En ce moment même, des centaines de milliers d’enfants travaillent dans des exploitations de cacao, notamment, dont la production sera distribuée dans le monde entier. Peut-être, sans même le savoir, vos enfants prennent au petit déjeuner du cacao lié à l’exploitation d’autres enfants. Han de Groot, le Directeur exécutif de UTZ Certified, l’un des plus importants programmes de développement durable au monde pour le café, le cacao et le thé, exprime son indignation dans une tribune que nous vous partageons.
Pour que le cacao ne laisse pas un goût amer
Par Han de Groot, Directeur exécutif, UTZ Certified
En décembre 2014, Le Forum International des Droits du Travail (1) (The International Labor Rights Forum- ILRF) a publié un rapport selon lequel entre 500,000 et 1,5 million d’enfants travaillent dans les plantations de cacao en Afrique de l’Ouest. Ce rapport constitue l’une des nombreuses initiatives prises par les organisations mondiales pour lutter contre un fléau qui persiste dans l’industrie du cacao depuis des décennies.
Le cercle vicieux de l’extrême pauvreté des planteurs
Plus de 70% du cacao produit dans le monde provient des quatre pays d’Afrique: la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun et le Nigeria. Les fèves de cacao sont habituellement cultivées dans des petites exploitations familiales qui utilisent une pratique agricole à forte intensité de main-d’œuvre : plus de 7,5 millions de personnes y travaillent, selon un rapport de l’OECD (2), y compris les enfants âgés de 5 à 18 ans, surtout lors des pics de production.
Ces enfants sont exposés à de multiples risques : des outils dangereux, des produits chimiques hasardeux, les morsures d’insectes etc. En plus de ces risques physiques, ils sont contraints à sacrifier leur éducation au profit du travail dans les fermes et dans le pire des cas, les enfants sont également victimes de trafic.
Pour lutter contre ce problème, il est important de cerner sa cause fondamentale : la pauvreté des planteurs. Pendant les périodes où les prix du cacao sont bas, les revenus de nombreux producteurs, tombent souvent en dessous du seuil de pauvreté.
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Ils subissent également les contrecoups d’une faible productivité qui est généralement associée à de mauvaises pratiques agricoles. De même, les producteurs de cacao sont souvent vulnérables aux conditions météorologiques qui impactent la production. Et comme la plupart des petits agriculteurs n’ont pas accès aux crédits, il est difficile pour eux de faire face à des risques économiques et environnementaux. Ces conditions économiques non seulement les incitent à employer des enfants, qui représentent une main d’œuvre bon marché, mais perpétuent également la pauvreté en général.
A ces raisons économiques s’ajoutent des problèmes tels que le manque d’une éducation de qualité, de régulations gouvernementales ou de protection sociale pour les adultes.
Des initiatives à développer : vers le cacao vert et durable
Depuis quelques années, les différents intervenants dans la production du cacao se mobilisent pour une chaine d’approvisionnement saine qui utiliserait des pratiques durables et fournirait des conditions de travail sûres et pérennes.
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La certification pour une gestion durable de la chaîne d’approvisionnement
Les outils de certifications pour une production durable comprennent des règles ou des codes de conduites qui tiennent compte des normes environnementales et éthiques ainsi que des « bonnes pratiques agricoles ». Ils constituent ainsi un processus important pour vérifier que le cacao est produit en respectant les standards sociaux et environnementaux et que la chaîne d’approvisionnement répond aux exigences internationales. L’objectif d’une certification durable est aussi de rendre les planteurs plus résilients et d’accroître leur productivité à travers les programmes de formation. Il est important de noter qu’une augmentation des rendements a un impact direct sur le revenu net de l’agriculteur. Cet impact peut être assez important, étant donné que la plupart de ces petits exploitants ont des rendements relativement faibles et par conséquent des faibles revenus. Comme le prix “bord champs” est déterminé par le marché mondial ou fixé par les gouvernements, le moyen le plus efficace pour améliorer les revenus des agriculteurs sur le marché grand public est en améliorant la productivité et l’efficacité.
- Des initiatives multipartites pour renforcer les actions des acteurs locaux
Les programmes de certification seuls ne suffisent pas pour éradiquer le problème du travail infantile dans la production du cacao. Ainsi, même sur une ferme certifiée, il n’est jamais réellement possible de garantir à 100% qu’aucun enfant n’y travaille. Les gouvernements, les infrastructures, les services d’éducation et de santé jouent tous un rôle essentiel dans cette lutte. Pour éradiquer totalement le travail des enfants il est important que tous les acteurs et parties prenantes travaillent de concert.
Image : Make Chocolate Fair UK
Ainsi, la volonté collective et les actions concrètes de tous les intervenants sont nécessaires pour qu’il y ait un vrai impact. Les efforts sont en cours pour changer la situation. Les planteurs certifiés bénéficient d’une formation et obtiennent des rendements plus élevés. De plus en plus de coopératives sont créées et elles apportent plus d’avantages à leurs membres. Ceci dit, la pauvreté persiste. Certains villages manquent encore d’école. L’accès au marché reste restreint voire inexistant dans certains cas et les agriculteurs dépendent d’un très petit groupe de commerçants pour acheter leur production.
Développer un secteur du cacao plus durable est nécessaire et présente des avantages indéniables aussi bien pour l’industrie que pour les agriculteurs. Pour ce, il faut que les rendements augmentent et que surtout l’industrie s’engage à récompenser, promouvoir et encourager le commerce durable. Sinon, il n’est pas exagéré de dire que le chocolat va bientôt se transformer en un produit de niche et coûteux, et ne serait plus ce petit plaisir qui peut être apprécié tous les jours.
– Han de Groot
2 http://www.oecd.org/fr/csao/publications/49069871.pdf
Image à la une : International Labour Rights Fund