Upside down : « Je pense que le ras-le-bol a été atteint »

Pendant deux mois du printemps 2018, l’artiste Belle Vilaine s’est glissée auprès des grévistes et manifestants dans les rues et hôpitaux, habillée d’un pull jaune et distribuant des fleurs. Elle nous propose désormais un clip dans lequel elle manie subtilement la voix et les couleurs, nous présentant des luttes sociales qu’elle voit converger. Échanges.

Mr Mondialisation : Bonjour Belle Vilaine, nous sommes tombés sous le charme de votre dernier clip. Pouvez-vous vous présenter ?

Belle Vilaine : Je suis « Belle Vilaine », jeune artiste musicienne de 23 ans, dans un style Indie-pop. Je compose et arrange mes propres morceaux, seule ou avec l’aide de quelques amis.

Dans mon travail, je veux délivrer des choses « vraies », autant dans le son que dans les paroles, qu’elles soient belles ou vilaines, sur un thème général ou plus personnel. J’aime flirter entre le « cute » et le brut, sans prendre de gants, tout en restant « border line ».

En tant qu’être humain vivant dans ce monde, j’y prends part et je souhaite faire de belles choses avec, c’est mon intention avec ce premier morceau « Upside down ».

Mr Mondialisation : Vous évoquez l’ « upside-down » dans votre clip. Qu’entendez-vous exactement par là ? 

Belle Vilaine : Upside down, c’est le monde à l’envers.

D’une part, on peut entendre par « upside down » que ce qui nous est proposé ne va pas dans le bon sens, plutôt une marche arrière qu’un progrès. D’autre part, on peut également l’interpréter comme étant un monde futur où ce seraient vous et nous qui prendrions les initiatives et où nous pourrions laisser de côté le syndrome de l’imposteur.

Le morceau ainsi que le clip contiennent d’ailleurs des références à plusieurs œuvres de pop culture sur ce thème. Vous pouvez par exemple retrouver le terme « upside down » dans la série Stranger Things, où ce sont les enfants et les ados qui prennent l’initiative. Dans le pont du morceau ont trouve un monologue de Tyler Durden dans le film Fight Club. J’invite d’ailleurs les auditeurs à trouver les autres références ainsi qu’un petit « fun fact » caché dans l’audio.

Crédit image : Ludovic Bourles

Mr Mondialisation : Justement, en tant que jeune, que pensez-vous des mouvements sociaux et des luttes présentes ?

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Belle vilaine : Je pense que le ras-le-bol a été atteint, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

J’ai l’impression qu’une effervescence s’est installée ces dernières années et qu’elle s’est accélérée et est devenue concrète face à la politique sociale actuelle. Personnel hospitalier, étudiants, retraités, cheminots, postiers, fonctionnaires, sans papiers et tant d’autres encore sont concernés. Si chacun a son combat, les objectifs sont similaires : améliorer la qualité de vie au quotidien. Et tous ensemble on peut accomplir beaucoup !

Les manifestations et diverses actions de ces derniers mois se sont déroulées dans la solidarité et l’entraide, mais les grands médias nous montrent principalement les images violentes, ou du moins celles qu’ils veulent nous faire voir. Dans mon clip, j’ai voulu rendre justice à ce mouvement et montrer l’entrain et la cohésion entre les personnes des différentes corporations. Je souhaite exposer la beauté et la puissance qui émanent de ce mouvement.

Mr Mondialisation : Quel regard portez-vous sur la société présente ?

Belle Vilaine : Je vois une nouvelle mentalité émerger chez les jeunes. Nous avons envie de faire les choses et de les faire bien. Écologie, humanité et entraide font sens pour les jeunes. Nous avons un regard bienveillant et nous voulons aider. Nous voulons faire avancer la société dans la bonne direction : l’aspect humain avant l’aspect financier.

Nous avons conscience qu’il faut agir de suite et non procrastiner comme on l’a fait en matière d’écologie par exemple. La prochaine génération, ce seront nos enfants, on veut leur donner un monde où il fait bon vivre, où l’on pourrait « planter nos légumes tranquillement ». Nous avons conscience de la chance que nous avons d’être nés dans ce pays, mais certains veulent aujourd’hui nous priver de certaines de ces chances et fermer la porte aux autres. Pour citer un certain Tyler Durden : « Nous n’avons pas connu de grande guerre, notre guerre à nous est spirituelle ».

Crédit image : Ludovic Bourles

Mr Mondialisation : Comment articuler ces propos avec un travail d’artiste engagée ?

Belle Vilaine : En tant que jeune artiste indépendante, j’ai fait avec ce que j’avais et mes petits moyens.

Le climat social en France au moment où j’ai composé ce morceau a élargi mes idées pour ce projet. D’un morceau qui tenait au départ davantage du ressenti plus personnel d’une jeune fille en quête de sens pour sa vie, je suis passée à un message plus large.

Avec « Upside down » le but est d’envoyer un message d’espoir et d’amour, représenté par les fleurs, le tout dans une atmosphère pacifique et bienveillante. Ce clip est le fruit de deux mois de tournage intensif réalisé au sein même de manifestations, de facs et d’hôpitaux. Ce travail a été pour moi la possibilité de montrer ce mouvement avec un autre regard, il m’a aussi permis de grandir en tant que jeune femme.

Concernant ma touche artistique j’essaie de mettre de l’impertinence dans la pertinence. Comme je le disais plus haut j’aime flirter avec les limites, jouer avec les contrastes.

Mr Mondialisation : Quels sont vos futurs projets ?

Belle Vilaine : Je ne fais pas que des morceaux à message engagé. J’ai déjà mis diverses reprises d’autres artistes sur ma page Facebook qui sont davantage un témoignage de mon univers visuel et musical (même si parfois j’en profite pour glisser un petit clin d’œil à l’actualité, comme dans ma cover de Melancholy Hill de Gorillaz !).

Je pense être une artiste qui s’engage plus qu’une artiste engagée, dans le sens où ma priorité est de faire de la musique que j’aime et qui parle de ce qui compte pour moi. Cela n’exclut pas de prendre parti parfois et de me servir de la musique pour soutenir une cause qui me tient à cœur.

Pour le futur, j’ai un projet de cover sous forme de vidéo clip pour dénoncer la pollution des plages et des océans. Il sortira cet été. J’ai également envie d’élaborer prochainement un autre projet musical pour dénoncer le sexisme et la présence encore trop marquée du patriarcat dans notre société. Je parlerai également du sujet encore trop tabou que sont les « ragnagnas ».

Et si tout va bien, je compte sortir fin 2019 un EP qui sera un peu plus personnel !

Crédit image : Ludovic Bourles

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