En janvier 2018, la Chine interdisait l’importation de déchets recyclables. La conséquence immédiate fut un raz-de-marée de déchets dans les pays voisins, dont la Corée du Sud. Kwang-Pil Kim, un Coréen, a anticipé cette crise prévisible en créant en 2018 des pailles comestibles pour remplacer celles en dérivé de pétrole. Dans le mouvement des initiatives internationales contre la pollution, les alternatives au plastique à usage unique apparaissent comme des solutions prometteuses.
Passer des chaussures traditionnelles de mariage aux pailles comestibles était un défi de taille. Pourtant, le PDG de l’entreprise Yeonjigonji, Kwang-Pil Kim, l’a relevé avec brio. Basée à Séoul, sa société produit déjà, en ce moment, 500 millions de pailles comestibles chaque mois. Composées à 70 % de farine de riz et à 30 % de poudre de tapioca, elles sont les premières pailles comestibles à base de riz au monde. C’est un aliment apprécié en Corée, et même si elles sentent un peu le riz, leur utilisation n’altère pas le goût de la boisson.
Le concept est né d’une réflexion sur l’impact environnemental dramatique des pailles en plastiques. En Corée du Sud, 2,6 milliards sont utilisées par an, pour une durée de vie de quelques minutes seulement. Peu, ou pas du tout recyclées, à cause de leur petite taille, chacune d’entre elles va mettre 200 ans à se dégrader. Elles laissent des microbilles de plastiques dans la nature et surtout dans les océans, quand elles ne finissent pas leur route dans le gosier d’un animal marin.
Mangez votre paille !
Yeonjigonji voudrait augmenter le nombre de pailles produites pour pouvoir en faire baisser le prix. Actuellement, une paille de riz coûte encore 6 fois plus cher qu’une paille en plastique classique, ce qui freine les commandes. Capitalisme oblige, pour faire baisser les prix, la production est basée au Vietnam où la main-d’œuvre et les matières premières sont moins chères, mais aussi où le riz est moins collant et permet de fabriquer des pailles avec le minimum de désagrément possible. L’entrepreneur prévoit aujourd’hui de développer des tasses, fourchettes, cuillères, couteaux et sacs en riz mangeables ou biodégradables. La firme fournit déjà des cafés locaux, et a signé des contrats avec de grands magasins, des hypermarchés et des hôtels en Corée du Sud. Elle projette de s’étendre à l’internationale grâce à des contrats d’exportation avec sept pays, dont le Canada, Singapour et la Malaisie. Un développement à saluer ? Ou source éventuelle de nouveaux désagréments ? Difficile à dire à ce stade.
La fin de l’aberration du plastique à usage unique ?
L’entreprise de Kwang-Pil Kim veut produire dans le respect de l’environnement et s’inscrit ainsi dans un mouvement mondial de réduction des déchets et d’abolition des objets en plastique à usage unique. En réponse aux conséquences de l’interdiction de l’importation des déchets recyclables en Chine, la Corée du Sud a interdit les gobelets en plastique à usage unique dans les cafés et les établissements de restauration rapide. Avant cela, en octobre 2018, le Parlement européen a interdit l’usage du plastique à usage unique à partir de 2021. Mais des entrepreneurs n’ont pas attendu que les lois changent pour proposer leurs innovations. Ainsi, la start-up américaine Loliware propose un gobelet comestible depuis 2015, et lance elle aussi sa paille comestible en 2018. Fabriqués à partir d’algues et d’eau, leurs produits sont comestibles, compostables et biodégradables, mais encore difficiles à étendre au tarif de 10 dollars le pack de 10 pailles.
Pour ne produire aucun déchet, même biodégradable, beaucoup d’objets en plastique peuvent facilement se remplacer par des produits plus respectueux de la nature. Ainsi, les pailles en inox sont lavables et réutilisables, d’autant plus que l’on peut se passer totalement de paille. Pour la vaisselle en plastique, le mieux est de se faire prêter de la vaisselle lavable, mais il est aussi possible de louer ou prévoir des plats qui se mangent avec les doigts. Les plats à emporter ou les restes peuvent se transporter dans des contenants en verres, ou emballés dans du lin ou de la toile recouverte de cire d’abeille comme ce fut longtemps le cas dans certaines régions du monde, notamment au Japon avec le Furoshiki. Les cotons-tiges peuvent être substitués par un cure-oreille en bambou, très utilisé à l’origine en Asie. Les sacs réutilisables, les cosmétiques solides, les brosses à dents à tête changeable, tous ces produits de la vie quotidienne sont des alternative beaucoup plus durables dont la nécessité écologique est palpable. Mais ceci nécessite plus d’organisation, de simplicité volontaire et de remise en question. Peut-on atteindre une telle transition uniquement avec de bonnes intentions ? Difficile de le croire. Et pourtant, faute d’un changement politique et structurel profond, il convient d’agir maintenant, sans plus attendre.
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