Alors que des incendies font (encore) rage dans l’ouest américain, des scientifiques ont tenté de mesurer l’impact de la fumée qui encercle aujourd’hui plusieurs villes des Etats-Unis sur la santé des citoyens, et plus particulièrement sur le développement de la pandémie de Covid-19 au sein des territoires touchés. Le résultat de leurs analyses est sans appel : les incendies ont ainsi entraîné une hausse substantielle des cas de Coronavirus et provoqué des centaines de morts en 2020 dans plusieurs villes du pays. Alors que le continent américain, comme bien d’autres régions du monde, est en proie aux flammes depuis plusieurs étés consécutifs, le lien dangereux entre dérèglement climatique et crise sanitaire se révèle de plus en plus clair. L’activité humaine génère des boucles de rétroaction qui s’alimentent entre elles.
Dans certains comtés de Californie et de l’État de Washington, particulièrement touchés par les incendies de forêt l’année dernière, l’étude, publiée dans la revue Science Advances, avance que près de 20 % des cas de covid-19 étaient liés à des niveaux élevés de fumée dans l’atmosphère. Les chercheurs mettent également en avant un pourcentage encore plus élevé de décès lié à la fumée dans certains territoires. « Clairement, nous voyons que, dans l’ensemble, il s’agit d’une combinaison très dangereuse », a déclaré Francesca Dominici, professeur de biostatistique à Harvard et co-auteure de l’étude, dans les colonnes du Washington Post.
La côte pacifique américaine victime d’incendies ravageurs à répétition
Ces interactions nocives entre fumée des incendies et pandémie apparaissent dès lors comme « une chose vraiment effrayante, alors que nous continuons à faire face à ces incendies de forêt partout dans le monde », déplore la chercheuse. Et pour cause, pour les personnes vivant dans certaines parties de l’Ouest américain, la crise sanitaire n’était que l’une des catastrophes auxquelles elles ont été confrontées l’année dernière.
En effet, la côte pacifique américaine, en tant que l’un des points chauds (ou hotspots) du réchauffement, connait davantage de vagues de chaleur et d’incendies incontrôlables d’année en année. En 2020, la Californie était victime de cinq des six plus grands incendies de forêt de l’histoire récente de l’État, soit un groupe record de méga-incendies dans lequel l’actuel Dixie Fire s’est depuis frayé un chemin, atteignant la deuxième position du triste podium. Mais malgré les innombrables ravages écologiques et humains causés par le feu, il n’y a pas que les flammes qui soient dévastatrices, la fumée l’est aussi.
La fumée provoque une hausse des cas de Covid-19 et des décès liés à la maladie
C’est en tout cas ce qu’affirme les chercheurs de la prestigieuse Université d’Harvard dans leur étude publiée ce vendredi 13 août. Les résultats de leurs analyses ont permis d’établir un lien clair entre la surexposition aux particules fines due aux incendies et une hausse des cas et des décès liés au Covid. C’est alors plus 19 742 cas de coronavirus et 748 décès dus à la maladie qui auraient pu être évités sans les fumées néfastes causées par les flammes. Dans certains comtés des Etats de Washington et de la Californie, près de 20% des cas de Covid-19 étaient imputables à la mauvaise qualité de l’air née ainsi obeservée.
Pour arriver à ces conclusions, l’équipe scientifique a croisé données épidémiologiques, images satellites des incendies et capteurs au sol. Les chercheurs ont ensuite pris soin de corriger leurs données de certains facteurs de confusion tels que la météo, les tendances de long-terme, la mobilité ou la taille des échantillons, avant d’arriver à ce résultat stupéfiant qui offre « des preuves solides que les incendies de forêt ont amplifié l’effet de l’exposition à court terme aux PM2,5 sur les cas et les décès de COVID-19, bien qu’avec une hétérogénéité substantielle entre les comtés », assurent les auteurs du rapport.
Les particules fines en cause
Et l’explication de ce triste phénomène est simple : entre autres milliers de composés différents, la fumée des feux de forêt contient des particules (très) fines, aussi appelées particules en suspension. Mesurant 2,5 micromètres de diamètre, on les nomme plus communément les PM2,5. « Lorsqu’il y a plus de particules dans l’air, les microbes ont en fait plus de chances de pénétrer dans vos poumons », explique Irva Hertz-Picciotto, épidémiologiste de l’environnement à l’Université de Californie à Davis qui étudie les impacts sur la santé de la fumée des incendies de forêt.
Cette invasion déclenche alors une réponse immunitaire de l’organisme. Le système immunitaire étant déjà occupé à lutter contre une agression extérieure, il sera plus vulnérable face au risque d’infection du virus de Covid-19. Mais ce n’est pas tout, les PM2,5 attaquent également directement le système respiratoire supérieur, en inhibant en partie le processus d’expulsion des corps étrangers par certains organes, notamment le nez. « Il est ainsi très probable que les incendies de forêt, en augmentant massivement la quantité de PM2,5 que les gens respirent, puissent favoriser la transmission du virus » de Covid-19, conclut la chercheuse.
Un lien dangereux entre crise sanitaire et dérèglement climatique
Mais au-delà de l’aggravation de la pandémie du Sras-Cov-2, les autorités américaines de santé publique déplorent déjà bien d’autres effets sanitaires associés à l’inhalation de fortes doses de fumée. Les particules fines aggravent ainsi plus généralement toutes les affections respiratoires telles que l’asthme et les maladies pulmonaires obstructives chroniques. La présence longue et répétée de fumée dans l’air peut également avoir des conséquences sur la santé mentale, et déclencher par exemple des troubles de l’anxiété ou la dépression pour les citoyens qui vivent plusieurs semaines d’affilées sous une épaisse couche de brouillard.
Alors que les résultats de cette étude confirment une fois de plus les liens dangereux entre dérèglement climatique et crise sanitaire, il est urgent d’inverser la tendance et d’agir pour protéger la santé des personnes les plus vulnérables. D’après les prévisions du GIEC, les vagues de chaleurs et les incendies ne seront que plus nombreux et plus ravageurs encore ces prochaines décennies. « Étant donné que ceux-ci seront avec nous année après année, nous devons repenser beaucoup de choses à propos de nos filets de sécurité et de notre société dans son ensemble », conclut la scientifique américaine Hertz-Picciotto auprès du Washington Post.
L.A.