Petit carnivore de la famille des Mustélidés présent sur la quasi-totalité du territoire métropolitain français, le putois d’Europe est depuis 2017 classé comme espèce « quasi menacée » sur la Liste rouge des mammifères continentaux de France. À l’initiative de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM), une tribune publiée dans Le Monde[1] a récemment été signée par une centaine de scientifiques et personnalités engagées afin de solliciter l’inscription de cette espèce sur la liste des mammifères protégés en France. En effet, bien que ses voisins aient déjà pris des mesures pour la sauvegarde de l’espèce, le putois est toujours classé comme espèce « chassable » à échelle nationale et comme étant « susceptible d’occasionner des dégâts » dans les départements du Pas-de-Calais et de la Loire-Atlantique. Or, face au déclin inquiétant de sa population, seule une protection réglementaire du putois permettrait de mettre un terme au tuage de milliers d’individus issu de la chasse ou du piégeage et d’instituer des programmes ambitieux de conservation de l’espèce.
En 2017, la SFEPM publie un premier rapport documentant son déclin sur le territoire métropolitain français et introduit au bureau du ministre de l’écologie une première demande d’inscription du putois d’Europe sur la liste des mammifères protégés. Depuis, soutenue par toutes les instances scientifiques compétentes, le Musée national d’histoire naturelle en 2018, le Conseil national de protection de la nature et l’Union international pour la conservation de la nature en 2019, cette demande a été systématiquement remise au ministère de l’écologie. En vain… Malgré que le putois représente un intérêt marginal pour les chasseurs, son absence de protection peut notamment s’expliquer par une forte pression des lobbys de la chasse qui refusent de voir retirer le nom d’une des 90 espèces de gibier « chassable » , craignant l’ouverture d’une plus grande révision de cette liste.
Sans grande surprise, comme nous le fait remarquer Madame de Lacoste, rédactrices du plan de conservation 2021, « l’espèce n’est autorisée au piégeage que dans les départements où vivent le président de la Fédération des chasseurs et son second… Tout est dit ».
Début juin, La SFEPM réitère sa demande de protection du putois et publie un nouveau rapport[1] de 113 pages détaillant les mesures de conservation qui pourraient être mises en œuvre si le statut « d’espèce protégée » lui est reconnu. Bien que l’ensemble des mesures de conservation proposées ne relèvent en grande partie pas de sa compétence, seule la reconnaissance d’un statut de protection réglementaire par le ministre de l’écologie permettrait d’assurer la protection effective du putois en France.
L’actuelle secrétaire d’État en charge de la biodiversité, Bérangère Abba, a laissé sous-entendre une possible révision du statut « nuisible » du putois en 2022, sans garantir l’attribution d’un statut d’espèce protégée. Certes encourageante, cette déclaration qui n’engage à rien reste toutefois insuffisante pour assurer la protection du putois contre les nombreuses menaces auxquelles il fait face.
De nombreuses menaces…
Les causes du déclin du putois s’expliquent par une multitude de facteurs qui contribuent au recul de sa population en France[2]. La dégradation et la perte de ses habitats constituent l’une des principales menaces pesant sur la conservation du putois. L’exacerbation des activités anthropogéniques, notamment l’intensification des modèles d’agricultures industrielles et une urbanisation toujours plus croissante, conduit à une modification critique des habitats du putois, particulièrement en milieux humides et bocagers. En effet, avec la disparition des linéaires de haies, le recalibrage des cours d’eau ou encore le drainage des zones humides, le putois peine à se développer paisiblement et sainement dans son environnement. Par ailleurs, la perte directe de son habitat s’accompagne d’une fragmentation de son territoire et de sa population, ayant pour conséquence directe, la disparition de certains groupes d’individus et un appauvrissement génétique.
En plus d’également participer au morcellement de son habitat, le développement des infrastructures de transports et la densification des réseaux routiers se traduisent par la disparition des corridors de déplacement naturels du putois, et ainsi une augmentation conséquente de mortalité en raison des collisions routières.
Enfin, bien que constituant davantage une cause historique du déclin du putois, la chasse et le piégeage continuent de représenter une menace directe pour la conservation de l’espèce dans l’hexagone. Lorsqu’ils ne sont pas directement visés, les putois ne sont pas à l’abri des piégeages accidentels liés à la régulation d’autres espèces pouvant causer des dommages aux activités humaines, provoquant par ailleurs une diminution des populations de proies.
Malgré que des causes naturelles de mortalité existent, notamment la maladie de Carré, force est de constater que les activités humaines constituent la principale cause de la disparation de l’espèce. Dès lors, n’est-il pas temps de sérieusement envisager la reconnaissance d’un statut « protégé » afin de garantir une cohabitation harmonieuse entre nos deux espèces ?
Un plan de conservation pour sauver les putois
Afin d’assurer la restauration des populations de putois sur le territoire français, il est essentiel que le putois soit inscrit sur la liste des mammifères « protégés » pour notamment permettre l’interdiction de son piégeage et la mise en place de programmes de conservation. Outre cette demande d’inscription, la SFEPM propose dans son plan de conservation 2021 une série de mesures qui permettraient de garantir la préservation de l’espèce. Parmi les actions proposées, la restauration de son habitat et le développement de nouveaux corridors de déplacement apparaissent comme étant essentiels pour lutter contre les principales menaces. À cet égard, l’auteure du plan rappelle que la protection du putois pourrait avoir un effet « parapluie » et étendre son champ de protection à d’autres espèces, et ainsi garantir une protection plus large de la biodiversité.
La SFEPM insiste sur l’importance d’assurer un suivi effectif des individus, de communiquer plus largement sur l’espèce et de mener davantage d’études scientifiques afin de permettre une plus grande sensibilisation et connaissance de cette dernière. Un meilleur suivi pourrait par exemple permettre d’identifier les zones les plus sujettes aux collisions routières, et d’ainsi prendre en compte ces données dans les projets futures d’aménagement du territoire.
Dans le cas où la SFEPM ne parvient pas à obtenir la protection de l’espèce d’ici 2022, Madame de Lacoste et son équipe ne comptent pas renoncer à ce combat et continueront à porter ce dossier au ministre de l’écologie. Une pétition en ligne est disponible pour marquer sa participation à la protection du putois. Bien que l’aboutissement de cette campagne reste incertaine, Madame de Lacoste rappelle que « la France ne pourra pas éternellement continuer de piéger et chasser les putois alors que les populations déclinent. c’est en contradiction avec les textes qu’elle a signé à échelle européenne, notamment la Convention de Berne et la Directive Habitats » ,et que « plus il y aura de personnes investies sur cette question, au mieux on pourra faire bouger les choses ».
W.D.
[1] SFEPM, Plan national de conservation du Putois d’Europe (Mustela putorius) en France. Propositions à mettre en œuvre par l’État dans le cadre d’un Plan national d’actions, 2021, disponible sur https://www.sauvonslesputois.fr/espace-presse.html
[2] Ibid., pp 40 – 56, disponible sur : https://www.sauvonslesputois.fr/espace-presse.html
[1] X., « Biodiversité : « il faut inscrire le putois sur la liste des animaux protégés » in Le Monde, 31 Mai 2021, disponible sur :https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/31/biodiversite-il-faut-inscrire-le-putois-sur-la-liste-des-animaux-proteges_6082173_3232.html