Alors que le monde entier s’indigne de la mort tragique de Cécil, un lion vedette au Zimbabwe, faisant d’un riche dentiste l’homme le plus détesté de la planète pour les prochains jours, pas loin de là, dans l’indifférence générale, on élève des lions dans des fermes pour les plaisirs sadiques d’autres chasseurs. Ainsi, chaque jour, en Afrique du Sud, plusieurs lions sont abattus par de riches touristes et personne ne semble s’en indigner.
Alors qu’on ne connaissait pas son nom en dehors du Zimbabwe, le monde vient d’apprendre la mort tragique de Cécil, la mascotte très populaire du parc national de Hwange. Mais Cécil était-il un lion différent des centaines de ses congénères abattus dans la même région chaque année ? Alors que la vindicte populaire se tourne vers Wal Palmer, le coupable de ce drame, on apprend que des milliers d’autres lions sont élevés dans des fermes d’Afrique du Sud sans autre but que d’être tués par de riches chasseurs étrangers. Une industrie de la mort florissante mais parfaitement légale, si bien que rares sont les médias qui ont jugé bon de rappeler cette réalité pourtant si proche.
Une révélation qui fait froid dans le dos
Hasard du calendrier, juillet 2015 marque également la sortie discrète du documentaire choc Blood Lions (sang de lions). Un reportage à peine croyable qui lève le voile sur l’industrie très fermée de la chasse au lion qui tourne pourtant à plein régime en Afrique du Sud. Grâce à plus de 15 ans de travail, l’environnementaliste Ian Michler a, au péril de sa vie, démontré l’existence de fermes où des lions sont élevés comme du bétail de manière commerciale dans le but d’être vendus et tués. Chaque jour, entre deux et trois de ces lions seraient abattus lors de chasses closes. Ce type de chasse anti-sportive (si tant est que tuer soit considéré comme un sport) consiste à placer l’animal dans un enclos restreint pour faciliter sa mise à mort et donc, l’obtention d’un trophée pour le touriste (peau, tête, os,…). Comme au restaurant, il suffit de choisir l’animal à tuer sur le menu.
L’année dernière, plus de 800 lions furent ainsi abattus en Afrique du Sud, le plus souvent par de riches chasseurs internationaux et dans la plus parfaite légalité. En effet, si ce type de chasse est tolérée, c’est que leurs défenseurs prétendent qu’elle endiguerait la chasse illégale en pleine nature et le braconnage. En d’autres termes, il vaudrait mieux tuer des lions « domestiques » que des lions sauvages pour endiguer la soif de sang des safaristes. Un juteux business qui se camoufle derrière des justificatifs de conservation, de recherche et d’éducation tout en se faisant discret. Le reportage démonte ces arguments un par un en dévoilant les détails d’un business éminemment lucratif, avec la complicité des autorités, des professionnels de la chasse et des acteurs du tourisme de luxe.
Les images prises en caméra cachée sont insoutenables. On y voit des lions entassés dans des cages étroites vivant dans des conditions importantes de stress, élevés comme des cochons de ferme dont la mise à mort sera vendue à la carte par et pour des « amoureux des animaux » comme ils le prétendent. Pippa Hankinson, spécialiste de l’éco-tourisme en Afrique du Sud depuis plus de 20 ans et coproductrice de Blood Lions, a découvert qu’il y aurait entre 6000 et 8000 lions vivants en ce moment dans des conditions similaires. Si nombre d’entre eux sont vendus aux industries de la chasse, d’autres sont destinés au marché asiatique pour servire de substitut au tiger bones trade, le commerce de morceaux de tigres.
Le plus choquant, selon les producteurs, ce n’est pas que tout ça soit légal, mais que pratiquement personne n’est au courant. Une chape de plomb qui explose au grand jour en pleine polémique autour du cas de Cécil.
Pour ne pas se limiter à de l’indignation passagère
Face à cette réalité, que penser de cette indignation médiatique bien sélective envers le cas isolé de Cécil ? Au même titre que chez les humains, le meurtre d’une personne « connue » vaut-il plus la peine d’être médiatisé qu’un génocide ? Cet évènement tragique hyper-médiatisé, qui retombera probablement comme un soufflé dans les prochains jours, ne risque-t-il pas de camoufler l’effroyable réalité qui concerne la chasse au lion dans le monde ? Au contraire, va-t-on pouvoir rebondir sur la mort de Cécil pour rappeler que des centaines de lions subissent exactement le même sort chaque année dans l’indifférence ? C’est aux lecteurs d’en décider en choisissant aujourd’hui de porter la voix des sans voix et de médiatiser Blood Lions pour que cette pratique soit dévoilée et endiguée.
Image publiée à la discrétion de bloodlions.org
Source : nature.com / bloodlions.org