Mercredi 15 Juillet 2015, l’Eurogroupe a imposé un nouveau plan d’austérité à la Grèce, subtilement appelé « plan d’aide » par les créanciers. C’est le troisième depuis le début de la crise budgétaire en 2010. Les deux premiers furent des échecs cuisants : ils provoquèrent une récession et une hausse spectaculaire du chômage, de la pauvreté et même de la dette. Mais si ces mesures ne profitent pas à l’économie grecque ni aux habitants…à qui profitent-elles ?
Champagne pour les banques !
Les banques privées européennes sont les grandes gagnantes de la crise grecque, autant qu’elles en sont à l’origine. Comme l’explique le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde (CATDM) : « Des taux d’intérêt très élevés payés aux créanciers. Ces intérêts ont profité directement aux grandes banques privées européennes, en particulier françaises, allemandes, hollandaises, mais aussi grecques. Ce facteur représente environ 65 % de l’augmentation de la dette entre 1980 et 2007 ». Puis vient la crise budgétaire en 2010 : on apprend que la Grèce est gravement endettée. Pourquoi l’apprend-on si tardivement ? Pourquoi le montant de la dette est-il si élevé ?
Car la puissante banque d’affaires américaine, Goldman Sachs, a aidé les dirigeants dès 2001 (sociaux-démocrates du PASOK puis conservateurs de Nouvelle Démocratie) à maquiller les comptes de la Grèce, en échange d’un juteux contrat de 600 millions d’euros, sur fond de soupçons de corruption. Pour Goldman Sachs, c’est le double jackpot : en plus des 600 millions, cette malversation a fait bondir la dette que lui devait la Grèce de 2,8 milliards d’euros en 2001 à 5,1 milliards d’euros en 2005. Autrement dit : la banque américaine a « conseillé » Athènes tout en spéculant sur sa dette. Les salariés, étudiants, fonctionnaires, chômeurs et retraités grecs sont-ils responsables ? Non, et pourtant ce sont eux qui paient le prix fort de ces malversations.
Source : http://rue89.nouvelobs.com
Mais Goldman Sachs n’est pas la seule banque à s’être enrichie sur le dos des grecs. Ainsi, 80% des 240 milliards d’euros de prêts accordés à la Grèce dans le cadre des deux plans de « sauvetage » de 2010 et 2012 sont repartis directement dans les caisses des banques grecques, françaises, allemandes et hollandaises qui avaient spéculé sur la dette grecque. Ces banques ont donc pu faire fructifier leurs juteux investissements jusqu’à ce qu’ils deviennent trop risqués…et qu’elles soient remboursées par les deniers publics. En clair, les « plans d’aides » ont aidé avant tout les banques privées, et non le peuple grec.
Les multinationales, vautours ordinaires
Évidemment, les entreprises transnationales sortent aussi gagnantes des plans d’austérité à répétition et, tout comme les banques, sont également à compter parmi les responsables de l’explosion de la dette grecque. Vinci, le géant français du BTP impliqué dans de nombreux projets contestés (tels que l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la nouvelle route du littoral à la Réunion, les EPR au Royaume-Uni…), avait obtenu en 2013 la gestion de dix aéroports portugais, dont celui de Lisbonne, bradés trois milliards d’euros dans le cadre de privatisations massives.
Fin 2014, Vinci a répondu à l’appel d’offre de la sinistre « agence grecque des privatisations » (créée pour dilapider les biens publiques grecs au secteur privé) pour obtenir la gestion de 14 aéroports du pays. Le groupe français a finalement été devancé…par l’allemand Fraport. Évidemment ceci n’est qu’un exemple. Tous les secteurs potentiellement visés par les privatisations sont concernés : transports, énergie, distribution d’eau, littoraux, sites touristiques…
L’exemple de Siemens est également à relever, tant il est révélateur du pillage organisé de la Grèce – appuyé par la corruption des anciens dirigeants du PASOK et de Nouvelle Démocratie. L’entreprise allemande est accusée par la justice grecque et allemande d’avoir versé des pots de vin aux responsables politiques, militaires et administratifs grecs pour un montant d’environ 1 milliard d’euros. Une corruption généralisée afin de bénéficier de juteux contrats publics : système antimissiles, centres téléphoniques, système de sécurité « C4I » acheté à l’occasion des JO 2004, matériel pour les chemins de fer…le tout à des prix exorbitants, avec une partie des équipements qui ne fonctionnait pas.
Auteur : Faujour – Source : http://www.sinemensuel.com/
« L’Allemagne a bénéficié du plus grand effacement de dette après la Seconde Guerre Mondiale afin qu’elle se remette sur pied, avec le concours généreux de la Grèce. Or, c’est cette même Allemagne qui a accordé sa protection à des responsables d’entreprises coupables d’actes de corruption avec les précédents gouvernements et leurs partis politiques, comme Siemens, et elle les a protégés en les soustrayant à la justice grecque », a expliqué Zoé Konstantopoulou, présidente du parlement grec, lors de son discours au parlement concernant le projet soumis par le gouvernement aux créanciers le 11/07/2015.
Enfin, il serait faux de croire que les plans d’austérité ne profitent qu’aux firmes étrangères : ceux-ci intègrent des mesures néolibérales et des atteintes aux droits sociaux qui avantagent également les grandes entreprises grecques : réduction massive des salaires, réduction des impôts sur les sociétés, généralisation des stages longs et peu payés, réduction des allocations chômage, remise en cause des conventions collectives,…
L’Allemagne, grande profiteuse de la crise
L’Allemagne est l’état qui a le plus profité de la crise de l’euro et de la crise grecque. Elle bénéficie depuis le début de la crise de taux d’intérêt particulièrement bas vis-à-vis des autres pays de la zone euro, pour diverses raisons : politique budgétaire très stricte, main-d’œuvre peu payée, absence de salaire minimum, excédents commerciaux…autant de facteurs qui plaisent aux agences de notations, ces institutions financières privées, très critiquées pour leurs conflits d’intérêts avec les milieux financiers, qui décident des taux d’emprunt de chaque pays sur les marchés financiers.
Source : http://www.jeudi.lu/
En parallèle, l’Allemagne « prête » de l’argent aux pays en difficultés (Grèce, Irlande, Portugal…) à des taux plus élevés que les siens, empochant au final la différence. Des prêts qui ne sont, en réalité, que des placements lucratifs assortis de plans d’austérité imposés qui permettent aux firmes allemandes, elles aussi, de croquer une part du gâteau via les privatisations, les baisses de salaire ou les suppressions de taxes douanières.
Une situation « gagnant-perdant » qui explique en grande partie l’extrême rigidité de l’Allemagne vis-à-vis de la Grèce et son refus des plans de relance économique ou de toute solution qui permettrait au pays de retrouver une santé financière : annulation de la part illégitime, illégale et odieuse de la dette, taxation des capitaux, tranche d’impôts pour les plus fortunés, baisse des dépenses militaires, lutte contre l’évasion fiscale et la corruption, fin des grands projets inutiles et des contrats publics frauduleux avec les entreprises étrangères, etc. En effet, il est important de conclure sur cette affirmation : les solutions existent, mais le chemin que les créanciers font prendre à la Grèce en est l’exact inverse.
Sources : cadtm.org / alterecoplus.fr / latribune.fr / cadtm.org
A lire : Synthèse du rapport de la Commission pour la vérité sur la dette grecque
Image Une : http://blogs.wsj.com / GETTY IMAGES