Si elle date de plus d’un demi millénaire, la civilisation maya continue pourtant de fasciner les foules. Le mystère de son effondrement en est sûrement pour quelque chose. Aujourd’hui, si le débat n’est toujours pas tranché sur les causes de sa disparition, les scientifiques résolvent tout de même une part de l’énigme en désignant de graves périodes de sécheresse comme responsables de la chute de Mayapán, dernière grande capitale de la période postclassique du Yucatan. L’étude, publiée dans la revue Nature en juillet dernier, met ainsi en évidence les dangereux liens qui unissent changement climatique et instabilité sociale. Ces conclusions résonnent particulièrement à l’heure où la planète connait des évènements climatiques jamais enregistrés. 

La ville fortifiée de Mayapán, signifiant « drapeau des Mayas », s’étendait sur une superficie de plus de 4 kilomètres carrés de l’an 1100 jusqu’à environ 1400 après J.-C. Abritant plus de 4000 structures dont une impressionnante pyramide à degrés qui s’élève à près de 20 mètres de hauteur, cette cité s’inscrivait à l’époque comme la plus grande capitale culturelle et politique du peuple maya. 

Ruines de l’ancienne ville maya de Mayapan, Mexique – Unsplash

La dernière capitale maya 

« La ville accueillait entre 15 000 et 20 000 habitants qui vivaient du commerce, des vergers domestiques et de la culture du maïs, très dépendante de la pluviosité », explique au Monde Marilyn Masson, archéologue à l’université d’Albany, aux Etats-Unis, et co-autrice de l’étude.

« La chute tardive de la cité, peu avant l’arrivée des explorateurs espagnols, en fait un terrain d’étude exceptionnel pour examiner l’impact du climat sur les conflits civils. »

Et pour cause, la glorieuse cité a fini par s’effondrer, ne laissant derrière elle que quelques ruines visitées aujourd’hui par les touristes venus des quatre coins du globe. C’est pour tenter d’en comprendre les raisons qu’une trentaine d’archéologues, de géologues, d’ostéologues et de paléoclimatologues ont participé à une étude transdisciplinaire et internationale sur le sujet. D’après leurs recherches, la chute de Mayapán s’explique en grande partie à cause d’un bouleversement climatique.

Famines et conflits politiques 

Pour parvenir à cette hypothèse, des anthropologues de l’Université de Californie ont épluché de nombreux documents historiques qui font état des changements démographiques et des conditions climatiques de l’époque. Grâce à un travail de terrain qui complète ces données, les chercheurs ont pu établir des corrélations entre les diminutions accrues des précipitations et l’augmentation des conflits sociaux et politiques. Des réactions en cascade qui auraient fini par provoquer le déclin de la cité.

Les anciens mayas dépendaient particulièrement des cultures de maïs, gourmandes en eau. – Unsplash

Leur réflexion a débuté lorsque l’équipe découvre une étrange sépulture : de nombreux ossements gisent les uns sur les autres, enterrés proche d’un temple central de la ville. Pour les scientifiques la chose est claire : il s’agit probablement d’une fosse commune. Mais l’examen plus minutieux des squelettes attise leur curiosité. « Certains ont été étendus avec des couteaux dans leur bassin et leur cage thoracique, et d’autres restes squelettiques ont été découpés et brûlés », détaille Marilyn Masson. « Non seulement ils (les meurtriers) ont brisé et brûlé les corps, mais ils ont également brisé et brûlé les effigies de leurs dieux. C’est une forme de double profanation ». Un massacre a donc eu lieu et prouve l’existence d’un important conflit social qui s’est soldé dans l’extrême violence. 

Des traces de massacres ont été retrouvées par des scientifiques. – Unsplash

Mais qu’en est la cause ? Des données climatiques supposant une sécheresse prolongée à cette époque ont conduit l’équipe à questionner l’influence des facteurs environnementaux dans l’avènement de ces affrontements. Pour confirmer cette hypothèse, les scientifiques du paléoclimat ont calculé les niveaux précis des précipitations annuelles de cette période en utilisant un processus de datation qui s’appuyait sur les dépôts de calcite dans les grottes voisines. 

Une réaction en chaîne liée à la sécheresse

Résultats : des preuves irréfutables d’une terrible période de sécheresse ont été révélées. Les mayas dépendaient fortement du maïs pluvial mais manquaient de stockage centralisé des céréales à long terme. On pense donc que les impacts des niveaux de précipitations sur la production alimentaire sont liés à la migration humaine, au déclin de la population, aux guerres et aux changements de pouvoir politique, indique l’étude.

Le magazine Géo, qui a publié une analyse du sujet, résume ainsi les faits : « une sécheresse se serait donc installée entre 1400 et 1450 à Mayapán. Un manque d’eau qui aurait provoqué une véritable réaction en chaîne, affectant l’agriculture et le commerce. Devant la faim, les conflits civils se seraient finalement multipliés, provoquant l’effondrement politique et la chute de la ville fondée quatre cents ans auparavant. De petits groupes se seraient cependant déplacés vers les villes côtières plus au nord, pour former des colonies indépendantes. Et faisant, par la même occasion, perdurer la culture maya jusqu’à l’arrivée des colons espagnols ». Ainsi selon les conclusions des chercheurs, ce n’est pas tant que la sécheresse provoque en soi des conflits sociaux, mais elle crée pour sûr les conditions propices à la violence. 

La sécheresse a joué un rôle majeur dans le déclin de la cité maya. – Unsplash

Une leçon face à la crise climatique actuelle

Un constat qui sonne comme un avertissement à l’heure où la planète connait les pires sécheresses jamais enregistrées. Rien qu’en Europe, 700 000 hectares ont été ravagés par les flammes cet été. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) a récemment appelé à une « prise de conscience » des dirigeants face aux vagues de chaleur après avoir constaté des hausses de températures encore jamais atteintes dans de nombreux endroits du globe. 

Aux sécheresses s’ajouteront d’autres bouleversements climatiques qui sont appelées à devenir de plus en plus fréquents. Mais si les Mayas ont fait preuve d’une certaine « résilience environnementale », notre monde actuel est tellement interconnecté qu’il risque à tout instant de succomber face à des réactions en chaînes incontrôlables. Une fois encore, l’Histoire semble avoir beaucoup à nous apprendre.

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L.A.

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