Inventé par l’ingénieur sénégalais Ousseynou Khadim Beye, Cross Dakar City est une application pour smartphone ou tablette qui souhaite dénoncer une réalité bien peu médiatisée : la vie des enfants talibés. À travers son héros Mamadou, elle s’assigne un but peu commun : sensibiliser au sort des ces nombreux enfants des rues du pays, exploités au profit de groupes religieux.

L’ONG Human Rights Watch estimait en 2010 à 50 000 le nombre de talibés au Sénégal (30 000 pour la seule ville de Dakar), c’est-à-dire d’enfants sans-abris qui mendient dans les rues des métropoles sénégalaises. Sous « tutelle » non-légale de groupes religieux, ils mendient toute la journée au profit d’écoles coraniques qui les exploitent. Officièlement considérés comme des élèves ou jeunes disciples étudiants le Coran, ils font aujourd’hui partie de l’environnement quotidien des urbains, qui s’y sont accoutumés et s’y intéressent fort peu.

Ingénieur au Sénégal, Ousseynou Khadim Beye a voulu user de ses compétences pour sensibiliser ses compatriotes au sort de ces jeunes à travers un curieux moyen : un jeu vidéo pour smatphone ou tablette, téléchargeable gratuitement, mettant en scène cette misère quotidienne. Le jeu s’intitule Cross Dakar City et le personnage, Mamadou, est un enfant des rues à la recherche de ses parents, qui doit surmonter les dangers de la ville à travers 16 niveaux de jeu.

Ainsi le voit-on, notamment, slalomer dans le grand chaos du trafic automobile… somme toute, dont la frénésie n’égale bien sûr pas la réalité bien pire. Ce faisant, le créateur entend faire prendre conscience des dangers auxquels ces enfants sont exposés, notamment en renvoyant vers la fiche Wikipedia « Enfants talibés du Sénégal », courte introduction à la question. Si le jeu pourra nous sembler « basique » au regard des grands classiques du genre, il joue un rôle pédagogique vital sur un sujet délicat que peu osent dévoiler par peur de représailles.

Le phénomène des talibés apparait comme une transformation d’une tradition, consistant à confier son enfant à des « maîtres éducateurs » religieux pour l’éducation, à une logique purement capitaliste. Dans les villes, le nombre de faux marabouts s’est multiplié créant un véritable commerce d’enfants où la recherche de l’enrichissement personnel des prophètes a remplacé la volonté éducative. Aujourd’hui, la pratique peut se définir comme une forme d’esclavagisme moderne. Certains de ces pseudo-maîtres coraniques vont jusqu’à battre à mort leur apprenti ou infliger des sévices sexuels aux filles.

La création de ce jeu d’intérêt public a notamment valu à son concepteur une nomination aux Bobs Awards 2016 de la Deutsche Welle dans la catégorie « Technologies au service du bien », qui récompense les meilleurs projets dans le domaine des médias dits « sociaux ». « J’utilise le jeu vidéo pour parler d’un sujet plutôt tabou au Sénégal : la mendicité des enfants. Je recherche un partenariat avec des ONGs et les pouvoirs publiques pour avoir des actions concrètes en faveur des enfants mendiants », affirme t-il.

téléchargement Android / téléchargement iOS / téléchargement Windows 10

2008_Senegal_TalibePORT© 2008 Thomas Lekfeldt / Human Rights Watch


SourcesFrance 24 / Bobs Awards 2016 / LaNouvelleTribune.info

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