Dans la nuit de dimanche à lundi, le Musée National de Rio de Janeiro et ses collections ont presque entièrement été détruits par un feu dont l’origine n’a pas encore été identifiée. Outre la perte inestimable, cette tragédie raisonne comme un avertissement, dans un pays qui souffre de l’austérité budgétaire et dans lequel l’abandon des politiques culturelles et sociales a été dénoncé à plusieurs reprises.
Des millions de pièces de valeur parties en fumée : l’essentiel des collections du Musée national de Rio de Janeiro ont été détruites dans l’incendie qui a frappé les bâtiments à la fin du week-end dernier. Il ne reste presque plus rien des salles consacrées à l’antiquité et à la paléontologie. Seule une annexe, contenant la collection d’invertébrés ainsi qu’une météorite de cinq tonnes, a pu être sauvée des flammes. La tragédie qui touche la science, l’art et l’histoire du Brésil au cœur signe la disparition de deux-cent ans de travail, une perte inestimable pour les chercheurs.
Le Musée National de Rio de Janeiro avait ouvert en 1818. Il contenait l’une des collections les plus importantes d’Amérique Latine. On y trouvait par exemple le premier fossile humain découvert au Brésil (Luzia, datée de 12 000 ans) ou encore la plus grande collection égyptienne du sud du continent américain. Les galeries comptaient également des collections de paléontologie et la bibliothèque du musée contenait 530.000 ouvrages.
Un drame pourtant évitable
Pour beaucoup, le drame aurait pu être évité si les moyens nécessaires avaient été mis à disposition par le gouvernement. Certains y voient donc comme une conséquence des coupes budgétaires répétées depuis plusieurs années et qui touchent presque tous les secteurs de la société. Symbole de ce manque de moyen, les bâtiments ne disposaient pas d’extincteurs automatiques et lorsque les pompiers sont arrivés, les bouches d’incendie les plus proches étaient vides, les obligeant à pomper l’eau depuis le lac le plus proche et rendant leur intervention lente et difficile. Les premiers rapports font état de la vétusté des installations : les salles ne disposaient pas de portes coupe-feu et les alarmes incendies ne fonctionnaient tout simplement pas. Le manque de moyens matériels semble donc avoir joué un rôle majeur dans le drame.
De nombreux observateurs ont ainsi dénoncé la politique du gouvernement et le peu d’importance qu’il accordait à ce bien collectif ainsi qu’aux autres infrastructures culturelles. Selon des commentaires issus de la presse locale, les bâtiments étaient dans un état de délabrement avancé, connu de tous. Depuis plusieurs années, l’urgence des travaux a été évoquée à plusieurs reprises, mais les promesses politiques n’ont jamais été suivies d’actes concrets. Priorité à l’austérité pour la collectivité. Dès lors ce drame pose inévitablement la question du rapport que « nous » entretenons – et voulons entretenir – aux biens matériels collectifs historiques et culturels.
Alexandre Keller, le directeur du Musée, a ainsi déclaré : « Il faut que la population soit indignée. Une partie de cette tragédie aurait pu être évitée. À présent, il faut agir ». Auprès de la chaîne TV Globo, Luiz Duarte, le Directeur adjoint, a fait part de son « découragement » et de sa « colère » face au drame. Il n’a pas hésité à fustiger le gouvernement et à rappeler que cela faisait plusieurs années que des moyens avaient été réclamés « pour protéger ce qui est aujourd’hui détruit ». En juin dernier, un plan de financement à hauteur de 4,5 millions d’euros et comprenant un système anti-incendie avait pourtant été voté. Mais aucune échéance concernant le début exact des travaux n’avait été précisée.
La culture et les politiques sociales, premières victimes de l’austérité
En période de « crise économique » (le Brésil est en récession depuis 2015), alors que les décideurs sont obnubilés par les chiffres de la croissance et du chômage au prochain trimestre, les politiques sociales et culturelles sont particulièrement délaissées. Ce sont les biens communs et les populations les plus démunies à qui l’ont fait porter le poids de la crise. Les plus pauvres sont les premières victimes des politiques d’austérité.
Depuis son arrivée au pouvoir il y a plus de deux ans, Michel Temer, le successeur de Dilma Rousseff, impose d’importantes restrictions budgétaires, réforme des retraites et privatisations à la clé. La culture, elle, a vu ses financements divisés par deux entre 2013 et 2017. Le drame, qui pourrait se reproduire ailleurs, était donc prévisible. Le pays est au plus mal alors que dans le même temps, le gouvernement a été accusé de corruption dans plusieurs affaires. Les appels à manifester se multiplient, mais peinent à rassembler à grande échelle.
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