Dans la région de Chui, le plus grand refuge extérieur au monde pour les léopards des neiges est situé à deux heures de route à l’Est de la capitale kirghize, Bichkek. Dans cet espace hors du temps, rien n’a plus d’importance que la cohabitation et le respect d’une espèce unique. Reportage Photo. 

Le centre de réhabilitation et d’éducation environnementale NABU (Union allemande pour la conservation de la nature) est un établissement unique au Kirghizistan, et a une longue histoire.

Son site de Suuluu-Terek, lui, n’a ouvert ses portes qu’en 2022. Mais il recueille déjà les animaux sauvages qui y sont soignés et, si possible, relâchés dans la nature. Si les animaux sont gravement blessés et ne peuvent plus survivre dans la nature, ils restent en permanence sous la garde du NABU.

Un animal sacré dans un pays sacré

Le lac Ala-Kul est situé à 3600m d’altitude. Photographie : Pascale Sury

Le Kirghizistan qui signifie « le pays des Kirghizes » est un petit joyau enclavé au milieu de l’Asie centrale. Traversé par les Monts célestes, ce petit pays montagneux abrite de grands espaces sauvages imprégnés d’une culture nomade millénaire.

Après le Tadjikistan voisin, le Kirghizistan est d’ailleurs le pays dont l’altitude moyenne est la plus élevée au monde, à près de 3000 mètres au-dessus du niveau de la mer.

« le nombre de léopards des neiges a diminué de moitié au cours de ces deux dernières décennies ».

Au Kirghizistan, le nombre de léopards des neiges a diminué de moitié au cours de ces deux dernières décennies. Aujourd’hui, on en compte entre 200 et 400. Afin de protéger ces félins, NABU-Kirghizistan a ouvert les portes en 2022 d’un centre de réhabilitation pour ces animaux uniques. 

Quelques mots sur le léopard des neiges

Surnommé le « fantôme des montagnes » en raison de sa nature insaisissable, le léopard des neiges compte parmi les espèces les plus emblématiques des montagnes d’Asie centrale. Sa fourrure épaisse aux taches sombres change de couleur en fonction des saisons. Cela lui permet de se fondre dans le paysage et de guetter ses proies en toute discrétion.

Si pour nous humains, il est difficile d’apercevoir un léopard des neiges, il en est encore plus pour ses proies. Il vit à de hautes altitudes, le plus souvent entre 3 000 et 4 500 m, mais on l’a déjà observé à plus de 5 500 m dans l’Himalaya.

Ce félin est l’une des espèces les plus rares au monde. Discrète et solitaire, cette créature énigmatique ne se laisse que difficilement observer – d’où son surnom.

Kolijuchka est une des résidentes du centre. Photographie : Pascale Sury

Le léopard des neiges mesure environ 1,30 mètres de longueur à l’âge adulte (sans compter la queue, qui peut mesurer jusqu’à 1 mètre), pour un poids d’environ 30 à 55 kg. Sa hauteur au garrot est d’à peu près 60 cm. Les mâles sont généralement plus imposants que les femelles.

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Sa morphologie robuste est particulièrement bien adaptée à son habitat escarpé. Il est en effet doté de pattes courtes et puissantes, qui lui permettent de faire des bonds prodigieux, ainsi que de pieds larges qui l’aident à se déplacer facilement sur les pentes rocailleuses. Ses caractéristiques physiques permettent à la panthère des neiges d’évoluer sans peine dans un environnement hostile et de se déplacer avec une agilité remarquable sur des terrains très abrupts.

Mesurant près de la moitié de son corps, sa queue a une double fonction : elle lui permet de garantir son équilibre sur les pentes escarpées, mais constitue aussi une source de chaleur en hiver, car elle s’en sert alors comme d’une couverture.

L’habitat de la panthère des neiges

Le territoire de la panthère des neiges est extrêmement vaste : environ 1,8 millions de km² répartis en Asie centrale, en Sibérie et dans la chaîne de montagnes de l’Altaï. On la trouve notamment en Afghanistan, au Pakistan, en Mongolie, en Chine, en Inde, en Russie et au Népal.

Si son territoire est très étendu, sa densité de population en revanche est très faible, avec en moyenne un individu pour 100 km². Plus les proies sont rares dans une zone donnée, plus le territoire de la panthère des neiges est vaste, car cette dernière est alors contrainte d’étendre son terrain de chasse pour trouver de quoi se nourrir.

Quel que soit le pays, la panthère des neiges vit en altitude, sur des territoires montagneux. Elle élit domicile dans une cavité rocheuse et y vit seule. La femelle demeure avec ses petits pendant près de deux ans. Les individus ne se rencontrent que rarement.

La panthère des neiges vit en altitude, sur des territoires montagneux, escarpés et rocheux. Photographie : Pascale Sury

Une mesure audacieuse pour protéger le léopard des neiges

Au Kirghizistan, le léopard des neiges est sur la liste rouge des espèces en voie d’extinction selon le classement de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et du WWF. Ce classement est le résultat de la chasse illégale et du braconnage. En effet, une peau de léopard des neiges qui se vend à environ 10 à 15 000 dollars sur le marché clandestin de fourrures est une véritable mine d’or pour les braconniers.

En 2013, 12 États de l’Asie centrale et de l’Asie du Sud dont le Kirghizistan, se sont engagés à protéger les léopards de neiges ainsi que les massifs montagneux de l’Asie qui sont leur habitat. Cette initiative a pour but de protéger une vingtaine de zones accueillant plus d’une centaine d’adultes reproducteurs, tout en faisant la promotion d’activités économiques compatibles avec la présence du Léopard des neiges.

Un centre de réhabilitation a ouvert ses portes en 2022 dans la région de Chui. Photographie : Pascale Sury

A propos de NABU

NABU travaille à la recherche sur la faune sauvage, à la lutte contre le braconnage, l’éducation environnementale et la réhabilitation des animaux sauvages. Depuis 125 ans, NABU protège la nature : anti-braconnage, éco-éducation, surveillance, réhabilitation… 

NABU-Kirghizistan prône le respect de la faune sauvage. Enseigner les principes écologiques de la vie en harmonie avec la nature, étudier et préserver la nature sauvage « pour l’homme et la nature », tel est leur objectif.

L’organisation allemande ONG « Union allemande pour la conservation de la nature (NABU) » a commencé son travail de protection de la faune sauvage au Kirghizistan en 1994. Ensuite, la NABU a été l’un des initiateurs et organisateurs de la première conférence d’Issyk-Kul sur la création d’une réserve de biosphère.

Au cours des trois années suivantes, des programmes de préservation de la nature du territoire de la biosphère ont été développés. En 1998, lors de la deuxième conférence d’Issyk-Kul, le territoire de la biosphère d’Issyk-Kul a été créé (superficie totale de 43 000 km²). Cette année, un soutien global aux premières initiatives d’écotourisme a commencé dans le cadre des idées du Territoire de la Biosphère.

Un an plus tard, le projet « Snow Leopard » (léopard des neiges) est lancé dans le cadre du projet Territoire de la Biosphère. En 2000, le groupe « Bars » (panthère des neiges) a pour la première fois confisqué à des braconniers un léopard des neiges blessé, qui a ensuite été transporté en Allemagne pour y être soigné.

Le léopard des neiges sauvé, ainsi que les autres animaux sauvages qui se trouvaient derrière lui, avaient besoin d’une rééducation professionnelle. La nécessité de créer un centre de soins et de traitement des animaux avec leur libération ultérieure dans la nature a été résolue, grâce à l’ouverture du premier centre de rééducation « Ilbirs » en Asie centrale à Issyk-Kul, dans les gorges de Sasyk-Bulak. 

Le travail du centre de réhabilitation des animaux sauvages, souvent blessés par des braconniers, a été réalisé à un niveau professionnel. Les spécialistes du centre ont traité les animaux sans les apprivoiser par l’homme et ont tout mis en œuvre pour les ramener dans leur habitat naturel.

NABU accueille de nombreux oiseaux de proie. Photographie : Pascale Sury

Les activités de la branche de l’ONG « Union allemande pour la conservation de la nature (NABU) » en République kirghize mènent des opérations dans les domaines suivants :

La recherche scientifique sur l’habitat du léopard des neiges et d’autres animaux sauvages dans le cadre des activités du service de surveillance ;

Introduire les connaissances environnementales auprès des masses, à accroître la conscience écologique et l’éco-culture, à établir et à développer des relations avec les médias, à organiser et à conduire des événements environnementaux, à préparer les documents à publier, à assurer la présence des médias dans l’espace Web, réalisés par le Département de L’éducation à l’environnement et des relations avec le public ; 

Répression des cas de braconnage et de violations de la législation environnementale par le groupe anti-braconnage ;

Résoudre un large éventail de tâches visant à assurer la sécurité environnementale, le soutien aux initiatives publiques et l’éducation environnementale de la population par le centre environnemental de la région de la vallée de Naryn, de la haute montagne Kara-Kuzhur;

Réhabilitation animale au centre environnemental et de réhabilitation des animaux sauvages NABU

L’examen vétérinaire des animaux atteints remplit des fonctions thérapeutiques, préventives et vétérinaires-sanitaires ;

Leur leitmotiv principal – « pour l’homme et la nature » – reflète la nécessité d’efforts communs pour protéger et préserver l’environnement.

Le centre sauve également d’autres animaux sauvages et les oiseaux blessés. Il dispose de tous les moyens nécessaires pour soigner ses « patients ».

Le centre de réhabilitation est en effet composé d’un bâtiment principal et de volières pour oiseaux sauvages. Derrière, sur des pentes verdoyantes, se trouvent notamment les immenses enclos extérieurs pour les léopards des neiges.

Les enclos surplombent le centre. Photographie : Pascale Sury

Le centre de réhabilitation NABU comme lieu d’apprentissage

Le centre de réhabilitation s’engage de fait dans l’éducation environnementale, c’est pourquoi il est ouvert aux visiteurs. D’après le centre, la protection de la nature ne peut être efficace et durable que si la population locale est sensibilisée à ce problème. 

En effet, la sensibilisation à l’environnement est nécessaire, bien qu’il faille prendre en compte de nombreux facteurs sociaux, sociétaux et culturels à la pratique du braconnage, notamment la précarité locale. Par ailleurs, la nature ne pouvant être mise sous cloche au détriment des habitants historiques, chaque environnementalisme doit forcément prendre en considération les besoins locaux – au risque potentiel de colonialisme vert.

Ainsi, sur place les écoliers peuvent découvrir les animaux sauvages de leur pays d’origine, les étudiants kirghizes peuvent mener des recherches scientifiques et les groupes de visiteurs peuvent organiser des événements. « Il n’existe que quelques zoos et musées au Kirghizistan. Il n’y a pratiquement pas d’éducation environnementale dans les écoles », explique Tolkunbek Asylkulov, chef de la branche NABU à Bichkek. « Nous considérons donc qu’il est de notre devoir de faire comprendre aux gens ce que signifie la protection de la nature et des espèces ».

En plus du nouveau centre de réhabilitation, NABU gère un centre d’éducation environnementale dans la région de la vallée de Kara-Kujur. Là-bas, NABU Kirghizistan donne un aperçu des activités du projet en cours. Cela inclut, par exemple, la protection du  léopard des neiges grâce au travail anti-braconnage du Groupe « Bars » (léopards des neiges).

Les Groupes « Bars » (léopards des neiges) travaillent pour prendre des mesures efficaces contre le braconnage. Ils enquêtent sur tout signe de braconnage, contrôlent les commerçants de fourrures sur les marchés et fouillent les montagnes à la recherche de pièges installés. Les rangers sont principalement actifs dans le nord et le sud du Kirghizistan.

Les différents spécimens du centre

Le léopard des neiges Kolijuchka est né au centre de rééducation en 2009. N’ayant jamais vécu dans la nature auparavant, elle ne sait pas chasser et est tellement habituée aux gens qu’elle ne peut pas être relâchée dans la nature. Kolijuchka est un animal calme. Elle laisse le personnel du centre de réadaptation se rapprocher d’elle, surtout lorsqu’ils lui apportent de la nourriture, mais ne laisse pas les étrangers s’approcher d’elle.

Le nom Kolijuchka signifie « piqûre ». @PascaleSury

Le léopard des neiges Ak-Moor a été amené au centre de rééducation en janvier 2020 par des employés de l’unité anti-braconnage Groupe « Bars ». Ak-Moor est une femêle âgée qui s’est introduite par effraction dans un poulailler et a tenté de tuer des animaux domestiques. Cependant, comme elle était déjà faible et que trois de ses canines étaient endommagées, elle a échoué. Les militants des droits des animaux ont confié le léopard des neiges au NABU car il ne survivrait plus dans la nature. Ak-Moor se comporte timidement et de manière méfiante envers les gens.

Le léopard des neiges Ak-Moor @PascaleSury

Le lynx Léopold a été confisqué par l’inspection nationale de l’environnement en 2012 avec deux autres lynx dans la province d’Och. Les autorités ont emmené les animaux au centre de réhabilitation NABU, où deux des lynx ont été relâchés dans la nature après un programme de réhabilitation d’un an et demi. Cependant, comme Léopold était complètement apprivoisé, il vit en permanence sous la garde de NABU. Léopold est orienté vers les gens et joueur.

Le lynx Léopold @PascaleSury

Le loup Dirk a été amené au centre de rééducation à l’été 2023 par l’unité anti-braconnage Groupe « Bars ». Dirk n’était qu’un chiot lorsqu’il a été découvert sur une propriété privée suite à un appel à la police locale. Là, il a été gardé illégalement comme animal de compagnie par un homme et son fils. Comme le loup s’est déjà habitué au contact humain à cause de la captivité forcée, il est impossible de le relâcher. Il restera au centre de rééducation et sera pris en charge de manière plus responsable par le personnel. Il sera très prochainement relâché dans la nature, sans doute en octobre 2024 quand son poil sera totalement parfait.

Le loup Dirk @PascaleSury

L’ours Mishka est une femelle, bébé ours. Elle est arrivée récemment au centre. Elle est orpheline. Elle sera relâchée dans la nature très prochainement, en août 2024 plus que probablement.

L’ours Mishka @PascaleSury

Les oiseaux de proie peuplent presque constamment les volières du centre de rééducation. Deux aigles royaux y sont actuellement hébergés et sont en préparation pour leur libération dans la nature en fonction de leur état de santé.

Autrement, la vie du centre est assez rythmée. Nettoyage, nourrissage,… Les léopards qui sont carnivores mangent entre 2,5kg et 3kg de viande (d’âne) tous les deux jours afin de respecter l’équilibre et le rythme alimentaire qu’ils auraient à l’état sauvage. Les rangers apportent eux-mêmes les soins nécessaires aux animaux blessés. 

Les enclos surplombent le centre. Photographie : Pascale Sury

Les léopards vivent environ 13 ans à l’état sauvage mais ceux du centre ont déjà plus de 15 ans. Les rangers du centre ont des liens très fort avec ces animaux, dont les léopards, qui, malgré leurs efforts, ne pourront pas être relâchés dans la nature. 

Leur objectif est maintenant de leur apporter un maximum d’attention dans un environnement proche de leur milieu naturel. 

– Reportage réalisé en juin 2024 par Pascale Sury 


Pour aller plus loin: 

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Charitéstraße 3, 10117 Berlin

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