La géoingénierie serait-elle la solution miracle pour freiner, voire inverser la hausse des températures ? En haute sphère, certains industriels aimeraient nous le faire croire. Dans son dernier épisode, intitulé « Dernier mirage avant la fin du monde », #Datagueule décortique les fausses bonnes solutions technicistes des apprentis sorciers du climat.
La série #Datagueule reprend du service pour le plus grand plaisir de nos neurones. Lancée il y a trois semaines, la nouvelle saison s’est d’abord intéressée aux questions liées aux inégalités avant de se pencher sur une problématique tout aussi actuelle, celle de la géoingénierie : les techniques permettant à l’Humain de modifier le climat à son avantage… Leur dernière vidéo donne du fil à retordre à celle et ceux qui prétendent que notre avenir résiderait dans la manipulation du climat. D’ailleurs, qui pourrait le penser ? si ce ne sont ceux qui ont tout intérêt à ne pas changer de modèle ? Pourtant, ces derniers ont le vent en poupe.
En effet, alors même que les émissions de gaz à effet de serre devraient encore croître en 2018 selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), en contradiction totale avec les préconisations du GIEC dans son dernier rapport, l’idée de recourir à des méthodes technologiques de grande échelle pour modifier le climat fait son chemin. Depuis 2013, le recours à ces méthodes est même évoqué dans de nombreux scénarios du GIEC, avec des réserves.
Mais concrètement, de quoi s’agit-il ?
Quand on entend parler de géo-ingénierie, c’est généralement autour de théories du complot qui postulent que des « méchants » répandraient aléatoirement du poison dans l’atmosphère à l’échelle mondiale pour réduire la population… Les fameux « chemtrails » ! Aujourd’hui, ces théories sont largement battues en brèche. Cependant, la géo-ingénierie n’en est pas moins une discipline réelle et reconnue depuis la 2eme guerre mondiale mais la réalité sur son utilisation est bien moins fantasmagorique. En 2015, Arte consacrait un long reportage sur ces techniques industrielles qui veulent aujourd’hui s’imposer parmi les « solutions » contre le changement climatique en dépit du bon sens.
Concrètement, on entend par géoingénierie l’ensemble des techniques qui ont pour objet la manipulation et la modification artificielle du climat terrestre, notamment pour contrecarrer les effets du réchauffement climatique ou provoquer artificiellement une météo locale déterminée. Ces techniques furent déjà utilisées par le passé afin de soutenir l’agriculture en cas de sécheresses ou pour des raisons de tactiques militaires. Des expériences ont par exemple été menées afin d’augmenter localement l’intensité des pluies sur les cultures. Mais désormais, les plus entreprenants veulent s’attaquer à l’équilibre climatique global. Et c’est là que le bât blesse.
Parmi les méthodes les plus souvent plébiscitées pour empêcher que la hausse de gaz à effet de serre ne rende la planète invivable, on trouve notamment la proposition d’injecter des aérosols réflecteurs dans l’atmosphère afin de renforcer son albédo (c’est-à-dire son pouvoir réfléchissant). D’autres suggèrent d’enrichir les océans en fer afin de favoriser le développement des phytoplanctons, des organismes végétaux capables de stocker d’importantes quantités de carbone. Dans tous les cas, chaque proposition gargantuesque génère des conséquences qu’il ne faudrait pas sous-estimer. Par ailleurs, celles-ci semblent beaucoup plus animées par le souhait de perpétuer notre modèle économique destructeur que de réelles intentions écologistes.
Par ailleurs, comme le rappelle l’équipe de #Datagueule, ces méthodes – elles mêmes gourmandes en énergie – n’ont pas démontré leur efficacité à grande échelle et elles auront sans aucun doute des effets non voulus à moyen voire à court terme, comme un déficit des pluies en certains lieux ou de nouvelles pollutions insoupçonnées. En d’autres termes, en tentant de manipuler les températures, on risque de bouleverser d’autres équilibres comme celui des courants marins, des précipitations ou de la circulation des masses d’air. Toucher aux températures sans effets indésirables est une mission quasi impossible.
Conclusion : la géoingénierie est une promesse hasardeuse, non seulement parce que les effets escomptés sont hypothétiques, mais également parce qu’elle insuffle une nouvelle fois dans le débat public l’idée qu’il n’y aurait que des solutions techniques à nos problèmes présents. Au risque de remettre à demain l’essentiel, puisque les émissions de gaz à effet de serre ne cessent d’augmenter, et ce en dépit de toutes les belles promesses. Or, la géoingénierie, qui procède une nouvelle fois de la volonté humaine de tout contrôler, pourrait bien accélérer des bouleversements de l’environnement provoqués par le développement de l’humanité. « La seule réussite de la géoingénierie semble d’éviter de remettre en cause ce qui fait tourner notre monde », résume #Datagueule. Vouloir perpétuer indéfiniment le business as usual, c’est sans doute là tout l’enjeu du débat…
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