Va-t-on demain pouvoir manger nos emballages ? L’idée n’est pas strictement nouvelle, mais son application risque de se généraliser si industriels et consommateurs l’entendent de cette oreille. En Pologne, une jeune designer a créé des emballages alimentaires qui non seulement sont compostables à froid, mais sont aussi comestibles directement. « SCOBY » – le nom de cette matière – est fabriqué à partir de la fermentation de bactéries comestibles et de levures, et s’inscrit dans les nouvelles alternatives écoresponsables au plastique. Découverte.
La fermentation de bactéries et de levures…
C’est pour obtenir son diplôme de la School of Form de Pologne que Roza Janusz a mis au point une alternative aux emballages alimentaires en plastique : SCOBY, une membrane organique résistante qui peut se consommer ou se composter – au choix – après utilisation. La jeune designer a présenté pour son examen de fin d’études la membrane créée à partir de la fermentation de bactéries et de levures, processus qui se nomme « scoby » en anglais, d’où son petit nom. L’emballage est dédié à la conservation de la nourriture sèche ou demi-sèche comme des graines, des noix, des herbes ou des salades. De quoi définitivement en finir avec le plastique pour une large gamme de produits. En plus d’être écologique, SCOBY aurait aussi la propriété de pouvoir prolonger la durée de conservation de certains produits alimentaires.
Pour obtenir cet emballage alternatif, Rosa Janusz mène son processus de fermentation dans de petits containers, avec une atmosphère contrôlée à 25 degrés. Nourries par des déchets agricoles, les bactéries et les levures vont peu à peu créer le matériel organique, avant d’être déposées dans un moule. Cette chimie naturelle ne nécessite pas de lumière du soleil pour fonctionner. Une fois près, l’emballage SCOBY ressemble à un film fin et souple, comme on peut en trouver dans l’industrie du plastique. Il peut être produit dans n’importe quelle partie du monde, avec peu d’espace, et il est adaptable aux ressources locales. Ce qui, dans une application d’échelle, pourrait aider à réduire les émissions liées aux transports.
Potentialiser l’impact positif des emballages écologiques
Cette invention est loin d’être la première de ce genre. Par exemple, la designer Margarita Talep propose un matériel a base d’algues pour remplacer les dispositifs en plastique à usage unique dédiés à l’alimentation humaine. Souvent, ces idées font le « buzz » avant de tomber dans l’oubli : faute de moyen, faute de marché, faute de volonté politique. En effet, la production d’une telle matière à une échelle industrielle est nécessairement plus coûteuse que d’utiliser du pétrole dans des installations déjà existantes. Lais Roza Janusz persiste et croit en son idée.
La designer polonaise aimerait que non seulement les emballages ne polluent plus l’environnement et plus particulièrement les sols, mais qu’en plus ils l’enrichissent. En effet, SCOBY peu se manger, mais aussi se composter. Les bactéries qui la composent sont un nutriment bénéfique pour la croissance des plantes. Grâce à l’action de fermentation, la membrane possède un pH bas. De ce fait, en plus de protéger les aliments du contact avec l’oxygène, elle conserve les produits alimentaires plus longtemps et prévient le gaspillage de nourriture.
À ce jour, le matériel SCOBY se décline sous quatre formes : les plateaux, les sacs, les sachets et les bols, certes, dans un aspect encore très primitif et peu commercial. La société qui s’est lancée dans sa production souhaite le rendre à terme compétitif avec le plastique. Leur objectif de développement déclaré est de produire plus d’une tonne d’emballage par mètre carré, et cela entre 11 et 15 jours.
Comme tant d’autres, Roza Janusz est témoin de la transformation de notre environnement, donc de l’impératif de révolutionner l’industrie agroalimentaire en conséquence. Ces nouvelles « technologies » inspirées du vivant doivent investir l’espace productif, surtout à une échelle locale chez les « petits » producteurs. L’objectif de Roza Janusz est que son produit soit facilement intégré au processus de la production d’aliment, et ce même à un niveau industriel.
L’abandon du plastique à l’échelle industrielle
Selon une étude réalisée en 2016 par l’ADEME, 18 % des produits alimentaires seraient gaspillés chaque année. Et cela ne comprend pas les déchets alimentaires considérés comme inévitables tels que les peaux de bananes ou les coquilles d’œufs. Ne parlons même pas de notre gourmandise infinie pour le plastique qui ne semble pas faiblir en dépit des luttes contre les sacs. De plus, même en France les emballages plastiques sont loin d’être correctement recyclés, et ils sont encore trop nombreux à être enfouis, exportés en Asie ou dispersés dans l’environnement, et indirectement dans les océans.
En utilisant plus largement des emballages alimentaires écoresponsables, il est possible de limiter à la fois le gaspillage alimentaire en retardant la péremption des aliments, mais aussi de supprimer l’impact négatif du plastique dans l’environnement lorsqu’il n’est pas recyclé. Alors, pourquoi hésiter ?
Poussés par la conscientisation croissante de la population, les industriels vont-ils encore longtemps avoir le choix ? Rien n’est moins certain. Sans impulsion politique, ceux-ci risquent d’aller à la solution la moins chère aussi longtemps que les dérivés du pétrole seront disponibles. Certes, de plus en plus d’industriels développent des emballages alternatifs pour remplacer le plastique. Mais comment atteindre ce point de basculement dans les pratiques commerciales – globalement désintéressées des questions écologiques – au point de peser dans la balance de la crise écologique ? Aujourd’hui encore, la plupart des produits plastiques ne sont utilisés qu’une fois, avant d’être jetés. Les emballages alternatifs à partir de matières organiques ou de déchets, comme des feuilles mortes ou des algues représentent une opportunité certaine pour l’avenir.
Il ne s’agit évidemment pas d’une solution unique et miraculeuse. Les emballages en plastiques peuvent aussi se remplacer par des pots en verre récupérés d’autres produits alimentaires, et être utilisés pour les achats en vrac. Il en va de même pour les morceaux et les sacs de tissus, cirés ou non. Chacun peu explorer les alternatives qui lui conviennent le mieux, en parallèles des efforts des producteurs – sous la pression démocratique – pour proposer des contenants respectueux de l’environnement en urgence.
C.G.