Photographe russe, Vadim Trunov a pris l’habitude d’attirer les animaux sauvages en titillant leur curiosité avec des objets originaux comme son appareil photo secondaire, un microphone ou encore un jeu d’échec. Ses clichés, résultats d’une patience sans bornes, interrogent de façon artistique notre rapport aux animaux au travers de leur propre rapport à notre monde. Une interaction qui vient raviver la question de l’existence d’une curiosité animale, que certains s’obstinent encore à nier.
Habitué de la photographie en pleine nature, Vadim Trunov est un photographe russe d’une trentaine d’années qui a déjà réussi l’exploit d’immortaliser la poésie de la forêt et de ses habitants dans des clichés étonnants pris « sur le vif », sans mise en scène ou exploitation animale. Dans une série réalisée en 2015, le photographe propose, en outre, à voir des animaux en apparence intrigués par la présence de son appareil photo et de son trépied. Fana de nature, le photographe russe a également réalisé des clichés où l’on peut voir des écureuils renifler un bouquet de fleur, « jouer au volley » avec une pomme de pin, ou encore s’affronter au cours d’une partie d’échec. Un seul secret : la patience.
Pour obtenir ces clichés hors du commun, Vadim Trunov a préparé le terrain pendant plusieurs jours précédant la capture des images. Afin d’attirer et de familiariser les animaux sauvages à son « spot », il a d’abord placé un peu de nourriture (des graines de tournesol pour les oiseaux, et des noix pour les écureuils) dans les environs. Le photographe a même été jusqu’à installer des « distributeurs de nourriture » dans les arbres à proximité. Une fois une petite colonie d’oiseaux et de rongeurs curieux des lieux, il ne lui restait plus qu’à attendre à quelques mètres de là pour ce moment fatidique qui, immortalisé, créerait le cliché parfait. On fera remarquer que s’il existe une polémique quant à certains photographes peu scrupuleux qui capturent et engourdissent les animaux pour faciliter leur photographie, Vadim met un point d’honneur à respecter les créatures qu’il immortalise.
Les animaux aussi sont curieux
Si ces photos sont le résultat d’un travail de préparation et d’une réflexion préalable qui exploite indirectement la pénurie de nourriture endurée par les animaux en hiver, ils viennent tout de même interroger la part « d’humanité » de ces animaux sauvages difficilement approchables. Si la curiosité animale n’est encore que marginalement reconnue, elle n’en est pas moins existante, et a déjà été étudiée par de nombreux éthologues et scientifiques. Il suffit d’ailleurs souvent d’avoir affaire à nos compagnons à poils les plus proches pour apprécier par soi-même la curiosité dont ils sont capables.
Ainsi, le biologiste et zoologiste autrichien Konrad Lorenz a prouvé que certains animaux sont capables, non plus d’adopter un comportement défini à l’égard d’une situation extérieure définie qui le déclenche ou d’adopter un comportement en fonction d’un besoin intérieur, mais d’agir sans qu’ils ne s’agisse d’une réponse à une influence interne ou externe (comme c’est le cas pour le jeu ou la curiosité). Prenant l’exemple du grand corbeau, le scientifique montre que certaines espèces ont un champ d’action qui va bien au-delà de la déterminante instinctive. Ainsi, lorsqu’il est confronté à un objet, celui-ci met successivement en place des comportements agressifs, nutritifs ou communicatifs afin de tester la nature de cet objet qui suscite sa curiosité. Ainsi, les animaux sont biens plus proches de l’Homme qu’on l’imagine, par ailleurs lui-même animal en son genre.