À l’aube d’une nouvelle extinction massive du vivant, il est essentiel de rappeler l’importance de la biodiversité pour la sauvegarde de nos écosystèmes, et son rôle fondamental dans la lutte contre le changement climatique. En effet, la liste des espèces en voie d’extinction ne cesse de s’allonger avec en cause un dénominateur commun, l’intensification des activités humaines. Du braconnage à la déforestation, l’être humain exerce une pression sur l’environnement qui chaque jour menace d’accroitre les risques d’un effondrement majeur de la biodiversité. Cependant, de nombreux efforts pour la conservation des espèces sont également menés. Voici trois nouvelles réjouissantes qui nous rappellent qu’il n’est pas encore trop tard pour limiter le désastre écologique que nous avons commencé.
L’ara de Spix, rendu célèbre par le film d’animation « Rio », a fait son grand retour sur le devant de la scène après l’annonce de sa réintroduction dans son milieu naturel. Originaire de la forêt tropicale sèche du Caatinga, dans le nord-est du Brésil, ce perroquet au plumage bleu légèrement verdâtre avait officiellement été déclaré éteint à l’état sauvage en 2019 par l’Union international pour la Conservation de la Nature (UICN).
Bien que l’annonce de son extinction soit assez récente, l’ara de Spix n’avait plus été observé dans la nature depuis plus d’une vingtaine d’année. Depuis les premières observations et études scientifiques, l’étendue de sa population a toujours été synonyme de grande rareté. Surexploité et morcelé en faveur du développement de l’agriculture intensive, son habitat naturel n’a cessé de se réduire depuis la deuxième moitié du 20ème siècle.
De plus, alors que la présence de cet oiseau dans le Caatinga se faisait de plus en plus rare, les convoitises humaines pour posséder un spécimen allaient ajouter une nouvelle pression sur la sauvegarde de cette espèce. « Plus il était rare, plus il devenait une sorte de symbole de statut social. Ainsi, les collectionneurs de perroquets étaient prêts à payer des dizaines de milliers de dollars pour obtenir un seul oiseau », explique Nigel Collar, conservationniste auprès de Bird Life International.
Menacée par le braconnage, la disparition de son habitat naturel et la cupidité humaine, l’espèce ne comptait plus que trois individus à la fin des années 80. Hélas, après l’enlèvement de deux d’entre eux par des braconniers en 1987, et l’échec d’un premier projet de jumelage du dernier mâle avec un oiseau captif en 1995, l’ara de Spix n’a plus jamais été observé dans son milieu naturel depuis 2000.
Un nouvel espoir
Dans l’espoir de contrecarrer les ravages de la déforestation et du commerce illégal, l’Association allemande pour la Conservation des perroquets menacés (ACTP) œuvre depuis une dizaine d’année au développement de programme de reproduction de l’ara de Spix. Il existe aujourd’hui près de 160 individus en captivité à travers le monde. Bien que ce nombre soit toujours tristement bas, il reste cependant encourageant pour le succès de la réintroduction de l’espèce dans son territoire endémique.
Parallèlement à un projet de conservation de l’espèce en partenariat avec la fondation Pairi Daiza, l’ACTP s’est assurée que les autorités brésiliennes développent des politiques de conservations et de restauration de son habitat naturel sur le long terme, dont notamment la création d’immenses volières de réhabilitation dans lesquelles les oiseaux apprennent progressivement à retrouver les réflexes de la vie à l’état sauvage, l’amélioration de la gestion des espèces d’arbres non indigènes dans la réserve du Caatinga, le développement de pratiques agricoles plus respectueuses de son habitat naturel, ou encore l’installation de clôtures pour protéger la végétation du pâturage des animaux d’élevage.
Après 22 ans d’absence dans son habitat naturel, 8 aras de Spix, soigneusement sauvegardés dans le parc animalier belge, ont enfin été relâchés dans la réserve naturelle du Caatinga. Afin de garantir le succès de cette réintroduction, l’adaptation des 8 individus sera attentivement surveillée, et ces derniers pourront à tout moment accéder aux volières de réhabilitation dans lesquelles ils trouveront nourriture et sécurité. Si l’opération porte ses fruits, d’autres perroquets devraient prochainement être réintroduits.
Le léopard d’Anatolie
Après avoir été observé pour la dernière fois en 1974, le ministre turc de l’Agriculture et des Forêts a récemment annoncé la réapparition du léopard d’Anatolie dans son milieu naturel. Différentiable de ses cousins par sa fourrure grisâtre et de grandes rosettes sur les flancs de son pelage, ce léopard faisait partie d’espèces de félin que l’on croyait éteintes en raison du braconnage et de la destruction de son habitat naturel. Bien que la nouvelle soit particulièrement réjouissante, il est inutile de préciser que l’espèce est toujours en danger critique d’extinction, et que le nombre d’individus peut sans doute se compter sur les cinq doigts de la main.
Les rares images de ce léopard ont été capturées grâce à un « piège photographique » installé en 2019 se déclenchant automatiquement à l’approche des animaux sauvages. La localisation de ce dernier est cependant tenue secrète pour des raisons évidentes de protection de l’animal.
L’antilope saïga
Alors qu’en 2018 l’antilope saïga était toujours considérée comme étant en « danger critique d’extinction » par l’UICN, selon la dernière évaluation de l’organisation, l’espèce aurait retrouvé aujourd’hui 38% de ses effectifs. En effet, à la fin des années 90, il ne restait plus que 50 000 antilopes saïgas dans les steppes kazakhs, et 750 pour la sous-espèce mongole.
Une fois n’est pas coutume, l’être humain apparait à nouveau comme la principale raison de la disparition de cette espèce emblématique du Kazakhstan. Parmi les causes de la chute des populations de saïgas, on retrouve notamment la perte de leur habitat naturel au profit du développement agricole et l’appauvrissement des populations rurales qui a conduit à une intensification de la chasse au saïga pour sa viande.
Enfin, ayant supposément des vertus pour la médecine traditionnelle chinoise, les mâles ont subi les ravages du braconnage pour la grande valeur de leurs cornes, créant un déséquilibre entre le rapport mâles/femelles qui a directement entrainé à un effondrement du taux de fécondation et taux de natalité.
Alerté par la chute dramatique des populations de l’antilope saïga, WWF a collaboré avec le gouvernement kazakh pour lutter contre le braconnage et limiter la chasse au saïga dans l’espoir de lutter contre les risques d’extinction de l’espèce. Les efforts pour la conservation du saïga ont payé. Selon le ministère de l’écologie, l’ensemble de la population dépasse désormais les 1,3 million d’individus.
Ces trois nouvelles nous rappellent les conséquences dramatiques que nos activités humaines font peser sur la biodiversité. Espérons que ces exemples d’initiatives en matière de conservation des espèces en voie d’extinction encourageront des actions politiques en faveur de la restauration de la biodiversité et, plus généralement, de la protection de l’environnement.
– W.D.