L’association belge Intal, mouvement de solidarité internationale en faveur de la paix, plaide pour un embargo sur les armes entre la Belgique et Israël. Relais.
Pour rappel, l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 a causé plus de 1 400 morts et 130 personnes sont toujours retenues en otage. Depuis, la riposte d’Israël a engendré plus de 30 000 victimes supplémentaires. Cette réponse militaire du gouvernement israélien est désormais qualifiée de crimes de guerre, voire d’ « actes de génocide » comme l’a exprimé la rapporteuse spéciale pour les Nations Unis Francesca Albanese.
Alors que les affrontements se poursuivent à Gaza malgré l’adoption par l’ONU d’une résolution exigeant un cessez-le-feu et la libération des otages, de nombreuses voix s’élèvent pour arrêter d’alimenter l’opération militaire d’Israël. C’est notamment déjà le cas du Canada qui a annoncé ce 20 mars mettre fin à l’exportation d’armes vers le pays. Intal en appelle à faire autant à son pays, la Belgique. Voici leur appel.
L’appel d’Intal (International Action for Liberation) à la Belgique
Selon un sondage de YouGov, les trois quarts de la population belge souhaitent la fin du commerce d’armes entre la Belgique et Israël. Pourtant, les gouvernements de notre pays n’imposent pas d’embargo sur les armes à Israël. « Il est temps d’agir » , déclare Jasper Thys, membre de l’association intal Globalize Solidarity.
Depuis près de six mois, la situation à Gaza est effroyable. Les bombes israéliennes ont tué plus de 32 000 Palestiniens et 10 000 autres sont toujours portés disparus. Les infrastructures ont été complètement détruites et la bande de Gaza reste hermétiquement fermée au monde extérieur. Israël bloque l’accès à l’aide humanitaire, à la nourriture, à l’eau et au carburant et entrave les efforts des organisations humanitaires pour apporter ne serait-ce qu’une assistance minimale aux Palestiniens de Gaza.
Selon les Nations unies, plus d’un million de personnes sont au bord de la famine. Il s’agit du chiffre le plus élevé dans l’histoire de l’IPC, le système des Nations unies pour mesurer la faim et la malnutrition dans le monde. Antonio Gúterres, le secrétaire général de l’ONU, n’a pas mâché ses mots : « Il s’agit d’une catastrophe entièrement causée par l’homme, qui peut être stoppée immédiatement. »
Les armes occidentales alimentent la violence
Le gouvernement israélien ne veut pas arrêter les massacres et est soutenu par ses principaux alliés, l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Ils continuent d’alimenter la violence de guerre génocidaire israélienne par leur soutien diplomatique et leurs livraisons d’armes.
Les États-Unis ont accordé plus de 260 milliards de dollars d’aide militaire et économique à Israël depuis la Seconde Guerre mondiale. Depuis le 7 octobre, ils ont approuvé plus de 100 nouveaux contrats d’armement et fourni des milliers de missiles à guidage de précision, de bombes à faible diamètre et d’autres équipements militaires.
« 69% des importations d’armes israéliennes sont fabriquées aux États-Unis ».
Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), 69% des importations d’armes israéliennes sont fabriquées aux États-Unis. 30% des achats d’armes d’Israël proviennent d’Allemagne. Les exportations d’armes allemandes vers Israël ont été multipliées par dix en 2023 par rapport à 2022 et se sont élevées à 326 millions d’euros l’année dernière. La plupart des livraisons d’armes ont été approuvées après le 7 octobre. [ndlr. Voir l’enquête de Disclose : Guerre à Gaza : La France a fourni en secret des équipements de mitrailleuses à Israël »]
Belgique : plaque tournante du commerce d’armement
Début décembre 2023, De Morgen et Le Soir publiaient que le port d’Anvers serait une plaque tournante importante pour le matériel militaire allemand à destination d’Israël. La compagnie maritime israélienne ZIM, qui fournit des armes à Israël, y passerait chaque semaine avec un navire. L’année dernière, ZIM aurait transporté 246 tonnes de munitions et 20 tonnes de détonateurs vers Israël via Anvers.
L’aéroport de Liège aide également au transit d’armes vers Israël en permettant aux compagnies aériennes israéliennes El Al et Challenge Airlines d’effectuer des vols entre les États-Unis et Israël. Challenge a effectué huit vols aller-retour entre ces deux pays en novembre en faisant une escale à Liège. Le PDG a d’abord prétendu ne transporter que de la nourriture et des ambulances, mais a dû admettre par la suite que les avions de Challenge transportaient aussi très souvent du matériel militaire. Le 11 octobre 2023, le ministère israélien de la défense a fièrement partagé les images d’une livraison d’armes par cargo.
L’illégalité
Les cadres juridiques nationaux et internationaux sont clairs : le transit d’armes vers Israël est censé être illégal. En premier lieu, le traité des Nations unies sur le commerce des armes interdit expressément le transit d’armes vers les pays où existe un risque élevé que ces équipements soient utilisés pour commettre un génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre.
Par ailleurs, la Belgique et les régions disposent également d’une réglementation interdisant le transit d’armes vers Israël sur une base similaire. En effet, après l’opération israélienne « Plomb durci » à Gaza, les trois régions et le niveau fédéral, à l’initiative du ministre des affaires étrangères de l’époque Karel De Gucht, ont convenu « de ne pas délivrer de licences d’exportation d’armes qui renforceraient les capacités militaires des parties belligérantes ».
Ainsi, les exportations d’armes vers Israël sont interdites si l’utilisateur final est l’armée israélienne. Malgré cette position claire, une quantité non négligeable d’équipements militaires est toujours acheminée de la Belgique vers Israël. Depuis 2009, quelque 60 millions d’euros de licences d’exportation ont été délivrés par les trois régions à destination d’Israël, selon Vredesactie.
« Depuis 2009, quelque 60 millions d’euros de licences d’exportation ont été délivrés par les trois régions à destination d’Israël » – Vredesactie
Complicité de génocide
Fin janvier, la plus haute juridiction de l’ONU, la Cour internationale de justice de La Haye, a estimé qu‘il existait un risque élevé qu’Israël commette un génocide à l’encontre des 2,3 millions de Palestinien·nes de la bande de Gaza. Tant que notre pays laissera partir des armes vers Israël et tant qu’il continuera à acheter du matériel militaire à Israël, comme l’avait par exemple prévu le conseil municipal d’Anvers, nous responsables politiques seront complices d’un génocide et auront du sang sur les mains.
L’imposition d’un embargo militaire à l’encontre d’Israël ne se réduit pas à un simple choix politique : c’est une obligation légale découlant de la convention sur le génocide et du droit international.
Pourtant, nos politiciens font l’autruche et les gouvernements fédéraux et régionaux de notre pays se renvoient la balle. Au sein du gouvernement fédéral, le Premier ministre Alexander De Croo (OpenVLD) et la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib (MR) font obstacle à l’organisation d’une consultation sur la politique de commerce des armes à destination d’Israël entre le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux.
Ils constituent le principal obstacle à l’établissement d’un embargo total sur les armes à destination d’Israël. S’ils ont réussi à imposer un embargo complet sur les armes contre la Russie peu après l’invasion russe de l’Ukraine, cela doit également être possible pour Israël.
La pression fonctionne
Nous sommes conscients des pressions sociales auxquelles nos politiciens sont soumis, et il est clair que cette pression peut jouer un rôle crucial dans le changement. C’est le cas dans d’autres pays qui grâce à cette conscience collective, prennent des mesures dans la bonne direction.
Le gouvernement espagnol a annoncé qu’il mettait fin aux licences d’exportation d’armes vers Israël, et la société japonaise Itochu prévoit de mettre fin à son partenariat avec Elbit Systems, le plus grand fabricant d’armes israélien, dans les semaines à venir. Aux Pays-Bas, un juge a interrompu l’exportation de pièces de F-35 vers Israël, et en Allemagne, une procédure est en cours contre l’État allemand pour complicité de génocide.
Selon un sondage d’opinion mené par YouGov pour le compte d’Ekō, trois quarts des Belges interrogés ont exprimé leur opinion selon laquelle le commerce d’armes entre la Belgique et Israël devrait être interrompu.
« trois quarts des Belges interrogés ont exprimé leur opinion selon laquelle le commerce d’armes entre la Belgique et Israël devrait être interrompu. »
À travers le pays, des citoyens militent en faveur d’un embargo militaire contre Israël. Les parlements flamand et fédéral ont été le théâtre de perturbations, tandis que des activistes ont symboliquement présenté des mains « ensanglantées » devant les bureaux de ZIM à Anvers. Dans les villes de Louvain, Anvers, Gand et Bruxelles, des centaines de personnes ont déposé des plaintes contre le transit d’armes par les compagnies Zim, El Al et Challenge.
Il est impératif que nos dirigeants politiques passent à l’action au lieu de simplement exprimer des intentions louables. L’instauration d’un embargo militaire est une nécessité urgente, il doit être mis en place DÈS MAINTENANT !
Afin d’accroître la pression sur Hadja Lahbib et Alexander De Croo, Intal a lancé une pétition ici. Il est également possible de rejoindre la campagne d’intal pour un embargo sur les armes contre Israël.
* L’enquête montre que 74% de la population belge est favorable à l’arrêt des livraisons d’armes à Israël, dont 72% en Wallonie, 75% en Flandre et 73% à Bruxelles.
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Image d’en-tête : El-Remal à Gaza City après un bombardement israélien le 9 octobre 2023.