Alors que d’année en année les campagnes se vident de leur vie, la protection de l’environnement ne peut plus souffrir d’exception selon le journaliste Fabrice Nicolino et le militant de la défense de l’environnement François Veillerette. Finis les compromis et les faux-semblants, argumentent-ils dans un appel qui réclame l’interdiction pure et simple des pesticides de synthèse. Voici leur appel.
L’appel « Nous voulons des coquelicots »
Les pesticides sont des poisons qui détruisent tout ce qui est vivant. Ils sont dans l’eau de pluie, dans la rosée du matin, dans le nectar des fleurs et l’estomac des abeilles, dans le cordon ombilical des nouveau-nés, dans le nid des oiseaux, dans le lait des mères, dans les pommes et les cerises. Les pesticides sont une tragédie pour la santé. Ils provoquent des cancers, des maladies de Parkinson, des troubles psychomoteurs chez les enfants, des infertilités, des malformations à la naissance. L’exposition aux pesticides est sous-estimée par un système devenu fou, qui a choisi la fuite en avant. Quand un pesticide est interdit, dix autres prennent sa place. Il y en a des milliers.
Nous ne reconnaissons plus notre pays. La nature y est défigurée. Le tiers des oiseaux ont disparu en quinze ans ; la moitié des papillons en vingt ans ; les abeilles et les pollinisateurs meurent par milliards ; les grenouilles et les sauterelles semblent comme évanouies ; les fleurs sauvages deviennent rares. Ce monde qui s’efface est le nôtre et chaque couleur qui succombe, chaque lumière qui s’éteint est une douleur définitive. Rendez-nous nos coquelicots ! Rendez-nous la beauté du monde ! Non, nous ne voulons plus. À aucun prix. Nous exigeons protection.
Nous exigeons de nos gouvernants l’interdiction de tous les pesticides* en France. Assez de discours, des actes.
*de synthèseExtraits de l’introduction du livre Nous voulons des coquelicots
« En cet automne 2018, il faut plus que jamais se dire la vérité. Après tant d’autres alertes, deux nouvelles fracassantes ont dominé les douze derniers mois. D’abord, les insectes. En octobre 2017, la revue scientifique PLoS One rapporte les résultats d’une étude menée en Allemagne. Dans 63 zones protégées. Des sortes de réserves. En vingt-sept ans, près de 80 % des insectes volants ont disparu – entre 76 % et 82 % selon les saisons. Quel mot employer? Il n’en existe aucun.
Six mois plus tard, en mars 2018, notre Muséum d’histoire naturelle et le CNRS publient des travaux montrant qu’environ un tiers des oiseaux de la campagne se sont évanouis en quinze années, et que ce rythme fulmineo et folgorante s’accélère. De nouveau, inutile de chercher quoi que ce soit dans le dictionnaire des humains. Le désastre est biblique.
Est-ce si étonnant que cela ? Tous les plus de 40 ans ont connu ces traversées de la France en auto où il fallait s’arrêter pour nettoyer les gras pare-brise où s’entassaient moustiques, abeilles et papillons. On s’arrêta moins, et bientôt plus. Comment avons-nous pu être aussi aveugles ? Comment avons-nous pu être à ce point imbéciles ?
Ces faits indestructibles ne sont rien encore, car il faut les traduire comme venant d’une langue étrangère. Cet effondrement en annonce fatalement d’autres. Il faudrait être d’une funeste constitution pour ne pas comprendre. La diminution fantastique du nombre d’insectes rompt, à jamais peut-être, d’innombrables chaînes alimentaires sur lesquelles reposent tant de formes vivantes. Les activités humaines elles-mêmes, on s’en rendra compte sous peu, ne peuvent se passer de nos alliés jusqu’ici dociles. Des milliers et des milliers d’espèces participent à la si complexe reproduction des végétaux, et leur départ définitif ne peut mener qu’à une question: qui pollinisera pour nous ? Certes, certaines plantes se reproduisent seules, ou comptent sur le vent ou l’eau pour disperser le pollen. Mais la majorité des espèces végétales ont un besoin proprement vital des animaux, au premier rang desquels les insectes.
Et il ne s’agit pas seulement des abeilles ! Outre les hyménoptères – abeilles, guêpes, bourdons, fourmis –, trois autres ordres sont à l’œuvre. Les papillons – et autres lépidoptères – ne se contentent pas de leur charme enivrant. Beaucoup travaillent pour notre compte, sans jamais se plaindre, sans même être considérés. Puis il y a les mouches et syrphes – les diptères –, qui pénètrent jusqu’au tréfonds des fleurs les plus petites. Enfin, les coléoptères, comme la cétoine dorée au dos vieux cuivre, qui passe sans se presser d’un sureau à un lilas, d’un lilas à une capitule de chardon.
Que serions-nous sans eux ? Mystère.
[…]
Les discours publics et politiques disparaissent à l’instant d’être prononcés. Les plans d’action pompeusement claironnés, comme ce ridicule Écophyto, coûtent cher et finissent toujours de la même piteuse manière. Et l’empoisonnement de tous s’aggrave.
Il faut donc autre chose. Tel est l’objet de ce livre-manifeste, qui accompagne un Appel et une mobilisation de tous qui pourrait durer un an, ou plus. Le but en est limpide : montrer que le peuple français, dans ses profondeurs, ne veut plus attendre ce qui ne viendra pas. Il faut, il nous faut obtenir l’interdiction de tous les pesticides, seule solution pour nos corps et nos esprits, seul espoir de retrouver oiseaux, abeilles et papillons.
Cet Appel n’a rien d’ordinaire, car il repose sur l’action de chacun d’entre nous. Ce n’est pas un mot. Partout en France, l’Appel doit être repris, recopié, répercuté jusqu’au fin fond du dernier hameau. Et ce ne sera encore rien, car c’est alors que tout commencera pour de bon. Chacun devra prendre les initiatives dont il se sent capable afin que des millions de Français s’approprient ce texte comme ils le veulent. Au travers de concours de boules ou de belote, par des rassemblements, des chorales sur les places, des fêtes de voisins, des plantations de fleurs ou d’arbres, des affichages sur les trottoirs, des amicales de pompiers, de policiers, de médecins, d’avocats, de sages-femmes, des prises de parole dans les quartiers, les prisons, devant les ministères, par des chaînes humaines de 10000 à 100000 personnes. Il n’est pas d’autre voie.
Cet Appel est un appel d’humains et ne regardera pas qui est qui, qui vote quoi, ni comment l’on pense. Car c’est un cri qui doit tous nous réunir. Ce n’est simplement plus possible. Nous ne voulons pas vivre sous la menace de tels périls. Nous voulons ardemment des coquelicots, et nous allons le montrer, pacifiquement, mais puissamment. C’est maintenant ou jamais.«
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Pour signer l’appel : https://nousvoulonsdescoquelicots.org/
Le livre : Fabrice Nicolino et François Veillerette, Nous voulons des coquelicots, Les liens qui libèrent, 2018.
Prix : 8 euros
ISBN : 979-10-209-0665-6
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