La consommation en masse de pizzas industrielles participerait-elle à la disparation des hêtres ? Le lien est loin d’être évident, surtout lorsque l’on est habitué à se nourrir sans trop réfléchir à ce que contient notre nourriture. Pourtant, aujourd’hui, une pizza industrielle, ce sont des milliers de kilomètres parcourus par chacun des ingrédients (ainsi que des additifs alimentaires particulièrement nombreux) et, par conséquent, des émissions importantes pendant le transport. Face à cette réalité, le service public belge propose un court clip pour encourager chacun à privilégier une alimentation plus saine et locale.
En forêt de Soignes, « poumon vert de Bruxelles », l’hêtre est menacé de manière immédiate. L’arbre ne serait plus vraiment adapté aux températures actuelles. On prévoit d’ores et déjà de planter des espèces plus adaptées au changement climatique sur cet espace. Le phénomène n’est pas seulement local : en Creuse, en France, les pins corses remplaceraient désormais les hêtres. Mais quel est donc le rapport entre ces changements locaux et notre alimentation ?
L’exemple symbolique de la pizza surgelée
Une pâte composée de farine en provenance des États-Unis, de la sauce tomate chinoise, du fromage italien, du jambon de porc breton et de l’ananas mexicain : on ne peut que constater que les pizzas surgelées de l’industrie de l’agro-alimentaire n’ont que très peu d’italien, encore moins de local. Selon une étude de la Direction générale de l’agriculture et de l’environnement wallon, une pizza hawaïenne parcourt ainsi au total jusqu’à 21.000 kilomètres lorsqu’elle n’est pas produite à partir d’ingrédients locaux… Naturellement, le choix de la pizza est symbolique, étant un aliment très consommé et, de prime à bord, sans lien avec la pollution. Le constat concerne également de nombreux produits que l’on retrouve en grandes surfaces, et ce malgré des étiquettes qui suggèrent faussement que des aliments sont de provenance locale, comme le rappelait récemment Foodwatch.
Le problème ? La mondialisation de notre alimentation conduit à ce que les produits alimentaires parcourent des distances de plus en plus importantes avant de terminer dans nos assiettes. Et tout ceci dans un parfait mépris de la crise climatique. Leur empreinte carbone s’en voit considérablement augmentée, si bien que les circuits économiques en place contribuent aux pollutions environnementales globales et donc, entre autre, à accroître la menace qui pèse sur nos forêts composées de chênes et d’hêtres, « arbres à feuilles caduques [qui] peuplent les forêts tempérées d’Europe » et qui apprécient la fraîcheur. Si consommer local ne suffit pas à protéger ces derniers, les produits locaux pouvant être issus de l’agriculture conventionnelle (on remarquera que, dans une logique commerciale, les acteurs du secteur alimentaire sont désormais nombreux à entretenir volontairement une confusion entre « local » et « bio »), il s’agit d’un aspect auquel il est nécessaire de prêter attention pour réduire les émissions de gaz à effet de serre globales.
Une campagne destinée au grand public
La DG Environnement du Service Public Fédéral belge Santé Publique lançait le mois passé une campagne de courts clips vidéos diffusés sur les réseaux sociaux et accompagnés du hashtag #BeBiodiversity. L’objectif de ces clips informatifs à destination du grand public est de faire le lien entre nos consommations quotidiennes et la destruction de la biodiversité animale et végétale. Plutôt osé de voir une institution gouvernementale aller sur ce terrain qui continue de froisser une partie des acteurs économiques et l’opinion publique. Les auteurs des vidéos entendent par ailleurs sensibiliser aux services écosystémiques rendus par la nature et donc, par corrélation, au coût économique que représente de manière immédiate la destruction de l’environnement.
Avec cette campagne, La DG Environnement du Service Public Fédéral belge Santé Publique espère encourager les individus à interroger leurs consommations et à se tourner vers des produits plus éthiques. L’objectif est également de rappeler qu’il ne suffit plus de s’indigner devant des images tragiques d’animaux mourants ou de paysages dévastés, chacun ayant un rôle à jouer pour réduire l’empreinte écologique globale. Ne se suffisant pas d’en rester à l’échelle individuelle, #BeBiodiversity entend également adresser un message aux représentants politiques et aux industriels en leur demandant de mettre en place des mécanismes pour favoriser des consommations plus responsables. « Lancée le 21 avril 2017, la campagne de communication et de sensibilisation #BeBiodiversity a pour but de faire comprendre à tous les acteurs de la société l’urgence de la situation et de rassembler les citoyen-consommateurs, entreprises et pouvoir publics autour d’un même objectif : la préservation de la biodiversité », explique l’organisme.
Les modes de consommation en cause
La pizza surgelée est un exemple typique pour illustrer la difficulté qu’il existe à mettre en relation nos consommations et les conséquences environnementales qu’elles peuvent avoir. Parfois elles sont invisibles et difficiles à imaginer de manière concrète (par exemple pour internet). Dans d’autres cas, les répercussions sont tellement éloignées géographiquement – comme c’est le cas pour la destruction des forêts tropicales pour la production d’huile de palme – que nous ne nous sentons que peu concernés. Souvent, les deux phénomènes se cumulent.
Par ailleurs, dans le modèle économique actuel, les externalités négatives se répercutant sur les populations et l’environnement et non pas sur le prix de nos consommations, ce sont les biens industriels à fort impact qui inondent le marché, car leur prix défie toute concurrence. Ainsi, les dès du jeu sont pipés : la dictature du prix incite les consommateurs à précipiter la crise écologique. Les alternatives éthiques ont bien du mal à se faire une place dans ce contexte. Leur lente progression ne repose que sur l’engagement de certains, trop rares, mais bien décidés à faire de leurs consommations un levier pour construire un autre monde.
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