Après diverses contestations dans plusieurs pays, la firme danoise Rockwool est confrontée à une nouvelle opposition à Soissons, où la multinationale souhaite implanter une usine fabriquant de la laine de roche. Particulièrement polluante et énergivore, l’installation promet des impacts environnementaux et sanitaires désastreux pour la région, en raison notamment des fumées toxiques rejetées par l’usine. De plus en plus d’habitants s’inquiètent des effets de ces pollutions, tout comme de nombreux scientifiques et médecins qui se joignent à la contestation. Dans un climat de tension croissante, tous appellent les citoyens à prendre part à l’enquête publique en cours, qui sera bouclée le 12 novembre.
La multinationale Rockwool est réputée dans le monde entier pour ses effets néfastes sur l’environnement. Royaume-Uni, Croatie ou encore Etats-Unis ; dans de nombreux pays où la firme est implantée, les populations locales sont contraintes de lutter contre les risques de ses installations pour leur santé. En Virginie-Occidentale, une usine d’isolation fait ainsi l’objet d’une enquête suite à des plaintes selon lesquelles elle aurait contaminé l’air et l’eau dans l’est de l’Etat. Certaines allégations pointent également des irrégularités politiques qui auraient conduit à l’approbation du projet. En conséquence, les défenseurs de l’environnement de la région exigent l’arrêt immédiat de la construction de l’usine, qui devrait ouvrir début 2021 dans le comté de Jefferson.
Rejet de fumées toxiques
La raison de ces multiples contestations est simple : chaque usine Rockwool représente un rejet massif et constant de gaz à effet de serre et de fumées toxiques. La multinationale continue pourtant à s’étendre, et souhaite aujourd’hui s’installer à Soissons, dans l’Aisne. S’il était question d’un report de l’implantation suite à la pandémie de la Covid-19, le projet, évalué à 130 millions de dollars, demeure bien sur les rails. Une nouvelle étape a d’ailleurs été franchie avec le lancement d’une enquête publique, qui s’achèvera le 12 novembre.
Mais l’arrivée de Rockwool dans la région a fait naître une importante mobilisation parmi les citoyens. Cette usine de production d’isolation à base de roches volcaniques sortirait 120 000 tonnes de produits isolants par an. L’entreprise met en avant l’opportunité économique que représente cette industrie, avançant le chiffre de 130 emplois créés. Mais selon l’association Stop Rockwool, le projet industriel pourrait au contraire s’avérer nuisible pour l’emploi sur le territoire. En effet, avec 40 hectares occupés, le rapport d’emplois par hectares s’avère relativement bas par rapport aux autres entreprises de la région.
Un produit fini potentiellement dangereux
Mais ce qui cristallise la mobilisation aujourd’hui demeure les risques importants pour la santé. Au vu de la géographie des lieux, les fumées de l’usine seront portées par les vents dominants vers Soissons, où les pollutions urbaines stagnent déjà dans la vallée. Avec des rejets toxiques estimés à 950 tonnes par an dont notamment 260 T d’ammoniac, 220 T de particules fines et 74 T d’oxyde de souffres, la situation a donc de quoi inquiéter les professionnels de la santé. C’est ainsi qu’un collectif de médecins a publié un manifeste pour s’opposer au projet, insistant notamment sur les risques de maladies cardio-vasculaires, d’accidents vasculaires cérébraux, de pathologies respiratoires et de cancers, sans compter la toxicité des métaux lourds qui n’est plus à démontrer.
Les émissions de CO2 promettent également d’augmenter considérablement dans le bassin soissonnais, avec de nombreux trajets de poids lourds par jour pour acheminer la matière première et écouler la production. Outre une consommation d’énergie considérable qui va accentuer la dépendance énergétique du territoire, le produit fini, la laine de roche, est lui-même dangereux pour l’environnement et dans une autre mesure pour la santé. Certains de ses composants sont cancérigènes tels que le liant à base de formaldéhyde qui entre pour plus de 25 % dans la composition. Les déchets issus des démolitions en fin de vie (25 ans en moyenne) sont classés comme dangereux et enfouis, le recyclage demeurant très largement marginal.
La pollution est inévitable !
Face aux contestation qu’engendre son projet, Rockwool se veut rassurant en répondant dans les colonnes de l’Union que « la bonne qualité actuelle de l’air du secteur est à préserver mais le projet s’insère en milieu rural, dans un environnement favorable à la dispersion des polluants, dans un secteur où est absent tout établissement sensible et qui se trouve éloigné des zones habitées. » La dispersion des polluants… Si l’entreprise admet à demi-mots la pollution que son usine engendrera, elle néglige pourtant sa proximité avec une agglomération de 70 000 habitants qui se trouvera sous les vents dominants.
Pour Thomas Leroux, chercheur au CNRS, « les substances qui s’échapperont des fumées retomberont, au moins en partie, dans la cuvette de Soissons, cela est inévitable : l’air de la ville va être dégradé ». Le scientifique, qui s’est positionné contre ce projet, explique que « les procédés de fabrication sont très polluants. C’est le résultat de l’industrie du pétrole et de la chimie, des secteurs qui font suffoquer la planète. Par définition, ce genre d’usine devrait être proscrit en tout lieu, étant donné qu’il contribue à la destruction des ressources, l’altération des milieux, enfin au réchauffement climatique. Dans le monde actuel, il devient aberrant de concevoir ce genre d’usines. »
Des tensions qui s’accentuent
Les positions divergent, et à l’approche de la fin de l’enquête publique, les tensions s’intensifient. Le maire de Courmelles, publiquement opposé au projet et qui récemment a appelé ses concitoyens à participer à l’enquête, a reçu une lettre de menace pour sa position sur l’usine. L’association Stop Rockwool continue pourtant de militer pour l’annulation du projet, avançant qu’il est essentiel de refuser ce mode industriel d’extraction pour lui préférer un modèle d’économie circulaire favorisant les ressources locales et la santé des habitants. La signature de la pétition et la contribution à l’enquête publique peuvent constituer des leviers importants pour les citoyens désireux de faire entendre leur voix.
Si l’isolation est de toute évidence une priorité pour lutter contre l’impact environnemental et la consommation d’énergie excessive des logements, des alternatives à la laine de roche existent et sont déjà mises en pratique. Des matériaux naturels et produits localement par des procédés bien plus écoresponsables, comme les fibres végétales, peuvent même avoir un impact environnemental bénéfique. Tant en matière de respect de l’environnement, de réduction des consommations d’énergies, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’amélioration de la qualité de l’air ou encore d’économie circulaire, ce projet semble parfaitement incohérent.
Raphaël D.