens ou pour exprimer leur ras-le-bol vis à vis de l’inefficacité et la corruption de leurs dirigeants politiques. Pendant ce temps, le fossé s’accentue encore plus entre les riches et les pauvres. Selon l’association Oxfam 26 personnes disposent désormais d’autant d’argent que les 3,8 milliards les plus pauvres de la planète. Avec Basta Capital, Pierre Zellner a voulu s’adresser “à tous les désobéissants, les révoltés, mais aussi aux indignés qui craignent la confrontation directe avec le Système tout en souhaitant un changement global.”

                                                                                                                            PAN


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