Il ne se passe plus un mois sans que l’impression 3D ne termine dans les journaux pour ses aspects révolutionnaires comme pour les craintes qu’elle inspire. A quoi devons-nous nous attendre pour 2015 ? L’année de la révolution dans le domaine de l’impression 3D ?
Cette innovation s’invite aussi bien dans les grosses industries que dans les petites associations citoyennes notamment à travers des dizaines de projets en crowdfunding, l’impression 3D devient doucement un vecteur incontournable d’une nouvelle économie. Avec un nombre d’acteurs en forte croissance, la Révolution de l’impression 3D a déjà eu lieu et continue d’avoir lieu chaque année.
En 2015, à quoi faut-il s’attendre ? L’impression 3D peut-elle faire encore mieux que l’année précédente ? Réponse en 6 indices.
1. Un bon de géant pour la médecine
Aujourd’hui, il n’est plus question de se demander s’il est possible d’imprimer des organes humains, mais bien quand ces organes seront disponibles au bénéfice de l’homme. Les chercheurs de 3D Bioprinting Solutions prétendent créer une première thyroïde transplantable imprimée en 3D courant 2015. D’autres organes, comme un rein fonctionnel, sont prévus courant 2018. Des millions d’individus meurent chaque année faute d’un donneur d’organe. Autant dire qu’il s’agit là d’un enjeu capital pour la vie de nombreuses personnes tout en endiguant le trafique d’organe.
L’impression 3D s’avère également utile pour produire des prothèses dans une foule de spécialités médicales, chez l’homme mais aussi chez les animaux ! Grâce à un cout relativement faible, il est possible d’adapter des solutions mécaniques solides aux spécificités d’un patient.
Prothèse 3D pour enfant amputé
2. La voiture 3D bientôt commercialisée
2015 ne sera probablement pas l’année de la révolution dans le domaine de la voiture « 3D » mais un premier prototype sera commercialisé courant de l’année. Là où se situe le grand changement c’est dans la rapidité de production. Là où il faut 44H aujourd’hui pour imprimer une voiture, il en faudra 2 fois moins d’ici un an selon le concepteur de la Strati. Entre 15 000 et 25 000 euros, le concept reste peu compétitif mais on parle ici d’un premier test. Chaque année le temps de construction baisse, les matériaux s’améliorent et le prix diminue. Cela nous indique qu’il sera théoriquement possible d’ici quelques années d’imprimer des voitures de qualité à petit prix et, espérons le, avec des matériaux durables. La Strati est déjà déclarée entièrement démontable et recyclable. Une technologie toute récente qui ne tardera probablement pas à « s’accoupler » avec des énergies propres.
“Il nous faut aujourd’hui environ 44 heures pour construire un véhicule par production numérique, explique Jay Rogers, PDG de Local Motors. Nous espérons, d’ici la fin de l’année, nous rapprocher des 24 heures, puis nous espérons ensuite pouvoir descendre encore jusqu‘à environ dix ou douze heures.”
3. Des machines à la disposition des locaux
Ici se situe un enjeu citoyen et écologique important. A ce jour, l’ensemble de la société est soumise à des multinationales surpuissantes qui ne donnent guère le choix quant à la manière de consommer. Par ailleurs, les logiques industrielles de production à faible qualité, polluantes et parsemées d’obsolescence « programmée » (ou non) poussent de plus en plus de citoyens à mieux consommer, à recycler et réparer. C’est ici que l’impression 3D intervient.
A disposition du citoyen, l’impression 3D peut s’avérer un outil de lutte incroyable en faveur d’une économie locale et collaborative. Premièrement, c’est la possibilité de produire des objets utiles, localement, avec un matériau recyclé ou durable (choix indépendant) à faible cout. Ensuite, c’est également l’opportunité de réparer une foule d’objets qui demandent parfois simplement une forme particulière et complexe. Enfin, c’est l’opportunité de développer un catalogue mondial d’objets libres de droits (open source et gratuits). Objets qu’il serait possible de créer, modeler, transformer, à terme, où que vous vous trouviez sur la planète. En d’autres termes, c’est la récupération citoyenne de l’outil, mais à un niveau de complexité supérieur. Rappelons qu’ à la Révolution industrielle, « l’outil » fut accaparé par le capital pour assujettir l’homme à des tâches répétitives où les notions de création et d’autonomie furent jetées à la poubelle.
En 2015, on prévoit donc l’apparition de photomatons 3D (dont le caractère risque d’être commercial) mais aussi des centres citoyens de création de type Fab Labs. Il sera possible d’y scanner et imprimer n’importe quel objet.
4. L’impression de « maison » abordable
C’est probablement dans le domaine du BTP que l’impression 3D se fera le plus remarquer. Elle inspire les pires craintes pour les travailleurs qui ont peur de perdre leurs fonctions, mais aussi le rêve pour une génération qui ne souhaite pas s’endetter à vie pour une habitation. En 2014, plusieurs projets se sont démarqués avec notamment ces 10 maisons imprimées en 24 heures en Chine, mais aussi une technique proposée par une société au Pays-Bas ou encore cette villa de 220m carrés avec piscine imprimée aux USA.
L’idée pourrait rapidement être récupérée par le secteur de la construction particulièrement intéressé par les avantages de l’impression 3D : rapidité, faible prix, peu de main d’œuvre, pas d’accident humain, possibilité de matériaux durables et d’autres… D’un point de vue économique, ce serait une révolution pour le consommateur. Un « gros œuvre » à faible cout mais durable, c’est aussi la possibilité d’investir davantage dans des finitions écologiques comme une pompe à chaleur, une éolienne, des panneaux solaires, une bonne isolation. Ces outils sont aujourd’hui souvent évités faute de moyens.
Si la technique d’impression 3D de maison en usine est déjà une réalité, 2015 verra peut-être le début des imprimantes 3D sur les chantiers. Nous garderons un œil attentif sur cette évolution.
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5. La guerre industrielle
Aérospatial, santé, alimentaire, mode, l’impression 3D trouve des applications dans tous les domaines de la société. De ce fait, les investissements des industriels se dirigent de plus en plus souvent vers cette méthode de production. Selon le cabinet McKinsey, d’ici à 2025, l’impression 3D devrait avoir un impact global compris entre 230 et 550 milliards de dollars. Une manne colossale qui sera inévitablement exploitée.
Le section des matériaux d’impression vont irrémédiablement connaître un boom dans les années à venir avec des spécialisations remarquables. On parle notamment de l’impression de composants comestibles mais aussi biodégradables.
Dans le domaine « pro », HP annonce la commercialisation en 2016 d’une imprimante 10 fois plus rapide, moins cher à l’achat et en consommable. Le secteur est donc obligé à rester très compétitif. On assiste à une véritable course du « plus rapide » coute que coute. A savoir qu’une imprimante professionnelle coute à ce jour entre 300 000 et 1 million d’euros. Réduire les coûts de production devrait permettre, à terme, de relocaliser les usines.
2015, c’est avant tout l’année ou plusieurs brevets clés de l’impression 3D viennent à expirer. Ceci devrait faire à nouveau baisser les prix et permettre « aux petits » d’investir dans un matériel performant. L’industrie va-t-elle en définitive se tirer une balle dans le pied ? Il faut l’espérer. Si les coûts diminuent au point de rendre une technologie de pointe accessible au citoyen, c’est probablement l’arrêt de mort de plusieurs pans de l’industrie des objets usuels. A suivre.
6. La face noire de l’impression 3D
Finissons par l’aspect le plus sombre de cette évolution. Comme toute nouvelle technologie, quand la bêtise humaine s’en empare, c’est souvent pour le pire. L’impression 3D ne fait pas exception avec une série d’individus qui tentent d’imprimer leur arme en 3D. Citons le cas de Cody Wilson aux Etats Unis ou bien encore les armes du Japonais Yoshitomo Imura.
L’arme de Yoshitomo Imura
Si un artisan peut créer une armes en quelques heures sans passer par cette technologie, ici, un citoyen lambda serait en mesure d’en faire de même de manière plus simplifiée. Il faut cependant relativiser cette réalité. L’impression 3D ne peut créer des composants spécifiques indispensables au fonctionnement d’une arme comme les ressorts, les balles ou les douilles. Tout au mieux, il est possible d’imprimer la carcasse d’une arme à un prix qui concurrence difficilement un achat direct légal ou non. Enfin, un criminel qui souhaite réaliser un méfait est le plus souvent en mesure de se fournir des armes sans devoir investir dans une imprimante à plusieurs milliers d’euros. Notons l’hypocrisie de vouloir s’attaquer à un outil universel aux fonctions multiples alors que l’industrie de l’armement tourne à plein régime sans l’ombre d’une critique systémique.
Une autre crainte largement répandue est « le chômage de masse » que provoquerait l’outil. En réalité, c’est une très bonne nouvelle. Tout travail ne crée pas de la richesse, tout au mieux, de la valeur d’échange. Depuis l’invention du couteau pour remplacer le silex, toute innovation fonctionnelle a pour objectif de libérer l’Homme de l’entropie, soit de la perte irrémédiable d’énergie qui nous tire vers la mort. Le travail permet de combler ses besoins, mais le travail nous permet chaque année (en théorie et toutes choses égales par ailleurs) de créer des outils pour nous permettent de travailler moins pour combler ces mêmes besoins. Malheureusement, l’accaparement des richesses, des terres et des outils n’ont pas réellement permis à l’innovation de libérer l’Homme de sa condition d’esclave. C’est donc la société dans son ensemble et les institutions, soit, nos choix collectifs, qui sont responsables d’un éventuel déséquilibre de distribution des richesses et non pas l’imprimante 3D qui n’est qu’un outil, comme le couteau.
En définitive, l’impression 3D risque de chambouler nos habitudes dans les années à venir, 2015 apportant son lot de surprises. On peut déjà tirer le constat que cette technologie est déjà accaparée par des logiques marchandes, mais elle l’est tout autant par l’économie collaborative pour construire un avenir serein. Une dualité qui risque de se préciser dans les années à venir. Pour le citoyen, l’outil semble autant une opportunité de nous libérer de l’industrie qu’un énième gadget polluant si détourné de ses fonctions utilitaires.
Source : Yoto 3D