En 2022, l’UNESCO rappelait que la probabilité d’une vague de tsunami de plus d’un mètre en Méditerranée dans les 30 prochaines années se rapproche de 100%. Face à ce risque, la ville de Cannes a déployé des moyens préventifs. Le point sur la situation.
La gravité d’un tel phénomène serait accentuée par le réchauffement climatique et la montée des eaux qui en résulte, mettant en évidence la vulnérabilité particulière du bassin Méditerranéen face au réchauffement climatique. En effet, outre le risque de tsunamis, le pourtour méditerranéen se réchauffe plus vite que le reste de la planète et en subit les conséquences de plein fouet.
Les préparatifs mis en place par Cannes lui ont permis d’obtenir la certification « tsunami ready » délivrée par l’UNESCO. Mais à quel point le risque est-il réel ? Décryptage dans cet article.
Le risque avéré de tsunami en Méditerranée
« le bassin Méditerranéen est bel et bien menacé de tsunami dans les trente prochaines années ».
Cela peut paraître anecdotique mais le bassin Méditerranéen est bel et bien menacé de tsunami dans les trente prochaines années. C’est ce qu’avait affirmé l’UNESCO en 2022, décidant alors d’élargir son programme de protection « tsunami ready » à la région.
Bien que moins puissants que ceux survenant des océans Pacifique ou Indien, ils n’en constituent pas moins un danger pour les villes côtières : des vagues continues de 50 centimètres, associées à un courant fort, représentent une menace pour les passants sur le littoral et peuvent provoquer des dégâts conséquents dans les zones portuaires et côtières, emportant bateaux et autres véhicules.
« 48 tsunamis ont frappé les côtes françaises du bassin Méditerranéen entre 1564 et 2011 ».
Par le passé, pas moins de 48 tsunamis ont frappé les côtes françaises du bassin Méditerranéen entre 1564 et 2011. Ces catastrophes résultant principalement de tremblements de terre ou d’éruptions volcaniques, causés par des failles sismiques actives près des Alpes ainsi qu’au large de côtes italiennes et algériennes.
En 2003, un puissant séisme survenu à Boumerdès en Algérie, causant de nombreuses victimes, avait d’ailleurs déclenché un raz-de-marée de l’autre côté de la Méditerranée. Celui-ci avait détruit sur son passage des centaines de bateaux dans les îles Baléares et, dans une moindre mesure, dans les ports de la Côte d’Azur victimes d’un retrait soudain du niveau de la mer.
Les séismes pouvant entraîner ces tsunamis sont imprévisibles, d’où l’utilité d’y être suffisamment préparés.
Depuis 2014, Cannes visé par la menace
Dès 2014, la ville de Cannes a lancé un programme de prévention contre les tsunamis, avec le soutien de l’UNESCO. Ce dispositif d’alerte vise à protéger les habitants et à réduire les dommages matériels en cas de catastrophe maritime.

À cette fin, la mairie de Cannes a créé une délégation de risque majeur appliquant une politique de gestion des risques à travers plusieurs initiatives concrètes. Les professionnels du littoral – plagistes, hôteliers, secteur de la pêche et des activités balnéaires et nautiques – ont également ont été sensibilisés et intégrés dans les démarches de prévention.
Depuis 2017, la ville de Cannes collabore ainsi avec le Centre national d’alerte aux tsunamis (Cenalt) pour organiser des exercices d’évacuation. Des messages d’alerte sont envoyés par téléphone et diffusés via les quelques 383 haut-parleurs répartis sur les 15 kilomètres de littoral. La municipalité a installé une signalisation qui dirige les passants vers 21 « zones refuge » identifiées dans la ville, situées à au moins 200 mètres des côtes.
Une réserve communale de sécurité civile a également été établie, composée de bénévoles formés pouvant appuyer les secours lors des exercices d’évacuation pour guider et sensibiliser la population.
« Cannes est depuis janvier 2024 la première ville de Méditerranée à avoir obtenu la certification « tsunami ready » »
Grâce à ces efforts, Cannes est depuis janvier 2024 la première ville de Méditerranée à avoir obtenu la certification « tsunami ready », crée par l’UNESCO pour encourager les villes côtières à se préparer face au risque de tsunami.
La vulnérabilité du bassin Méditerranéen, « hotspot » climatique
Si les tsunamis sont causés par des séismes ou éruptions volcaniques, leur gravité – elle – peut être amplifiée par le réchauffement climatique qui provoque la montée du niveau de la mer.
Or, le niveau moyen de la mer Méditerranée a déjà augmenté de 6 centimètres ces 20 dernières années, et le rythme de cette élévation ne fait que s’accélérer. Selon un rapport du réseau Méditerranéen des Experts sur le Changement Climatique et Environnemental (MedECC), le niveau moyen de la Méditerranée devrait augmenter de 37 à 90 centimètres d’ici la fin du siècle.
Ce risque vient donc s’ajouter aux nombreuses menaces du dérèglement climatique qui pèsent sur la région. En effet, le bassin Méditerranéen est particulièrement vulnérable au dérèglement climatique, décrit par les climatologues comme un « hotspot » climatique puisqu’il se réchauffe 20% plus vite que le reste de la planète. Si cette tendance persiste, les projections indiquent que les températures pourraient y augmenter de 3,8°C à 6,5°C par rapport à l’ère préindustrielle d’ici 2100.
Ce réchauffement est observé tant sur terre qu’en mer. Les eaux de la Méditerranée subissent un réchauffement alarmant, comme l’attestent les canicules marines de cet été. En juin, les températures de l’eau ont atteint des records de chaleur : 26°C en moyenne en surface et jusqu’à 31°C le 1er juillet au large de l’Espagne, dépassant de 5°C les normales de saison.
Ces vagues de chaleur marines surviennent désormais plus tôt et plus fréquemment. Ces dernières sont dévastatrices pour les écosystèmes marins : mortalités massives de certaines espèces, blanchiment des coraux et réduction de l’absorption du CO2 par l’océan due au déclin du phytoplancton et des herbiers marins sous l’effet des températures excessives.
« Les scientifiques constatent à cet égard une tropicalisation de la Méditerranée »
Les scientifiques constatent à cet égard une tropicalisation de la Méditerranée. Des espèces marines tropicales, notamment invasives, prolifèrent tandis que les espèces autochtones sont contraintes de migrer vers des zones plus fraîches, entraînant un bouleversement de l’écosystème mettant en danger la biodiversité de la Méditerranée.
Amplification des phénomènes météorologiques violents
Ce réchauffement de la Méditerranée entraîne des phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes dans les pays de son pourtour, entre canicules et pluies torrentielles.
En effet, d’un côté, dû à la forte hausse des températures de la mer, les masses d’air venant du Sahara ne sont plus rafraîchies lorsqu’elles traversent la Méditerranée et gardent leurs températures extrêmement élevées, alimentant canicules de plus en plus longues et fréquentes. Ces dernières favorisent dès lors les sécheresses récurrentes ou encore les feux de forêts ravageurs, comme cet été à Marseille, Narbonne, en Catalogne et en Macédoine du Nord.
D’un autre côté, l’évaporation accrue de la mer due aux fortes chaleurs entraîne une forte humidité dans l’atmosphère qui, à la rencontre de vents froids venant de l’Atlantique ou de reliefs montagneux, déclenche des phénomènes orageux violents, communément appelés épisodes méditerranéens (ou cévenols). Ces épisodes pluvieux extrêmes frappent surtout en automne, et déversent en seulement quelques heures l’équivalent de plusieurs mois de pluie. C’est ce phénomène qui est à l’origine des inondations dévastatrices à Valence à la fin du mois d’octobre 2024 par exemple.
« les épisodes méditerranéens violents sont désormais deux à trois fois plus fréquents en France. »
L’intensité de ces épisodes a augmenté ces dernières années du fait de la hausse des températures. De fait, les statistiques de l’Union Européenne démontrent que l’intensité des précipitations dans la région a augmenté de 22% ces 50 dernières années. Selon le climatologue Robert Vautard, les épisodes méditerranéens violents sont désormais deux à trois fois plus fréquents en France. Et les conséquences peuvent être dévastatrices : inondations, coulées de boue ou encore glissements de terrain.

La Méditerranée comme laboratoire du réchauffement climatique
La Méditerranée, en tant que mer semi-fermée, subit déjà un réchauffement accéléré et sert à cet effet de « laboratoire » scientifique aux climatologues. On le voit, la région subit de plein fouet toutes les conséquences néfastes de la hausse des températures, entre montée des eaux, menaces aux écosystèmes marins, épisodes météorologiques extrêmes, canicules et sécheresses. Ainsi, la Méditerranée présage ce qu’implique l’amplification du réchauffement à l’échelle globale, soit rien de rassurant.
Pour de plus en plus de villes, il convient, comme Cannes, de se préparer à des potentielles catastrophes amplifiées par le dérèglement climatique tel que le risque de tsunami, afin d’en limiter les conséquences. Cela passe par des systèmes de prévention et d’alerte, mais appelle également à végétaliser les villes pour atténuer les canicules, limiter la bétonisation des sols, adapter les évacuations des eaux en cas de pluies diluviennes, et surtout, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre pour freiner le changement climatique global.
Mais combien de villes le pourront et combien seront inversement surexposées à ces catastrophes par manque de moyens ? Comme chaque fois, la question climatique est intimement liée à celle de la justice sociale.
– Delphine de H.
Sources
https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/climate-costs/
« Résilience aux tsunamis : l’UNESCO formera 100 % des populations côtières à risque d’ici 2030 », UNESCO, 22/06/2022
Inondations en Espagne : «Le changement climatique a deux visages, les canicules et les pluies terribles», Margaux Lacroux, Libération, 30/10/2025,
« La Méditerranée brûle et nous regardons ailleurs », L’invité(e) des Matins, France Culture, 24/07/2025
« Changement climatique et environnemental dans le bassin mediterranéen, situation actuelle et risques pour le futur », Premier rapport d’évaluation sur la Méditerranée (MAR1), MedECC, 2020.















