Selon l’enquête Il est temps, 55% des jeunes déclarent que leur avenir sera plutôt pire que celui de leurs parents et 60% déclarent que le monde sera moins bien dans 20 ans. À l’ère des bullshit job, de l’effondrement de la biodiversité, des influenceurs superficiels aux millions d’abonnés, des CDD renouvelables et autres joyeusetés du XXIe siècle, le Guide des paumé.e.s libère la parole sur un sujet encore tabou : la paumitude. Et si être paumé.e.s aujourd’hui n’était plus une honte ou le symptôme d’une flemmardise aiguë, mais plutôt un signe de bonne santé mentale face à un monde qui n’a plus de sens ? Ces interrogations ne font-elles pas plutôt de nous des êtres sensés dans une société qui donne largement de quoi nous interroger ?
Image : Steve Cutts
Alors que la génération des baby-boomers rêvait d’un CDI, d’une villa 4 façades et d’un chien labrador pour compléter le tableau, les jeunes adultes d’aujourd’hui se retrouvent dans un monde bien plus complexe qui leur laisse entrevoir un avenir plutôt incertain, voire inexistant si on en croit les collapsologues. Avec les crises économiques à répétition, la précarité du marché du travail, le dérèglement climatique et pour finir une crise sanitaire sans précédent, la génération Y se pose bien plus de questions qu’elle ne trouve de réponses.
Génération paumée
Entre des études que nous n’avons pas vraiment choisies, un bullshit job auquel on ne trouve pas de sens, un débat animé sur la surconsommation et notre mode de vie futile ou la vidéo poignante d’un ours blanc au milieu d’une banquise presque inexistante, nombreuses sont les voies qui menacent de nous conduire aujourd’hui à la paumitude. Mais alors que ce moment de flottement dans nos vies, d’interrogations suprêmes de notre être et de réflexions intenses sur le monde est rarement bien perçu par notre entourage et la société en général, Le Guide des paume.é.s nous invite à considérer cette période de bouleversement comme une opportunité de changement et de mise en action.
Lucie Chartouny, la co-autrice de l’ouvrage, explique elle-même avoir traversé cette période de transition : « avec Aurore Le Bihan et Simon Drouard, nous avons lancé la communauté paumé.es chez makesense en 2018 parce que nous étions nous-mêmes passé.es par cette phase d’errance et de quête de sens. Nous avions la conviction qu’en permettant à chacun.e de partager avec les autres sa paumitude, tous et toutes trouveraient individuellement et collectivement des éléments de réponses à leurs innombrables questions. » En seulement 3 ans, le message porté par l’association a manifestement fait mouche auprès des jeunes 18-35 ans, puisque la communauté s’est envolée : plus de 16 000 membres se retrouvent dans le groupe Facebook, 150 bénévoles organisent des apéros partout en France, un podcast éponyme comptabilise plus de 150 000 écoutes. « On a compilé tellement de matière pendant ces événements qu’on s’est dit qu’il serait bien d’en faire un jour un guide, » explique alors Aurore Le Bihan, l’autre co-autrice du livre.
Naviguer dans l’archipel de la paumitude
C’est ainsi que Le Guide des paumé.e.s voit le jour, un ouvrage sincère et drôle, qui à défaut de nous apprendre comment devenir riche avant d’avoir 30 ans, a le mérite de nous poser les bonnes questions, de nous proposer des ressources pertinentes pour déconstruire un modèle de société à bout de souffle et surtout…de nous faire sentir bien moins seul dans notre paumitude ! Le livre parcourt ainsi quatre domaines de nos vie (ou quatre îles) dans lesquels la paumitude nous guette : le travail, notre mode de vie, le rapport à soi et aux autres et enfin l’engagement. Navigant ainsi dans « l’archipel de la paumitude » , Lucie Chartouny et Aurore Le Bihan nous amènent à de nouvelles réflexions truffées de références pour aller plus loin, de témoignages d’inconnus ou de célébrités, de bonnes adresses et de questions qui nous aideront à bricoler notre propre boussole.
Ainsi, si être paumé nous apporte « une nouvelle lucidité face à un quotidien absurde, une nouvelle forme d’attention au réel et à ce qui se passe ailleurs », la paumitude s’incarne aussi dans « un sentiment de dépossession d’un ancien soi pour lequel tout était évident. En remettant en cause nos certitudes, la paumitude nous fragilise ». C’est cette ambivalence que les autrices ont remarquablement saisi et qui fait de cet ouvrage un véritable guide pour toute une génération. Aller vers soi autant que vers le monde, voilà sûrement la solution pour une vie plus sereine et alignée.
Aller vers soi autant que vers le monde
Même si notre cerveau demeure en ébullition et qu’il se pose encore beaucoup de questions, une chose devient certaine au terme de notre lecture : chacun et chacune, nous sommes forts d’un talent et d’une personnalité riche à apporter au monde et à sa transition. Et c’est peut-être cette certitude qui se révèle être la plus précieuse en fin de compte, celle qui nous permettra d’avancer dans la bonne direction, même lorsque le navire tangue et qu’une tempête nous menace.
Le penseur indien Jiddu Krishnamurti disait « ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade ». Le Guide des paumé.e.s l’a parfaitement bien compris et décide de faire passer le mot à toute une génération pour renverser la tendance. C’en est fini de se sentir impuissant et désabusé face à un monde en perdition, il est temps de se retrousser les manches et de prendre la place qui nous attend pour construire une société fertile, intelligente et résiliente !
L.A.
