Derrière les monstres du marché vidéoludique type Call of Duty ou Grand Theft Auto, on trouve quelques perles rares qui, en plus de nous amuser, nous questionnent sur notre humanité, triturent notre esprit au-delà du simple amusement. The Man Came Around sera-t-il l’un d’entre eux ? Développé en ce moment par un jeune français, le jeu de survie et fable politique vient de remporter largement sa campagne de financement participatif sur Kickstarter.
Un jeu inspiré des dérives de notre monde
Il faut dire que The Man Came Around a beaucoup changé depuis sa conception initiale. À l’origine, son créateur Thierry Brimioulle lui avait donné un tout autre nom : Into the Sky, une simple histoire de survivants d’un crash d’avion. Mais l’horreur de la crise des réfugiés syriens accompagnée des nombreuses perturbations politiques récentes sont venus mettre leur grain de sel dans la tête du jeune créateur et ont permis à Thierry de créer une toute autre histoire à base de gouvernement corrompu, d’émeutes et de répressions meurtrières, posant cette éternelle question : que ferrions-nous à place des protagonistes dans une situation de vie ou de mort ?
Ce jeu monochrome, aux allures minimalistes à l’ambiance pesante, propose une approche 2D aux décors réalisés en speed-painting. Une esthétique emprunte aux codes japonais. Minimaliste, oui, mais pour traiter d’enjeux tous sauf… minimes. Avec des thèmes abordés tels que l’exil, la lutte sociale et l’échec du système démocratique, ce jeu d’aventure est rempli de dilemmes moraux que devront affronter les personnages pour survivre. Des choix de l’impossible qui questionnent l’humanité du joueur.
Le but du jeu ? Aider cinq citoyens à fuir Occida, une des plus puissantes nations du monde qui tombe soudainement dans la dictature et devient le théâtre des affrontements entre The Many – une coalition progressiste – et un gouvernement devenu violent. Pour gagner et sauver les cinq citoyens, il faut les amener à traverser la Frontière Nord, solidement gardée et perdue aux milieux des montagnes. Le jeu nous prévient : « Faire ce qui est juste n’est pas sans risques, et de nombreux choix difficiles se poseront à vous. Sacrifierez-vous vos principes dans le but de survivre ? » Les différentes options de l’aventure deviennent autant de possibilités de se poser la question de la moralité de nos actes dans un contexte qui est une réalité aujourd’hui pour des humains dans le monde.
Comment en est-on arrivés là ?
Le jeu explore la faillite d’un système démocratique, rongé par la corruption et l’avarice, et pose la question : comment en est-on arrivé là ? Il nous amène également à nous questionner sur nos propres choix moraux et responsabilité dans les évènements : Sacrifier un membre, conclure des accords douteux avec l’ennemi ou laisser des innocents périr pour sauver sa propre vie… autant de choix impossibles qui auront une influence lourde sur la suite de l’aventure. Car, et c’est à souligner, le jeu ne met pas de côté la notion de traumatisme : Le stress et la culpabilité ont bien un effet sur la santé mentale des cinq citoyens, et donc sur la suite des évènements. Comme dans la vraie vie, chaque action a des conséquences, et, bien sûr, il est également question de l’importance de la survie de groupe : Une fois mort, les personnages le resteront ! Inutile de dire qu’il est nettement plus facile de tenter de finir le jeu avec toute l’équipe plutôt que quelques individus, chacun ayant ses propres avantages et défauts… Voilà donc un jeu novateur, qui nous entraîne dans une aventure qui ne manquera pas de mettre notre humanité à rude épreuve.
Changer les mentalités grâce au jeu ?
Pour autant, on peut tout de même se demander si c’est bien raisonnable de demander à un jeu d’endosser ce rôle ? Est-ce qu’un jeu vidéo peut vraiment participer à changer les choses ? Pour le concepteur, cela ne fait aucun doute : « Fin 2015, je me suis demandé ce que je pouvais faire pour avoir un impact positif sur le monde. J’ai, dès lors, décidé de relayer des valeurs progressistes à travers mes jeux. Pourquoi ? Parce que je crois qu’en réponse aux discours xénophobes et nationalistes qui fleurissent dans nos démocraties, nous devons proposer de meilleures alternatives et ce au plus grand nombre. Et le jeu vidéo est un excellent moyen de le faire, puisqu’il permet de présenter des problématiques complexes de manière interactive, et de mettre les joueurs face aux conséquences de leurs actes. »
Une belle évolution du monde du jeu vidéo, qui, il faut le dire, a vu fleurir quelques initiatives engagées qui ont le grand mérite d’exister et de titiller nos neurones. Donnons l’exemple de Papers Please, où le joueur a la responsabilité, comme douanier, de décider ou non de l’entrée des migrants. Entre obligations procédurales, peur de représailles de la hiérarchie et volonté de justice sociale, un choix cornélien s’opère face à la responsabilité de nos propres choix. Nous pouvons également citer les jeux This War of Mine ou bien Gods Will Be Watching – dont The Man Came Around s’est d’ailleurs inspiré -, qui nous placent tour à tour dans la peau d’un réfugié de guerre, ou d’un bon gérant de situations de crise… ou pas ! Dans la série des perles 2D, on citera enfin sans hésiter Braid et, plus rétro, Oddworld : L’Odyssée d’Abe. Quant à The Man Came Around, celui-ci semble intriguer les joueurs, la campagne de financement participatif ayant engendré plus de 10 000 euros de fonds pour son développement ! La sortie du jeu est à guetter sur le site officiel ou la page Facebook du studio.
Sources : Pipette Inc / Dossier de Presse / Lien de la Campagne Kickstarter /
Le Monde / Papers Please / Mediapart / Numerama / Psychomédia / Ina Global / Jeuxvideo.com (pour Gods will be watching) Jeuxvideo.com (pour This War of Mine)