Publié le mercredi 5 juin, le nouveau rapport sur les riches en France délivre des données inédites sur les conditions de vie des plus nantis. Qui sont-ils ? Combien gagnent-ils ? Comment vivent-ils ? En levant le voile sur le mode de vie de plus de 4,7 millions de Français considérés comme « riches », l’Observatoire des inégalités s’intéresse de près au haut de la pyramide sociale, bien loin des clichés des ultra-riches, des grands patrons aux jeunes sportifs du ballon rond. On récapitule.

« Ce troisième rapport sur les riches en France est celui de la maturité. Il confirme l’intuition que nous avions dès la première édition en 2020 : connaitre le haut de la pyramide des revenus est tout aussi important que d’en décrire le bas », estime Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités. Publié ce mercredi 5 juin, cette nouvelle étude détaille sans langue de bois le profil et le mode de vie des 7,4% des plus privilégiés de la population française, rarement mis sur le devant de la scène publique.

En France, 9,1 millions de personnes vivent au dessous du seuil de pauvreté en 2021, soit 1 158 euros par mois pour une personne seule (données Insee). – Source image : Pixabay

Déterminer un seuil de richesse

Si le seuil de pauvreté monétaire est fixé depuis bien longtemps à 60% du revenu médian français (équivalent à 1930 euros / mois en 2021 selon l’Insee), aucun seuil de richesse n’a jamais été officiellement établi. Les statistiques publiques ou les sociologiques s’intéressent bien souvent à la situation des 10 %, des 5 % ou du 1 % le plus riche, mais le nombre de personnes riches ainsi calculé dépend alors uniquement de la population totale, variant au fil des évolution démographiques.

Pour l’Observatoire des inégalités, « on est riche ou pauvre par rapport à une norme de niveau de vie dans la société ». Le seuil de richesse, au même titre que le seuil de pauvreté, devrait donc être fixé selon le revenu médian, qui caractérise une sorte de « Français du milieu ». L’organisme indépendant explique :

« Nous avons ainsi décidé de le fixer au double du niveau de vie médian »

Quel revenu faut-il pour être « riche » ?

Pour une personne seule, le seuil de richesse serait ainsi atteint à partir de 3 900 euros par mois, 5 800 euros pour un couple sans enfant et 9 650 euros pour une famille avec deux enfants de plus de 14 ans. Loin de la vie de luxe décrite dans les magazines people ou les reportages sur le quotidien des ultra-riches, l’Observatoire dessine ainsi le portrait de 4,7 millions de Français, soit 7,4% de la population, même si cette catégorie rechigne à se décrire comme « riche ».

« Notre état des lieux déplait à une partie des membres des classes aisées qui trouvent que gagner 3 900 euros par mois, « ce n’est pas être riche ». Les critiques viennent autant de la droite que de la gauche, camp dans lequel on assume encore moins le fait d’appartenir au sommet de la hiérarchie sociale. Beaucoup voudraient s’en tenir à une poignée d’ultra‑riches, une bonne affaire pour les classes aisées, ainsi réunies avec le prolétariat… La vision élitiste de la richesse très largement partagée est une forme de protection pour ceux qui vivent bien », estime à ce titre Louis Maurin.

Synthèse par Timothée Parrique. Instagram.

Comment vivent les riches ?

Car appartenir à cette classe économique comporte de nombreux avantages : propriétés immobilières, logements plus grands, départs en vacances, services domestiques, choix du lieu de vie, loisirs à foison, soins dans des cliniques privées…

Premièrement, les conditions de logement distinguent nettement les personnes situées au-dessus du seuil de richesse. « 87 % des ménages riches sont dans ce cas, contre 58 % des autres ménages, selon les calculs de Vivien Charbonnet de l’Université de Tours ». Partout où ils vivent, les ménages riches ont un logement plus grand que leurs voisins. « Que ce soit dans l’agglomération parisienne, dans une grande ville de province ou à la campagne, un ménage riche dispose en moyenne d’environ 50 % de surface en plus que les autres ménages », relève le rapport.

Selon les données du rapport, les riches disposent de logements plus grands et d’un meilleur accès à la propriété que les autres ménages. – Source image : Pixabay

En outre, les biens immobiliers des riches ne se limitent pas à leur résidence principale. « Près des deux tiers d’entre eux possèdent un autre bien, contre seulement 22 % des autres ménages ». Finalement, « s’ils sont loin de tous loger dans des palaces ou des lofts immenses, les riches ont de quoi vivre de manière différente, par exemple la possibilité de s’isoler ou de recevoir chez eux, de disposer d’un confort complémentaire, un bureau, une place de parking, une terrasse, ou encore un jardin », résume l’Observatoire des inégalités.

Maitriser son temps et son espace

Deuxièmement, être riche donne aussi la possibilité de consommer des produits auxquels les autres n’ont pas accès, la voiture de luxe en tête. « Plus généralement, un niveau de vie élevé permet d’accéder à tout un univers de biens de qualité, de l’électroménager aux vêtements, en passant par l’alimentation ».

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Les riches sont également bien plus nombreux à accéder aux services domestiques (nettoyage, garde d’enfants, cuisine,…), se libérant ainsi un temps précieux pour d’autres activités, plus valorisées.

« Au-delà du fait d’acheter le temps de travail des moins bien lotis, les riches maitrisent ainsi mieux leur temps libre ».

Un niveau de vie élevé donne en outre la maîtrise de l’espace, avec la possibilité de se déplacer facilement et rapidement, dans des conditions plus confortables, notamment pour aller loin. « 11 % de la population prend l’avion de manière régulière (au moins deux fois par an) d’après un sondage de la Fondation Jean‑Jaurès, mais c’est le cas de 31 % des personnes de catégorie « aisée » qui vivent avec plus de 2 500 euros par mois pour une personne seule », estime le rapport.

Se déplacer plus loin et plus souvent pour les loisirs est l’apanage d’une franche aisée de la population, malgré les impacts environnementaux considérables que cela engendre. – Source image : Pixabay

Quand les capitaux économiques, sociaux et culturels s’emmêlent

Pour prolonger notre voyage au pays des riches, il faudrait « multiplier les dimensions », explique l’organisation. S’appuyant sur la théorie de capitaux de Pierre Bourdieu, l’Observatoire appelle à croiser un ensemble de données révélant le capital économique, certes, mais aussi le capital culturel et social de cette franche de la population.

« Ainsi, 16 % des cadres supérieurs ont assisté à un concert de musique classique dans l’année et 29 % à un concert de jazz selon l’enquête 2018 du ministère de la Culture, contre respectivement 6 % et 11 % de la population. Ces pratiques culturelles, très subventionnées, proposent des tarifs d’entrée équivalents, voire inférieurs, aux concerts fréquentés par les milieux plus modestes. C’est moins le revenu qui est en jeu dans ce domaine que la maitrise des codes culturels, le milieu social dans lequel on vit et notamment les habitudes prises dans l’enfance », illustre le rapport.


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En outre, il est de notoriété publique que les milieux favorisés disposent bien souvent d’un réseau d’amis plus large. Pour l’Observatoire, si ce constat ne s’explique pas seulement par leur niveau de revenus, les moyens financiers y jouent tout de même un rôle central en la matière : « seul 1 % des 20 % les plus favorisés indiquait ne pas avoir les moyens de recevoir des amis, contre 29 % des 20 % aux plus bas revenus, selon l’Insee (données 2019) ».

Si entretenir un cercle amical a l’apparence du désintéressement, cela induit pourtant de nombreux avantages, « sous la forme de coups de pouce et de renvois d’ascenseur, qu’il s’agisse de trouver un stage, un emploi ou un lieu de vacances, par exemple ». Autant de considérations nécessaires pour comprendre comment se tissent et s’entretiennent les inégalités structurelles qui fracturent notre société, et pourquoi pas, mieux les détricoter ?

– L.A.


Photo de couverture : Flickr

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