Au sortir de Noël, de nombreux écologistes ont sans doute une nouvelle fois subi les grands discours climatosceptiques de tonton Philippe ou de mamie Fernande lors du réveillon. Il a encore fallu endurer les diatribes sur le dérèglement climatique qui n’existerait pas et qui serait une invention des « bobo-écolos-terroristes » avec qui « on ne peut plus rien dire » ou « plus rien faire ». Déconstruction d’un déni bien pratique pour conserver son confort individualiste. 

Beaucoup d’entre nous ont fulminé, mais sont pourtant restés silencieux face aux millefeuilles argumentatifs de leurs interlocuteurs. Pour une prochaine fois – par exemple le Nouvel An ? – on vous liste les pires justifications des négationnistes du climat et comment y répondre.

#1 La terre a toujours connu des changements climatiques, tout cela est dans l’ordre des choses !

Il s’agit sans doute de l’argument numéro 1 que l’on entend à propos du dérèglement climatique. La planète aurait constamment subi des modifications de climat au cours de son évolution et elle s’en serait remise, tout cela ferait partie d’un cycle natureeeeeeel ! Fondamentalement, ce n’est pas complètement faux. Il est vrai que le globe a déjà enduré des bouleversements très violents au cours de son Histoire, comme les ères glaciaires notamment.

Néanmoins, depuis que l’être humain existe, il n’a jamais éprouvé de changement aussi brusque et surtout d’une telle fulgurance. Toutes les données scientifiques en attestent. Les climatosceptiques nous parlent par exemple souvent du Moyen-Âge qui aurait connu un épisode semblable à ce que nous vivons aujourd’hui.

Ce moment de l’Histoire a bien eu lieu, mais il était sans commune mesure avec ce qui se déroule de nos jours. D’abord, l’augmentation des températures n’était pas aussi haute ni aussi rapide. Et surtout, elle ne concernait qu’une petite zone du globe, et non l’intégralité de la planète. On peut d’ailleurs l’expliquer par une faible activité volcanique et une activité solaire intense qui ont pour effet de réchauffer le climat.

Le soleil, justement, est souvent désigné comme responsable par les sceptiques. Pourtant, s’il est vrai que sa puissance évolue selon un cycle d’environ onze ans, la variation de l’énergie qu’il transmet est à peine de 0,1 %. Impossible donc d’incriminer notre étoile de ce que nous connaissons depuis le début de l’industrialisation.

Le fondement du dérèglement climatique repose donc bien sur les actions humaines, en particulier par le biais de l’effet de serre. Ce principe physique de base est pourtant ignoré par bon nombre de contestataires. Lorsque l’on sait qu’en 2018, les gaz à effet de serre émis par notre espèce représentaient l’équivalent de 55,3 milliards de tonnes de CO², il n’y a guère de doute à avoir sur notre impact sur le phénomène.

#2 C’est un business monté en épingle par des lobbies et le GIEC est corrompu

Vous aurez beau brandir encore et encore les études du GIEC, les climatosceptiques vous rétorqueront toujours qu’elles ne valent rien et que cet organisme est au service d’un nouvel ordre mondial destiné à prendre le contrôle de la planète. Pourtant, si on y regarde de plus près, il est très compliqué d’imaginer que le GIEC puisse être corrompu. Et pour cause, il ne s’agit pas d’un groupement de personnes, mais de pays. À l’heure actuelle, il n’a pas moins de 195 nations pour membres.

Pour que le GIEC soit malhonnête, il faudrait donc qu’une entité supranationale mette d’accord des gouvernements aux intérêts aussi différents que Cuba, les États-Unis, la Chine, la Russie ou l’Ukraine. La thèse est déjà extrêmement peu crédible. Mais lorsque l’on sait que les rapports du GIEC sont approuvés par des États pétroliers comme l’Arabie Saoudite ou le Qatar, elle devient même complètement fantaisiste.

Par ailleurs, notons que les auteurs mandatés par chaque pays pour contribuer au GIEC ne sont pas tous les mêmes tous les ans. Ce renouvellement peut aller de 50 à 75 % selon les éditions. À supposer que tous ces auteurs et autrices soient corrompus par une seule et unique entité (on se demande bien qui et dans quel but), leurs travaux ont tout de même été ratifiés par les États.

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Si l’on doit dénoncer des lobbies dans cette affaire, il s’agirait plutôt de ceux qui défendent les grandes industries polluantes comme celle du pétrole. Penser que tous les gouvernements du monde valideraient le dérèglement climatique par pur intérêt économique est d’ailleurs un non-sens absolu.

Et pour cause, les solutions à ce problème se situent essentiellement dans le ralentissement de nos activités, le respect de la nature et la décroissance… Autant de comportements qui vont totalement à l’encontre des aspirations, privilèges et intérêts du néolibéralisme. Pourquoi diable des ultra-capitalistes iraient-ils inventer un phénomène qui met des bâtons dans les roues à leur machine habituelle ?

#3 Macron parle de climat, c’est bien la preuve que c’est une escroquerie

Certains n’auront pas manqué de remarquer que de plus en plus de néolibéraux, y compris Emmanuel Macron, évoquent très souvent le climat. Or, ces mêmes gouvernants n’ont cessé de mentir, trahir et maltraiter les peuples. Partant de ces constats, il est tentant de sombrer dans la facilité de remettre en cause tout ce qu’ils racontent.

Pour autant, si l’on prend le cas d’Emmanuel Macron, on peut observer que s’il parle beaucoup de réchauffement climatique, il ne fait rien de concret contre ce phénomène. Il a cependant bien compris que de plus en plus de Français avaient conscience de son existence et de sa dangerosité.

Lorsqu’il évoque le problème, il ne s’agit donc ni plus ni moins que d’une instrumentalisation. Comme les grandes entreprises, un nombre croissant de politiciens se sentent obligés de faire du greenwashing pour séduire un public plus large. Le sujet est d’ailleurs maintenant traité par tous les partis, alors qu’il était historiquement plutôt abordé par la gauche.

Cela ne signifie cependant pas dire qu’il n’existe pas. Il est absurde de renoncer à croire à la réalité de quelque chose simplement parce qu’un élu que l’on n’apprécie pas dit s’en préoccuper. En outre, lorsque le chef de l’état a assuré vouloir régler le problème du sans-abrisme, personne n’est venu déclarer que ce fléau relevait de l’invention.

#4 C’est un mensonge pour faire peur et instaurer un nouvel ordre mondial

De tout temps, de nombreux gouvernements dans le monde ont exploité les peurs collectives pour imposer des restrictions de liberté. Ce phénomène a d’ailleurs été théorisé par l’écrivaine américaine Noémie Klein dans son livre « la stratégie du choc ». En France, on se souvient par exemple que l’état d’urgence décrété après les attentats terroristes de 2015 s’était attaqué aux activistes écologistes.

Avec la crise du Covid-19 et les mesures qui en ont découlé, de multiples hypothèses plus farfelues les unes que les autres ont pullulé en ligne. La grande réinitialisation (great reset) fut l’une des plus discutées et plus fantasmées, notamment à cause du film complotiste Hold-up.

Alors qu’il s’agissait à la base d’un simple livre de planification économique visant à réinventer le capitalisme, il a été décrit par de nombreuses personnes comme un projet machiavélique pour un nouvel ordre mondial. On a même pu entendre que le but était d’instaurer une dictature verte. En réalité, nous avions surtout affaire à une énième fumisterie de greenwashing pour essayer de sauvegarder notre système et les modes de vie qui vont avec. Cette théorie a ensuite été récupérée par les milieux de droite dure pour masquer leur propre responsabilité dans la situation actuelle, mais elle ne repose sur rien de tangible.

On peut tout à fait discuter démocratiquement des mesures à prendre contre le réchauffement climatique, mais crier à la volonté d’instauration d’une tyrannie paraît ridicule tant les pouvoirs publics ne mettent pas grand-chose en place. Rappelons d’ailleurs que les autorités capitalistes n’auraient aucun avantage à imposer les actions nécessaires à ce combat (notamment la décroissance) puisqu’elles iraient totalement à l’encontre de leurs intérêts économiques.

Alimenter le fantasme de la potentielle « dictature verte » participe en réalité à préserver le fonctionnement du monde tel qu’il est et nous envoyer droit dans le mur. Le plus curieux c’est que ceux qui nous assurent que le dérèglement climatique est une escroquerie pour nous terroriser propagent eux-mêmes une théorie de la peur en nous expliquant que nous sommes menacés par une éventuelle tyrannie planétaire fomentée par un complot diabolique.

Pire encore, ils ne semblent pas avoir conscience que les instigateurs de ces théories sont de véritables profiteurs de crises. Les producteurs du film Hold-up avaient ainsi récolté plusieurs dizaines de milliers d’euros sur le dos de leur auditoire. Et c’est d’ailleurs souvent le cas de ces « lanceurs d’alerte » de pacotille.

#5 Il a fait moins trois la semaine dernière, où est le réchauffement climatique ?

Les personnes à l’origine de ce genre de remarques font une grave confusion entre la météo et le climat. Une température ponctuelle à un moment donné de l’année à un endroit précis n’est pas comparable à l’échelle globale de la planète et une longue durée. Pour étudier les évolutions du climat, les chercheurs se basent en effet sur des périodes d’au moins 30 ans.

De fait, ce n’est pas parce qu’il fait plus chaud en moyenne qu’il n’existera plus aucun épisode de froid nulle part au monde. Le mot « réchauffement » est d’ailleurs un abus de langage, il faudrait plutôt parler de dérèglement.

Et pour cause, ce processus peut entraîner des phénomènes météorologiques extrêmes dans les deux sens. Ces dernières années, tout le monde a ainsi pu constater des températures complètement anormales pour la saison. Sous nos latitudes, il serait par exemple compliqué de contester la raréfaction de la neige ou l’augmentation des sécheresses. Sur toute la surface terrestre, la multiplication des catastrophes naturelles comme les tempêtes, cyclones, inondations ou incendies peuvent également trouver leur source dans le dérèglement climatique.

#6 Quelques degrés de plus ne vont pas changer grand-chose

Là encore, la confusion entre la météo et le climat est grossière. Effectivement, sur une journée une augmentation de un ou deux degrés n’aurait guère de conséquences. Mais on traite ici d’un réchauffement global des moyennes planétaires. Lorsque l’on dit que la température moyenne de notre monde a évolué de 0,85 degré entre 1880 et 2012, on pourrait avoir l’impression que c’est négligeable. Même chose quand on nous parle d’une poussée de 2 ou 3 degrés d’ici 2100.

Et pourtant, les effets d’une telle hausse sont dramatiques. Il faut bien prendre conscience que deux degrés de plus d’ici la fin du siècle, ne veulent pas dire que nous allons passer de 20 degrés le 19 avril 2022 à 22 degrés le 19 avril 2100.

Au contraire, on pourra retrouver des températures bien plus élevées ou bien plus basses : une augmentation globale assez douce peut engendrer des variations immenses de manière plus ponctuelle. Ces « petits » degrés de différence vont même complètement bouleverser l’écosystème et mettre en danger notre propre survie.

D’autant plus qu’ils déclencheront des catastrophes en chaîne qui, elles-mêmes, aggraveront la situation. On peut penser à l’effondrement de la biodiversité, la montée du niveau de la mer, le dérèglement du cycle de l’eau (entraînant sécheresses et inondations), ou encore le péril de notre agriculture. Au bout du compte nous attendent famine, migrations contraintes et massives, guerres ou pandémies. Pas grand-chose, n’est-ce pas ?

#8 Il n’y a pas de consensus scientifique

Même si une étude de 2016 assurait que depuis 1990, 97 % des spécialistes du climat confirmaient l’origine anthropique du dérèglement que nous connaissons, la plupart des dubitatifs s’accrochent encore à l’absence de consensus. En 2021, une autre recherche démontrait que 99 % des articles scientifiques publiés depuis 2012 allaient également dans ce sens. Et peu importe si le GIEC a récemment garanti qu’il était certain à 100 % du phénomène.

Une minorité de personnes, en proie au biais de confirmation, préfèrent pourtant suivre la petite portion de scientifiques qui nient ce processus. Car, il existe effectivement des chercheurs qui refusent de reconnaître l’origine humaine du dérèglement climatique. Tous les ans, les conspirationnistes nous ressortent d’ailleurs une « tribune » ou 500 ou 1000 scientifiques dénoncent le sérieux du GIEC.

Évidemment, bien satisfaits d’avoir trouvé une caution à leurs théories du complot, ils ne vont pas aller enquêter sur ces savants. Une étude s’est pourtant penchée sur les travaux des 3 % de climatosceptiques de la publication de 2016. Il s’avère que l’intégralité de ces recherches comportait des erreurs de méthodologie, ignorant parfois, sciemment ou non, des données cruciales.

L’été dernier encore, une déclaration de « 1200 scientifiques de renom » et même « un prix Nobel » affirmait que le dérèglement n’avait rien à voir notre mode de vie. Mais à y regarder de près, on constate pourtant que la liste de signataires est composée de savants dont la spécialité n’est absolument pas le climat. Parmi eux, on trouve également des personnes en clair conflit d’intérêt, notamment des salariés ou ex-employés du géant du pétrole Shell. Un épisode qui n’est pas sans rappeler les études scientifiques bidonnées des années 50, subventionnées par les industriels, et qui remettaient en cause la dangerosité du tabac.

Pour d’autres, c’est aussi une simple volonté de chercher la lumière et la reconnaissance, voire de tirer un profit financier. Même si cela ne concerne pas que le climat, on peut citer Didier Raoult comme parfait exemple de ce type de comportement. Celui-ci s’est d’ailleurs étrangement positionné contre l’existence de l’origine anthropique du réchauffement climatique. De là à y voir un désir de flatter son auditoire habituel, très réceptif aux théories du complot, il n’y a qu’un pas…

#9 Pas grave, on finira bien par s’adapter

Il s’agit là d’une forme de déni bien particulière puisqu’elle consiste à minimiser la gravité de la situation. C’est d’ailleurs sur ce même type de réflexion que se fondent les croyances des fervents défenseurs du capitalisme. Il ne serait ainsi pas impossible de renoncer à nos modes de vie en développant de nouvelles technologies.

Pourtant, aucune technologie ne pourra transformer les ressources limitées de notre monde en ressources infinies. Le modèle du capitalisme vert, basé sur la croissance, n’a donc aucun sens. En ignorant les réalités matérielles de la situation, il participe sans aucun doute à une sorte de climatoscepticisme.

En outre, assurer que nous finirons bien par nous adapter parce qu’elle l’a toujours fait jusqu’à présent est un sophisme de première catégorie. Être certain que l’humanité puisse échapper au même sort que toutes les autres espèces qui ont connu des extinctions de masses simplement en raison de son intelligence très développée est d’une vanité très dangereuse.

Il faut d’ailleurs noter que nous dépendons totalement du reste du vivant. Nos facultés intellectuelles ne nous seront d’aucune utilité si elles causent la disparition de la quasi-intégralité de la biodiversité. Historiquement, les animaux, y compris l’être humain, se sont souvent adaptés aux changements climatiques violents par la migration. Or, à notre époque, les mouvements d’un pays à un autre sont loin d’être aussi simples que par le passé. Le risque de conflits armés est donc immense.

L’effondrement de la biodiversité tend d’ailleurs à prouver que l’acclimatation ne se fera pas si facilement. Le prix à payer en matière de morts pourrait être également très élevé. Quant à nos conditions de vie, elles pourraient se dégrader considérablement. Faire comme si de rien n’était en se persuadant que nous réussirons à nous adapter ressemble fort à la technique de l’autruche pour ne pas avoir à faire d’efforts ou à affronter la réalité. Il serait pourtant grand temps d’ouvrir les yeux.

– Simon Verdière


Photo de couverture : Image du film Don’t Look Up : Déni cosmique disponible sur Netflix

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